Le vent de la lune de Antonio Muñoz Molina

Le vent de la lune de Antonio Muñoz Molina
( El viento de la luna)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Guermantes, le 31 janvier 2008 (Bruxelles, Inscrit le 18 mars 2005, 77 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 800ème position).
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Le vent de la mémoire

Fin juillet 1969 :l’homme se prépare à mettre le pied sur la lune. Dans la ville imaginaire de Magina, au cœur de l’Andalousie, un jeune garçon se passionne pour l’aventure spatiale, un vieil homme tyrannique, franquiste par pur opportunisme, agonise, un aveugle se pend…
Comme les astronautes prisonniers de leur capsule avant d’affronter un monde lunaire peut-être plein de périls, le jeune héros qui n’a pas encore tout à fait accompli sa mue en vrai adolescent se sent entouré de dangers et se réfugie dans ses rêves, ses lectures, son monde à lui. Il déborde de désirs encore inassouvis, découvre le plaisir solitaire et éprouve un immense malaise car il ne se sent à sa place nulle part : ni au sein de sa famille de paysans pauvres presque illettrés, ni parmi ses condisciples issus pour la plupart de familles aisées.
Autour de lui, la ville de Magina se trouve elle aussi au seuil d’une ère nouvelle : le franquisme sclérosé se décompose peu à peu, télévision et machines à laver font une apparition encore timide, les fantômes du passé (la guerre civile n’est pas si loin) s’estompent, les vieilles structures de la société se craquèlent mais on ne sait pas encore très bien par quoi elles seront remplacées.
Difficile d’appeler « roman » ce très beau texte sans intrigue mais néanmoins passionnant. On comprend rapidement que la description de l’aventure lunaire est une métaphore qui embrasse à la fois les bouleversements internes que ressent le jeune héros et le cheminement de la société espagnole vers la modernité.
La fin du livre est superbe : seul dans les rues désertes de Magina, l’auteur aperçoit son père qui ne le reconnaît pas, il voit ses livres, ses jouets dispersés dans la rue et rend compte que lui-même a vieilli au terme d’un long voyage qu’il lui appartient maintenant de raconter. C’est écrit dans une langue superbe : Proust n’est pas loin.

N.B : la traduction française de ce livre est annoncée pour mars prochain (aux éditions du Seuil).

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Un petit pas pour l’homme

7 étoiles

Critique de Ravenbac (Reims, Inscrit le 12 novembre 2010, 59 ans) - 21 septembre 2012

Dans un petit village andalou à la fin des années 60, un adolescent de 12 ans, fils d’un maraîcher, se passionne pour la conquête spatiale. L’Amérique va marcher sur la lune. Sans véritable intrigue ce roman tient plus du récit. Car en parallèle de la conquête spatiale l’adolescent observe le monde qui l’entoure ; un monde rural en train de disparaître.
Les métaphores construites autour de l’image de la lune sont éculées. Les pages consacrées à la mission Apollo XI sont intéressantes en soi mais s’articulent mal autour du récit principal. Le roman est lent, comme est lente la vie rurale.
Le roman est très bien écrit, et Molina montre une fois de plus une acuité d’observation d’un grand écrivain.

Un très beau livre

7 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 26 juin 2008

En effet, je suis d'accord avec Guermantes et JLC. Ce livre est merveilleusement bien écrit.

Les descriptions du voyage lunaire, pour quelqu'un qui n'y connaît pas grand chose sont excellentes ainsi que la description des risques courus.

J'ai adoré la description sur le froid, celles du contraste gigantesque des domaines de préoccupations du fils et du père et encore du grand-père. Et aussi sa description de sa vision de sa soeur qui, pour lui, représente le charme, la gaieté mais aussi la liberté et le modernisme. Avec certains moments légèrement troubles.

Le contraste entre deux mondes tellement éloignés l'un de l'autre.

Et toujours le rappel et la survie de vieux sentiments relevant de la guerre civile...

Si ce livre est superbement écrit, il n'arrive cependant pas au côté passionnant de "Beatus Ille", du "Royaume des voix" ou de "Pleine Lune" à mes yeux aussi bien écrits.

" Le vent de la lune" de Antonio Munoz Molina : un bonheur de lecture

9 étoiles

Critique de Francesco (Bruxelles, Inscrit le 16 février 2001, 79 ans) - 23 mai 2008

L’auteur nous plonge dans l’été 69 en juillet dans un petit village andalou « Magina » où vit un adolescent de 12 ans , fils de maraîchers , et grand lecteur de romans de science-fiction. Il est fasciné cette année-là par l’expérience spatiale sur la Lune des astronautes américains Armstrong et Aldrich les premiers hommes à marcher sur l’astre légendaire.
Il suit avec passion l'événement sur la télévision que ses parents ont achetée sous l'influence de sa tante Lola , personne riche et moderne.
Il vit dans une maison dénuée de tout confort sans eau courante , ni salle de bain ni réfrigérateur et participe courageusement à la dure cueillette des oliviers.
Antonio Munoz Molina ne peut que se remémorer ses états d’adolescent confronté à l’éducation stricte catholique de la période franquiste , aux premiers émois sexuels , à la vie dure et inconfortable de la campagne.
Ce roman intimiste , bouleversant et drôle nous démontre l ‘excellence , la vitalité et la richesse de la littérature espagnole à côté d’autres écrivains comme Mario Vargas Llosa , Arturo Perez Reverte , Ramon Gomez de la Serna.
A noter aussi la très bonne traduction de Georges Bataillon .

Compte à rebours du passé

7 étoiles

Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 81 ans) - 11 mars 2008

Je partage sur bien des points la critique de Guermantes et pourtant j’ai un avis assez sensiblement différent du sien. « Le vent de la lune » est un faux roman qui est fait tout à la fois de pages somptueuses sur la naissance d’un adolescent et des paragraphes assez ennuyeux sur l’expédition Apollo XI vue par ce jeune garçon.

On comprend bien le projet de Munoz-Molina d’assembler en un puzzle littéraire la première marche de l’homme sur la lune, l’éclosion chaotique d’un adolescent et la fin chancelante du franquisme. J’ai trouvé cette métaphore très lourde, trop systématique, sans aucun romantisme ni aucune poésie même si ça et là on retrouve la patte d’exceptionnel écrivain qu’est Molina quand il prête à Aldrin un sentiment d’intense jalousie déguisée envers Armstrong – « pourquoi ne suis-je pas le premier à marcher sur la Lune ? »- ou lorsqu’il évoque la frustration et la nostalgie à leur retour –« deux heures à marcher sur la Lune et ensuite la vie entière pour se souvenir »-. De très longs paragraphes de description rompent le charme du récit sur la mue de l’enfance protégée en adolescence taraudée par la différence, la découverte du désir, le remords, l’apprentissage de la volupté, le péché et la honte.

Cette partie d’un roman, qui n’en est manifestement pas tout à fait un, est pleine de sensibilité, de finesse, d’amour aussi pour cette famille extrêmement pauvre, où l’on travaille énormément pour notamment permettre à ce garçon d’étudier et ainsi, imperceptiblement et sans le vouloir, s’éloigner d’eux. Car « de leur vie et de leur travail, eux n’attendent pas la nouveauté mais la répétition, parce que le temps dans lequel ils vivent n’est pas une flèche lancée en ligne droite en direction de l’avenir, mais un cycle qui se répète avec la même lenteur pesante que celle de la meule conique d’un moulin à huile qui tourne, que le rythme prévisible et lent sur lequel se succèdent les saisons, les travaux des champs, les temps de semailles et de récolte. »

Guermantes a raison aussi quand il évoque Proust. Il y a du Combray dans Magina, cette petite ville andalouse imaginée par l’auteur et dont on retrouve, de livre en livre, les lieux et les gens, ici le « localier » qui est aussi vendeur de magasin.

Ce livre me laisse donc une impression partagée entre une construction trop systématique fondée sur l’expédition d’Apollo XI et des moments où j’ai retrouvé d’une certaine manière ma propre adolescence éclatant difficilement du poids des conventions. Les pages sur les odeurs, les mains, un secret vieux de la guerre civile, enfermé dans une armoire et raconté de façon éblouissante par la grand-mère, son père, les olivades, l’imbécillité méchante de l’éducation certains « bons pères » et leur emprise –« le lundi projetait par avance son ombre carcérale sur l’après-midi bref et froid du dimanche d’hiver »-, l’arrogance des héritiers, la fuite dans les livres, la découverte du monde au travers d’un écran en noir et blanc, l’importance du travail sont autant de bonheurs de lecture.

Mais bien sûr ce n’est que mon avis.

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