H2 S O4 de Laurent Dumortier
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie
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Une approche dada de la poésie ?
L'auteur est nouveau en poésie ; il pratique surtout l'écriture du roman ou de la nouvelle fantastique.
Il est évident qu'un haïkiste (que je suis) est dérouté par pareille écriture, même s'il l'a, lui aussi, pratiquée, il y a plus de 20 ans.
L'écriture me semble automatique et elle produit des rencontres audacieuses. Pourquoi pas.
Taux d'oxygénation en baisse constante
Souffle court
Embolie poétique
Le train à destination du passé
entre en gare 0
Deux oeufs pourris sur le plat
M'dame
La lune est pleine comme
un kinder surprise
Le peuplier n'atteindra jamais le ciel
sauf si ce dernier fait le premier pas
etc.
Disons que je n'ai pas trouvé ce que je cherchais (pourquoi H2SO4 ?), mais ne faisons pas la fine bouche et laissons ce jeune auteur s'exprimer à sa façon, il trouvera probablement, petit à petit, ses marques dans ce domaine plus difficile qu'il ne paraît.
Rendez-vous lui est donné. M.P.
Les éditions
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H2 S O4
de Dumortier, Laurent
Chloé des Lys
ISBN : 9782874592836 ; 30/06/2007 ; 46 p. ; 9 cm x 14 cm
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Science humaine
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 4 février 2008
Dans son laboratoire, il mélange nobles sentiments et termes techniques pour obtenir des produits aux propriétés relevant autant de la physique que de l’algèbre des affects, ce qui donne des formules improbables, au sens statistique et surréaliste du terme.
« La fondue belge se situe au carrefour de nos sentiments. » (Le toi)
« L’œuf plongé dans l’azote liquide
ne remontera jamais en neige. » (Blancheur d’ébène)
A cette lecture, on pense en effet (voir la critique de Mopp) aux dadaïstes, aux Ginsberg, Burroughs de la Beat Generation ainsi qu’à l’inévitable Gainsbourg auquel est empruntée l’épigraphe : « Le temps ronge l’amour comme l’acide.»
L’espace-temps traditionnel est bafoué, comme s’il n’était plus viable.
« L’autoroute du temps génère un trafic plus important en période de doute » (Symbiose symptomatique)
Auquel fait écho ce très beau : « La route est peu sûre par temps de larmes. » (Rue du Purgatoire)
On le sait depuis Einstein, à des vitesses proches de celle la lumière, les vieilles lois de Galilée n’expliquent plus les phénomènes. A des sentiments proches de celui du Désespoir absolu, les idéaux anciens ne sont plus d’aucun secours.
« Température proche de l’angle mort
l’encre de ma plume s’évapore… »
Plus haut dans le même texte, « Evaporation en cristaux de soude », on peut lire :
« Je me désagrège
Comme un vieux meuble »
C’est dire si, ici, Laurent Dumortier fait acte de poète maudit, forçant la note pour faire entendre ses dissonances. Il semble avoir dépassé tous les paysages ordinaires, traversé toutes les frontières et vouloir nous ramener ses sensations d’outre-monde, dans le « déraisonné dérèglement de tous les sens » cher à Rimbaud. Mais le désenchantement n’est pas complètement consommé, sinon il n’y aurait pas eu ce livre jouant sur les oppositions blanc/noir, plein/vide et qui emprunte nombre de ses métaphores au monde de la chimie car c’est le domaine du miracle matériel, de la transformation des choses.
« Un litre d’acide suffit à dissoudre l’âme. » (H2SO4)
« Une particule d’oxygène suffit à modifier le cours de l’histoire. » (Injection massive d’oxygène)
Si l’auteur met l’accent sur l’infime, c’est qu’il sait que les changements en surface se font à des profondeurs abyssales, que c’est au niveau des particules que se régissent les lois de l’univers.
Ce recueil dresse le constat d’une faillite, un inventaire des dépits humains.
« L’absence de l’énergie blanche
Génère en moi une infinité de trous noirs
Et je m’enterre à la faveur d’une nuit sans étoiles.» (Tempête électromagnétique)
Laurent Dumortier brise ses élans. On sent qu’à tout moment il se défend du beau, de l’utopique mais qu’il ne se débarrasse que difficilement d’un lyrisme qui fait le prix de ces vers décomposés, passés au crible du désespoir.
« Nanopoésie dérisoire », « subjectif imparfait » écrit-il volontiers. C’est en effet la peinture d’un moi éclaté, délabré, dispersé, en mode arrêt d’urgence qu’illustrent ses vers.
A la fin, après avoir « tutoyé les maux » et s’être « disséqué à vif », été « larme de lumière », « poussières de souvenir », « électron libre», « Tableau de Mendeleïev en réduction », le poète accomplit, ayant vécu en accéléré l’histoire des sciences physiques dans l’expérience humaine de néantisation de son être (« vide d’essence »), son ultime métamorphose : de matière, il se mue en onde.
« Je pulse
Je pulse
A n’être plus qu’une onde _____________ »
Pour, on peut le penser, donner plus de prise au temps et à l’espace, au rayonnement venu du fond des âges.
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