New thing de Wu Ming

New thing de Wu Ming
( New thing)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Grass, le 18 décembre 2007 (montréal, Inscrit le 29 août 2004, 46 ans)
La note : 9 étoiles
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Black Power

Non, Wu Ming 1 n’est pas un vague empereur chinois, pas plus que New Thing n’est son manifeste. Derrière la Wu Ming Foundation se cachent cinq écrivains italiens qui, sous un anonymat partiel, écrivent des livres, mais surtout, s’appliquent à détourner l’attention, à poser des lapins d’envergure aux médias. D’abord engagés sous le nom « Luther Blisset Project » (du nom d’un footballeur anglais des années 80), quatre des cinq Wu Ming ont créé un Robin des Bois moderne, une nouvelle forme de Héros populaire qui montrerait au monde à quel point on peut se foutre de leur gueule en tout assurance. Parmis les grandes farces de Luther Blisset, notons l’annonce de la disparition de Harry Kipper, artiste conceptuel anglais, qui serait parti en vélo avec le désir de tracer le mot ART sur la carte d’Europe. La farce déboule au point où une émission du Type Claire Lamarche se lance à la recherche de Kipper et dépense des sommes considérables pour finalement revenir la mine basse et empêcher à la dernière minute les artisans du Luther Blisset Project de revendiquer publiquement la farce.

Soulignons aussi la blague concernant Darko Maver, un imaginaire sculpteur et performeur très contesté, qui reproduit à l’échelle humaine des scènes de cadavres mutilés. Maver se retrouve emprisonné pour « conduite antisociale » et Le Luther Blisset Project lance un appel à l’aide pour le soutenir. Des photos de ses œuvres son publiées, qui sont en fait des photos de réels cadavres tirées du site rotten.com, et même que certains critiques d’art iront jusqu’à affirmer avoir connu Darko Maver. Le sculpteur meurt finalement dans sa cellule lors d’un bombardement de l’OTAN, et une photo de son cadavre est publiée, mais il s’agit en fait de l’un des membres de LBP. C’est la dernière grande farce du LBP, puis un nouveau membre se joint à eux pour former la Wu Ming Foundation.

Wu Ming est une expression chinoise qui peut signifier « sans nom », ou encore « cinq noms » et se veut également être un hommage à la dissidence, puisque Wu Ming est une signature utilisée en Chine par ceux qui demandent démocratie et liberté d’expression. Parmi les actions de la WMF, notons entre autres le concept de « copyleft » qui est, vous l’aurez deviné, l’antithèse du copyright. Pour en apprendre plus, je vous conseille d’aller consulter www.wumingfoundation.com, un site hautement documenté et traduit en de nombreuses langues. Et maintenant, le livre.

New Thing est le premier livre en solo de Wu Ming 1, et le deuxième du groupe à être traduit en français, l’autre étant Guerre aux Humains, de Wu Ming 2.

New Thing, c’est le nom que l’on donnait au Free Jazz, une appelation plus générale et par le fait même, davantage en lien avec les principes fondamentaux de « la nouvelle musique ». Le roman repose sur le vol progressif qu’ont opéré les blancs sur les noirs au sujet du Jazz. Et la New Thing a ét le résultat d’un trop plein, une révolution qui voulait ramener le jazz aux noir en le débarassant de tout concept occidental, la mélodie, la rythmique calculée, l’harmonie. La New Thing revenait aux sources par le brut, le bruit, le son, et l’absence totale de carcan dans lequel évoluer. Cette révolution coïncide avec les grandes avancées de la fin des années soixante aux Etats-Unis en matière de racisme. Les Black Panthers, le Black Power, le retour à l’islamisme, Malcolm X, Martin Luther King, et tous les premiers actes de refus commis par le peuple noir. L’époque était chaude, et le combat mené par chacun vint s’inscrire à la totalité de cette œuvre menée par les noirs.

C’est en faisant un panorama de l’époque que débute New Thing, et au moment où l’on croit qu’il en sera ainsi tout le long du roman survient le meurtre d’un musicien de Jazz en pleine rue. Ce meurtre sera suivi par d’autres de même acabit, toujours en prenant des musiciens de jazz comme victime. Bien que le NYPD tarde à relier ces meurtres entre eux, la population, elle, n’hésite pas à relier ces meurtres à des motifs raciaux. On appelle le criminel « Le Fils de Whiteman », en référence à Paul Whiteman, ce chef d’Orchestre blanc des années 30 qui fût nommé le Roi du Jazz, alors qu’à la même époque évoluait dans les salles pour noirs le plus grand chef d’orchestre que le jazz ait connu, Duke Ellington.

Si le Fils de Whiteman devient autant médiatisé, c’est principalement grâce à Sonia Langmut, journaliste au Brooklynite, petit journal de quartier qui n’a jamais hésité à donner la vedette à ses résidents. Sonia Langmut ne sort jamais sans son enregistreuse Butoba autour du cou et fréquente toutes les boîtes à musique au point de connaître personnellement les musiciens. Les gens qui ont des signalements du Fils de Whiteman préfèrent appeler le journal plutôt que la police, et Langmut se retrouve impliquée dans l’enquête, alors que le Fils de Whiteman, s’attaque à des hommes de plus en plus près d’elle.

Et au cours de son enquête, elle bénificie de l’aide d’un informateur dont elle seule (et le lecteur) connaît l’identité. Elle l’appelle L’homme des Fantômes, et il s’agit de nul autre que John Coltrane. Un Coltrane malade, sur la fin de sa vie, serein malgré tout, qui prédit à Langmut dans un langage poétique et évasif les prochaines actions de l’assassin. L’âme de Coltrane flotte au-dessus du livre comme un père soucieux mais mélangé.

Si la resolution de l’enquête n’apporte pas au lecteur la somme de ses espérances, New Thing n’en demeure pas moins un grand roman polyphonique où s’entrecroisent divers témoignages contemporains à l’époque où prend part l’action, des articles de journaux, extraits des enregistrements de Langmut, délires de Coltrane, etc. Les différents niveaux de language sont absolument crédibles, et on se surprendra à quelques reprises à se dire que ça doit être bien écrit en anglais, alors que la langue originale est l’italien.

Wu Ming 1 mêle parfaitement fiction et documentation, en plus de montrer une connaissance accrue du sujet et un respect inébranlable pour la cause et ses acteurs.

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Les éditions

  • New thing [Texte imprimé] Wu Ming 1 traduit de l'italien par Serge Quadruppani
    de Wu Ming, Quadruppani, Serge (Traducteur)
    Métailié / Bibliothèque italienne (Paris)
    ISBN : 9782864246183 ; 4,82 € ; 23/08/2007 ; 216 p. ; Broché
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