Un plaisir trop bref : Lettres de Truman Capote, Gerald Clarke

Un plaisir trop bref : Lettres de Truman Capote, Gerald Clarke
( Too brief a treat)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Nomade, le 27 décembre 2007 (Inscrite le 14 février 2005, 12 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 449ème position).
Visites : 4 903 

Des lettres sur mesure

Pour ceux qui ne connaissent pas, peu ou mal Truman Capote, ce recueil de lettres permet d'appréhender la personnalité de cet écrivain. Personnalité enjouée, extravertie, passionnée, caractérielle, entière et sincère. Une personnalité qui saute aux yeux lorsqu'on lit la correspondance. On s'immisce dans l'intimité de ce grand monsieur, dans son âme.
Truman Capote écrivait à son entourage (ami(e)s, amants, ....) comme il leur parlait dans la vraie vie. Avec spontanéité et amour. Avec toujours une petite phrase ou un mot tendre à leur égard. Certaines lettres sont touchantes comme celles où il exprime son chagrin causé par un couple d'amis.
A lire comme si on trouvait des lettres éparpillées dans un tiroir ou dans une boîte. Au hasard. Car souvent le hasard fait bien les choses. Prendre son temps. Imaginer l'auteur en train de rédiger ce courrier comme dans cette petite chambre d'hôtel à Paris. Ou en Italie. Au gré de ses voyages.

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La lecture de Truman Capote - un plaisir toujours trop bref

8 étoiles

Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans) - 31 mai 2014

« 10/18 » publie la correspondance de Truman Capote. elle est une sorte d'autobiographie en creux de l'écrivain, offre un point de vue intime sur son travail de création. Le recueil commence par une lettre qu'il écrit à son père biologique alors qu'il n'a que douze ans. Les lettres sont présentées chronologiquement par Gerald Clark, universitaire américain qui le fait avec humilité et finesse. On y apprend que « To kill a mockingbird », le roman émouvant de Carson Mac Cullers, grande amie de Truman, raconte aussi leur enfance à tous les deux. Mal aimé par son père et sa mère, il les aidera cependant jusqu'à leurs morts.

Il envoyait quotidiennement des lettres à ses amis pour leur raconter les anecdotes les plus croustillantes sur son entourage et se moquer des salonnards, c'est aussi l'auteur d'un des romans anglo-saxons les plus réussis, une « novella » d'une centaine de pages, « Petit déjeuner chez Tiffany ». J'ai lu ce livre racontant les errements sentimentaux de oisifs new-yorkais une quinzaine de fois, et suis tombé amoureux de Holly Golightly dés la première lecture. Les imbéciles n'y verront pas un livre sérieux, il ne comporte aucun message ni admonestation politique.

Il écrit également « De Sang Froid », chronique hallucinée de l'envers du rêve américain, une famille à la Norman Rockwell se fait massacrer par deux petits voyous sans envergure. D'aucuns n'y ont vu qu'une dénonciation de la peine de mort, d'autres n'y perçoivent que le récit clinique d'un faits divers atroce. Le livre était tout cela à la fois et beaucoup plus, en particulier une réflexion sur le mal implanté dans l'âme humaine.

C'était aussi un livre monstre qui a certainement fini par complètement dévorer son auteur.

A cause de l'enquête et du travail immense que ce roman a demandé, l'auteur a fini par sombrer dans une dépression qui l'a amené à trop boire, consommer beaucoup trop d'alcool et essayer quelques drogues. Le triomphe que lui offre cette œuvre fut aussi le début de sa chute. Il écrit beaucoup moins ensuite, excepté des chroniques parfois intéressantes que l'on retrouve dans « Musiques pour caméléons ». Il devient, comme Norman Mailer, Hunter Thompson, ou Gore Vidal un « bon client » des émissions d' « infotainement » de la télévision américaine (à l'époque, on prenait la littérature beaucoup plus au sérieux).

Cependant, même du plus profond de sa déchéance, Capote ressentait instantanément la qualité d'écriture d'un texte, ou sa médiocrité. Que n'aurait-il dit à une époque où n'importe quel génie méconnu à juste titre, peut se prétendre écrivain en déversant à l'aide de son clavier ses frustrations, sa bile des plus amères, ou ses fantasmes et oser appeler ça son œuvre hurlant à l'injustice si personne ne lit ses divagations sans style, le plus souvent pompées sur Céline, mais pas pour des raisons littéraires, ou Brett Easton Ellis pour ceux qui ont grandi dans les années 80.

La littérature se noie en 2014, pour celle dont on parle car il existe des auteurs passionnants qui ne sont pas forcément là où on les attend, dans le déni de hiérarchisation des goûts et des couleurs. Ainsi que sur les rayons d'un supermarché, les chefs d’œuvre sont mis au même range que les « blockbusters », les livres demandant un tant soit peu d'ambition intellectuelle sont qualifiés de prétentieux et les auteurs que l'on voit encore sur les écrans invoquent sur tous les tons leur simplicité, leur proximité des « vraigens », leur « simplicité » , écrivant des livres flattant la fierté, si tant est que l'on peut parler de fierté à ce propos, d'être banal .

Truman Capote, « Ca-po-te », le nom du deuxième mari de sa mère, était un ludion extraverti, potineur et ragoteur, apparemment un mondain superficiel et un écrivain exigeant pour qui l'écriture engageait sa vie, son cœur, ses tripes, quelque chose que notre époque qui aime bien tout quantifier a du mal à comprendre. Il était en quête de l'affection de ses amis et proches, toujours inquiet de leurs sentiments. Finalement naïf, et candide, il s'imagine qu'en mettant en œuvre « Prières exaucées » son roman qui sera selon lui sa « Recherche du Temps perdu », il ne se fâchera avec aucun de ses amis dont il décrit les vices par le menu dans ce manuscrit.

Il est notoirement homosexuel, sans aucune ostentation superflue, à une période où cela n'est pas si évident. Il rencontre en 1948 Jack Dunphy, vétéran de la guerre du Pacifique, son exact contraire, qu'il aimera et qui l'aimera jusqu'à la fin en 1984. Le dernier courrier de l'écrivain sera pour Jack, un télégramme court et déchirant...

D'aucuns s'étonneront peut-être que l'auteur de cet article, moi-même ami lecteur, porte aux nues un auteur qui semble contredire par sa vie, et ses écrits, ce que je dis parfois sur la crise morale que nous traversons. En littérature, comme dans la vie, j'ai toujours eu horreur de la moralisation et des esprits étriqués qui s'interdisent pour les uns d'ouvrir un livre de Drieu car collabo, et qui ne liront pas Capote par peur de brûler en enfer car celui-ci leur rappellerait que c'est tout ce qui leur paraît superficiel et léger dans cette vie qui est le plus important, raison pour laquelle ils débutent toujours la mise en place de leurs idéaux par un bon petit autodafé, motif essentiel pour lequel je ne serai jamais de ceux qui veulent absolument faire le bonheur de l'humanité même contre son gré..

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