Les carnets de Jane Somers - Journal d'une voisine de Doris Lessing

Les carnets de Jane Somers - Journal d'une voisine de Doris Lessing
( The Diary of a good neighbour)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Tistou, le 9 février 2008 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Visites : 5 427 

Journal d’une voisine

Il est un peu difficile de s’y retrouver dans la bibliographie de Doris Lessing. Dans cette édition le titre est « Les carnets de Jane Somers_ Journal d’une voisine », dans une autre, ce sera : « Journal d’une voisine ». Mais il s’agit bien des carnets de Jane Somers, rassurez-vous ! Il semblerait d’ailleurs qu’elle nous ait fait une « spéciale Romain Gary » puisqu’elle avait commencé à publier « Journal d’une voisine » sous le pseudo ; Jane Somers ! Tuez-les tou(te)s, Dieu reconnaîtra les siens !
Doris Lessing a publié cette oeuvre en 1985, elle est donc en Angleterre à l’époque et on la sent interpellée par l’évolution de l’individu vers la vieillesse et l’ingratitude de notre civilisation envers nos vieux. « Les grand-mères », plus tard, apportera un correctif, en quelque sorte, à cette appréciation.
Jane Somers est à l’apogée de sa carrière de rédactrice, en chef ou peu s’en faut, d’un magazine féminin. C’est une femme qu’on qualifiera d’autonome, à défaut de libérée, aisée et qui s’est habituée au luxe et au paraître. Elle vient de connaître deux étapes douloureuses avec les morts successives pour cancer de sa mère, puis son mari. Et elle a l’impression de n’avoir pas été à la hauteur en n’accompagnant pas dignement ces deux proches vers la mort. Et cette impression va la rattraper de plein fouet quand elle fera la connaissance, fortuite, de Mrs Fowler, le genre de très vieille dame, pauvre, quasi abandonnée, qui d’ordinaire lui serait restée invisible. Mais Mrs Fowler n’est ce jour-là pas invisible et va prendre très vite une importance incompréhensible aux yeux de son entourage pour Jane Somers. Jusqu’à la fin.

« J’ai réglé mon pas sur le sien et suis sortie avec elle de la pharmacie. Arrivée sur le trottoir, elle ne m’a pas regardée, mais l’appel était manifeste. Je marchais à côté d’elle, c’était difficile de marcher si lentement. Habituellement, je cours, mais je ne m’en étais jamais rendu compte. Elle faisait un pas, s’arrêtait, examinait le trottoir, puis faisait un autre pas. Je me disais que tous les jours je filais sur ces trottoirs sans avoir jamais vu Mrs Fowler qui, pourtant, habitait près de chez moi ; et, tout d’un coup, je me suis mise à observer les rues, et j’ai vu les vieilles femmes. Il y avait aussi des hommes âgés, mais surtout des vieilles femmes qui déambulaient lentement, qui se tenaient debout deux par deux ou par petits groupes pour bavarder, ou assises sur un banc au coin de la rue sous le platane. Je ne les avais jamais vues. C’est parce que j’avais peur de leur ressembler. »

C’est très finement écrit, décrit, analysé. Doris Lessing n’a pas volé son Prix Nobel. Esprit rebelle et indépendant, elle nous clame ses indignations et nous met face à nos insuffisances. Elle a du boulot !

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