Le vampire de Ropraz de Jacques Chessex

Le vampire de Ropraz de Jacques Chessex

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Mmerliere, le 17 décembre 2007 (Inscrit le 15 décembre 2007, 62 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 20 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 226ème position).
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Mauvaise conscience

Mauvaise conscience

Imaginez la région du haut jorat suisse au début du siècle dernier.
Surtout n'allez pas vous imaginez un endroit bucolique où il fait bon flâner de vallées en plateaux.
D'abord il y a l'hiver, sa neige épaisse et lourde bloquant toute vie, puis, l'habitat disséminé, les habitants isolés et pauvres avec, comme seul revenu, celui qu'ils tirent péniblement de la terre. Cela implique une existence rude où les croyances et rituels de toute nature ont une place de choix.
C'est dans cet univers, admirablement campé par Jacques Chessex, que se déroule l'intrigue de ce roman. Très vite on est emporté dans un tourbillon monstrueux.
Qui a pu commettre ces horribles crimes où des cadavres de jeunes filles sont exhumés et à moitié dévorés? Qui a pu perpétrer ces odieux méfaits?
Et si la responsabilité était collective ? Et si ces actes ignobles n'étaient que le reflet du côté sombre de cette micro société, s'ils n'étaient que la mise en scène macabre du bouillonnement des âmes et la conséquence d'une terrible misère sexuelle? Un coupable est pourtant désigné et condamné ce qui permet à la population, en personnifiant l'auteur de ces actes barbares, de se dédouaner de sa mauvaise conscience collective.

On se surprend à ne pas vouloir connaître trop vite le dénouement du récit, tant l'écriture de Chessex est vive. Ce livre de 110 pages ne se laisse quitter qu'au point final.
Trop court ? Non. Car c'est précisément cette concision qui donne toute la force à cet ouvrage. Le mérite en revient à l'auteur qui à partir d'un fait réel a su parfaitement retranscrire l'atmosphère pesante de l'époque. On s'y croirait et on sait aussi que ce drame peut se reproduire un siècle plus tard sous des formes assez semblables. Telle est l'humanité.

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Un peu décevant.

6 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 1 août 2024

LE VAMPIRE DE ROPRAZ de Jacques Chessex "Grasset 2007" 112,- pages


Tout commence à Ropraz, dans le Jorat vaudois (Suisse), en 1903. On découvre dans le cimetière une tombe profanée, le corps abimé par des morsures. Le monstre a même dévoré certaine partie du corps.
Le village est en émoi, en prêche le pasteur déclare : "Nul n’est blanc devant le Seigneur. C'est seulement quand nous aurons examiné toutes nos fautes, et décidé de nous repentir, et de changer le cours de nos vies, ô Seigneur, qu’alors Tu rendras la paix à nos villes et à nos villages. Comme Tu as apaisé, dans ta bonté, nos cœurs".
Oups affaire réglée avec celui de là haut. Mais cela ne s'arrête pas là... un second cadavre est déterré puis des vaches se retrouvent ensanglantées, violées par celui qu'on nomme déjà "LE VAMPIRE DE ROPRAZ".
Ancestralement tout est maléfique et dangereux dans ces campagnes perdues, l’orage qui gonfle les rivières, la foudre qui met le feu aux toits, la sécheresse qui tue les champs, grille l’herbe, rapetisse et racornit les fruits, la pluie qui pourrit la récolte et ravine les cultures. On se méfie des vagabonds, des mendiants, des prédicateurs ambulants chapardeurs comme des romanichels. On chasse les gens du voyage, bohémiens, tsiganes, on fait fuir les colporteurs à coups de fourche
Le village cherche un coupable et le voilà. Il se nomme Charles-Augustin Favez, garçon de ferme. Surpris par ses maîtres ayant entravé une génisse et accomplissant un acte odieux.

Ce très court roman, qui comprend des passages d'une écriture somptueuse, méritait mieux que sa fin qui est un peu décevante.
Un bon mais très court moment de lecture.

Terrifique Romandie

8 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 3 mars 2020

Lorsqu'on découvre à Ropraz, au coeur du Haut-Jorat, le plateau comme l'appellent les Romands, le corps supplicié et profané de la belle Rosa, les vieilles superstitions refont surface. Dans ce coin reculé de la Suisse campagnarde au début du XXeme siecle, elles n'ont jamais vraiment disparu. C'est le Diable! Belzébuth en personne... le campagnard se terre tandis que les journalistes du monde entier reprennent, voyeurs impénitents, ce faits divers dans leurs feuilles de chou. Et puis deux autres corps de femmes sont retrouvés, victimes des outrages du vampires... qui peut bien être assez pervers pour violer, découper les parties intimes de l'anatomie des victimes, et les dévorer?
Les soupçons se portent bientôt sur un ouvrier agricole qui s'est rendu coupable d'actes contre nature sur des animaux du bétail. Dès lors, peu importe qu'aucune preuve ne sera jamais apportée, que les experts d'une science balbutiante, la psychologie, établissent que le coupable ne peut être ce garçon de ferme fruste et pervers certes, mais incapable de commettre les atrocités dont on l'accuse, l'opinion publique est figée. Le coupable est là, il faut lui faire un sort. Favez sera le Vampire de Ropraz, pour l'éternité.
Jacques Chessex parvient dans ce petit roman à donner corps non pas à un scenario de film de vampires mais à toute une société, tout un microcosme dont il nous fait rapidement à nous, le lecteur de 2020, prendre en horreur. Celui de la campagne, des croyances ancestrales, d'une certaine xénophobie et d'une tradition que notre société post-moderne n'arrive plus à comprendre. Quels ploucs que ces paysans qui se barricadaient contre l'autre pour pouvoir vivre en paix, qui combattaient la différence pour vivre entre eux au lieu de vivre ensemble. Il est peut-être un peu tiré par les cheveux de pratiquer une lecture politique de ce petit roman mais c'est cette lecture qui s'est imposée à moi. Chessex, chantre du cosmopolitisme? Voire. Dans tous les cas, il parvient dans un récit ramassé et efficace à convoyer une impression, une atmosphère lourde et poisseuse. Un style affuté et précis... admirable. Une forme irréprochable au service d'un fond sujet à débat.

Froid dans le dos

7 étoiles

Critique de Dudule (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans) - 27 juillet 2010

Ce petit roman sordide nous emporte à Ropraz dans le Haut-Jorat, un matin on retrouve dans le cimetière la fosse de Rosa ouverte et le cercueil mis à nu.
Après cette relecture, je ressens toujours un malaise à la description des profanations des cadavres des jeunes filles, mais plus encore sur les descriptions des violences sexuelles sur l'enfant Favez.
Jacques Chessex sait nous faire ressentir le dégoût, la peur, l'angoisse, la cruauté humaine dans un style efficacement mené.
Je rejoins aussi certains lecteurs avec une conclusion improbable qui m'a déçue.

Lu à Ropraz, ça change tout...

10 étoiles

Critique de Alegria (, Inscrite le 19 juillet 2010, 64 ans) - 19 juillet 2010

Le cimetière de Ropraz est un bijou de petit cimetière de campagne, où est enterré Chessex... Aller s'y promener donne corps à l'histoire.

Dommage, la fin est totalement improbable et "gâche" tout le reste qui est pur bonheur de lecture.

Trop, c'est trop...

5 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 12 juillet 2010

Jacques Chessex possède indéniablement un goût pour le morbide et il se plaît dans les descriptions répugnantes. C’est mon troisième livre de cet auteur et dans chacun, j’y ai retrouvé des scènes abjectes et dégoûtantes. Monsieur Chessex semble en faire une spécialité. Je ne possède pas une âme particulièrement sensible mais il réussit à chaque fois à me soulever le cœur tellement il se complaît dans les détails sordides. Je trouve qu’il en fait trop et cela m’agace. Je mentirais cependant si je vous confiais ne pas avoir du tout apprécié ce récit. Non, ma curiosité ayant été allumée, j’ai lu avec intérêt cette navrante histoire malgré mon irritation. Car il a le don de m’exaspérer cet homme non seulement par son style d’écriture en forme de reportage ou de faits divers qu’on peut retrouver dans n’importe quel journal à sensation mais aussi par le déroulement du récit sans grande originalité et souvent prévisible. Je trouve qu’il étire son récit inutilement en nous présentant une série de coupables éventuels.

Ceci dit, l’histoire ne manque pas d’intérêt mais le ton m’a tellement irritée que je lui décerne une note assez basse pour toutes les raisons expliquées ci-dessus.

« Tu étais trop belle, Rosa. »

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 28 juin 2010

Dans le Haut-Jorat, sur la montagne boisée entre Lausanne et Fribourg, les villages sont dispersés, un peu isolés, peu accessibles, « les idées ne circulent pas, la tradition pèse » dans ces villages repliés sur eux-mêmes règnent la méfiance, la xénophobie, la suspicion, la peur. Et, en février 1903, Rosa, la jolie fille du juge, décède d’une méningite. Trop belle, elle attisait la convoitise de toute la jeunesse de la région. Deux jours plus tard, un bûcheron découvre sa tombe profanée, ouverte et on constate rapidement que le cadavre a été violé, mutilé saccagé, amputé, des actes de cannibalisme ont été commis. La stupeur tombe sur le village, La peur, la panique, s’emparent des populations. « On se barricade dans son crâne, son sommeil, son cœur, ses sens, on se verrouille dans sa ferme, le fusil prêt, l’âme hantée et affamée. »

Il faut rapidement désigner un coupable et sévir sévèrement pour que cet acte ne puisse pas se renouveler mais la police et la justice piétinent, les coupables désignés ont tous des alibis ou des bons arguments pour ne pas être mis en cause. Les actes se renouvellement dans des villages voisins et la vindicte populaire s’exacerbe, il faut un coupable pour rassurer tout le monde, expier la faute et gagner la rédemption. La police en trouve finalement un qui peut-être mis en cause, il est arrêté et lourdement condamné.

A partir d’un fait divers réel, Jacques Chessex construit une petite parabole qui voudrait nous rappeler que la justice n’est pas toujours à la portée des hommes même si la bestialité la plus sauvage est, elle, toujours bien possible pour les hommes. Il stigmatise tout ce qui conduit vers les extrémités, l’ignorance, l’obscurantisme religieux ou autre, la peur, la xénophobie, le besoin de toujours trouver un coupable pour s’exonérer soi-même. C’est le petit monde de Charles Ferdinand Ramuz que Chessex met en scène dans ce fait divers d’une cruelle sauvagerie où la nécrophagie, côtoie la pédophilie, la zoophilie et d’autres abus sexuels dont sont victimes les plus faibles. Et, cette petite parabole montre, en saluant Blaise Cendrars au passage, que nous avons parfois les héros que nous méritons et qu’il ne faut pas forcément toujours se fier aux apparences

Roman ? Faits divers, plutôt !

6 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 29 avril 2010

On nous dit ceci en quatrième de couverture : « A partir d’un fait réel, Jacques Chessex donne le roman de la fascination meurtrière. » Roman ? Ce très court ouvrage me semble plutôt une interprétation personnelle à l’auteur de crimes commis début du 20ème siècle, à Ropraz, entre Jura et canton de Vaud, par celui qu’on appelât « le vampire de Ropraz ». Jamais vraiment élucidées, ces abominations ont bien marqué le pays à l’époque. Des cadavres de jeunes femmes fraîchement enterrées, déterrés et profanés, conduisent les autorités à inculper et condamner un dénommé Favez, garçon de ferme convaincu de zoophilie. L’intérêt d’un psychiatre pour l’individu en question et son cas conduira à l’interner plutôt que l’enfermer et ces circonstances lui permettront de s’évader et de rallier … la Légion Etrangère pendant la Première Guerre mondiale. A cette occasion, Jacques Chessex ira très loin dans les supputations, mais laissons un peu de suspens tout de même !
L’intérêt de Jacques Chessex pour cette vieille histoire fut manifestement provoqué par son emménagement en ces lieux :

« Quand je suis venu habiter Ropraz, en mai 1978, la tombe de Rosa Gilliéron était encore intacte dans l’allée du cimetière que longe le chemin de ma maison. C’était une dalle de grès sur laquelle se dressait une colonnette en marbre blanc cernée de roses en cuivre noirci, qui portait le nom et les dates de la morte. La petite colonne était tronquée, pour montrer la brièveté d’une vie trop tôt interrompue, désormais tragique, dans la fleur de la pure promesse. »

Quant à la manière de présenter cette région, nul mieux que lui peut le faire, d’autant que la situation reculée de ce secteur participe de ses hypothèses :

« Ropraz, dans le Haut-Jorat vaudois, 1903. C’est un pays de loups et d’abandon au début du vingtième siècle, mal desservi par les transports publics à deux heures de Lausanne, perché sur une haute côte au-dessus de la route de Berne bordée d’opaques forêts de sapins. Habitations souvent disséminées dans des déserts cernés d’arbres sombres, villages étroits aux maisons basses. Les idées ne circulent pas, la tradition pèse, l’hygiène moderne est inconnue. Avarice, cruauté, superstition, on n’est pas loin de la frontière de Fribourg où foisonne la sorcellerie. On se pend beaucoup, dans les fermes du Haut-Jorat. A la grange. Aux poutres faîtières. »

Plus qu’un roman, c’est un acte d’enquêteur, de journaliste sur une affaire qui défrayât la chronique suisse, et l’interprétation principale de l’auteur. Le doute planera toujours, mais …

Bien mais...

3 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 28 avril 2010

Une histoire intéressante mais un style journalistique à la limite de la prise de notes réduit l'impact du livre.
Les personnages sont réduits à leurs patronymes, pas de sentiments, pas d'histoires personnelles.
Une certaine complaisance dans les descriptions d'horreur laisse planer un malaise sur les spectateurs passifs de ces drames.
Autant de questions que de réponses, le doute reste malgré la condamnation, les preuves inexistantes ou implicites.
Au risque de faire de la dissidence, ce roman , dont j'attendais beaucoup, m'a énormément déçue.

Chronique de Ropraz

8 étoiles

Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 20 avril 2010

Ropraz 1903, le corps de Rosa la fille du juge est retrouvé affreusement mutilé.
Puis d'autres profanations sont commises.
Les villageois ont peur, la hantise du vampirisme prend le dessus.
On arrête un jeune homme au passé difficile.
On l'appelle le vampire.
Qui est cette dame en blanc qui vient lui rendre visite en prison?
Après son procès, son destin va être complètement bousculé.
C'est un fait divers agréablement raconté.
La vie de l'époque, les habitudes, les sentiments, les peurs, les superstitions sont bien illustrées.
Il manque juste une précision sur le personnage de la dame en blanc.
La fin est surprenante. Le sort du coupable est tellement peu probable.

C'est presque de l'auto-biographie.

10 étoiles

Critique de Slimnature (, Inscrit le 11 juin 2008, 67 ans) - 14 mars 2010

J'ai découvert l'auteur il n'y a pas longtemps, Le Vampire du Jorat a été mon premier de ses livres et j'ai été subjugué par son style, parfois cru mais résolument authentique, car Chessex par ses écrits, il règle des comptes avec lui-même, avec ses fantasmes, avec ses préjugés qu'il critique mais qu'il subit malgré lui, et ceux des habitants de ces contrées qu'il connaît si bien pour les avoir côtoyés.
Il est mort l'année passée, je crois, lors d'un débat animé, c'est dire sa passion excessive, mais son esprit est partout dans la région, comme pour exorciser ce petit monde qu'il aimait sans se gêner de critiquer leurs fausses croyances.
Avec Le vampire, il a utilisé un fait divers créé par la superstition du Nord Vaudois pour en faire un roman d'accord, mais bourré de son existence passée et présente et de-montrer la réalité d'un monde paysan presque intact à cause des croyances tellement ancrées, qu'elles empêchent l'évolution de l'humain, tellement imperméable que même la pluie a de la peine à se frayer un chemin et elle se transforme en brouillard, faute de ne pas se sentir utile dans ces paysages de moyenne montagne, ou tout blancs ou tout verts.
J'ai découvert un auteur au style écorché vif, qui utilisait l'écriture comme psychothérapie, on ne pourrait plus efficace que n'importe quel psychiatre, faute de quoi, c'est mon avis, il se serait suicidé comme son père qui lui a tant manqué, ce qu'on devine entre les lignes de ses livres, comme si il s'agissait d'un maître à penser dominateur de qui il n'a pu se séparer et avec lequel il était resté arrimé pour toujours.
J'ai été captivé par Le Vampire, mais surtout par l'écrivain, et je me fais plaisir de lire ses autres livres légers, en poids peut-être, ce que personnellement j'adore, car pour dire des choses, parfois les mots peuvent peser plus que des centaines de pages d'écriture, et là Chessex est un maître à écrire, tout en permettant au lecteur d'accéder à la découverte de l'homme.
slim

Ceci n'est pas un roman...

7 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 3 mars 2010

.. mais plutôt une longue nouvelle. J'ai bien aimé, même si la chute n'est pas tout à fait à la hauteur du reste, ce qui est toujours dommage pour une nouvelle. Comme mentionné par d'autres, l'auteur évoque très bien la mentalité attardée des paysans de petit villages suisses réformés, où les choses honteuses se font à couvert et sous les regard suspicieux.

Comme Benjamin, je trouve que certains personnages méritaient plus de développement, en particulier l'étrange visiteuse de prison.

En fait il est intéressant de comparer ce petit roman avec celui d'une autre sélectionnée du prix 2010 de critiqueslibres.com, Irène Némirovsky, qui dans "Chaleur du Sang" dépeint aussi la mentalité paysanne mais cette fois dans un village de Bourgogne en France. Personnellement, je préfère nettement l'écriture de Némirovsky. Et ses personnages ont plus de consistance.

Un reflet de la nature humaine

8 étoiles

Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 3 février 2010

J’ai trouvé que la finale avec le soldat inconnu était tirée par les cheveux et décalée par rapport au reste de l’histoire (pendant un moment, j’avais l’impression de lire le Da Vinci Code). Ça a été un désenchantement parce que, mise à part la conclusion, c’était génial, subtil.

« En attendant, la rumeur enfle. Et la peur. On s'arme de plus belle, la nuit on se barricade, et la délation va son train. Envie, basse jalousie, règlements de comptes ancestraux, prétendants éconduits par Rosa ou par son austère père, particuliers lésés par ses décisions de juge, politicards froissés de sa carrière, solitaires, timides, compulsifs éperdus et obsédés par la pureté de la trop belle jeune fille... »

L’auteur décrit bien la peur, la paranoïa, la vengeance des gens, l’hypocrisie. Aussi, l’horreur des crimes, le grotesque, est présentée de façon clinique, ce qui atténue le gore. Ce n’est pas aussi sensationnaliste que je l’avais imaginé, ça a été une bonne surprise. Le livre laisse une porte ouverte : Favez, croque-mitaine moderne ou bouc émissaire plus que très probable ?

Drôle d'idée que cette conclusion

8 étoiles

Critique de Ngc111 (, Inscrit le 9 mai 2008, 38 ans) - 27 janvier 2010

Un récit concis mais remarquablement bien mené. On n'a pas envie d'arrêter sa lecture une fois rentré dans cette histoire glauque et crue (sans mauvais jeu de mots) qui démarre sans perdre une seconde (il vaut mieux vu que c'est très court).
L'atmosphère sordide est vraiment remarquablement bien retranscrite par l'auteur et j'ai pris beaucoup de plaisir pendant cette lecture. Il y a parfois une poésie brutale qui se dégage de cette œuvre, des termes choquants qui ne nous cachent rien des horreurs commises dans ces contrées de la Suisse rurale baignant dans l'alcool, l'inceste et les traditions rigides et moyenâgeuses.
Tout cela partage nos sentiments... on voudrait compatir envers l'accusé, détester les villageois... mais tout n'est pas si simple. Chessex nous montre que l'environnement joue une grande place dans le destin et le comportement des hommes.

Je reste par contre déçue par la fin qui tire vers le sensationnel et se révèle trop abrupte. Je suis resté une ou deux minutes en me demandant si il ne manquait pas des pages et surtout si l'auteur était toujours le même lors des deux ou trois dernières pages. Drôle d'idée que cette conclusion.

Mais encore une fois j'ai plutôt envie de retenir le plaisir que j'ai eu pendant les 99% du récit.
C'est déjà pas mal!

Des frissons dans le dos

8 étoiles

Critique de Shan_Ze (Lyon, Inscrite le 23 juillet 2004, 41 ans) - 12 janvier 2010

Ropraz, dans le Haut-Jorat vaudois en 1903. La tombe de Rosa Gilliéron est ouverte et le cadavre de la jeune fille est violé et mutilé. Bientôt, deux nouvelles tombes subissent le même sort. La population est indignée et cherche un coupable. Et elle en trouve un…

J’ai été heurtée par les descriptions des mutilations et autres actes « barbares ». On est vite pris dans l’histoire et l’écriture de Chessex, on a envie de savoir qui a pu faire une chose pareille, si elle est humaine ou autre. Malgré certaines accusations, je ne suis pas toute à fait convaincue de la culpabilité du jeune homme qui fait pourtant des choses assez douteuses... Une histoire qui laisse une impression de malaise sur cette sombre société.

Le silence des campagnes

9 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 28 mai 2009

Chessex aime disséquer les tourments de nos âmes et les vicissitudes humaines. Quel beau sujet d'inspration, dès lors, que cette sombre histoire de profanation de cadavres de jeunes filles récemment enterrées, dans une région perdue de la Suisse au début du XXe siècle.
En narrant par le menu la montée d'adrénaline qui s'empare des habitants et la chasse à l'homme qui s'organise, puis la capture et le procès, Jacques Chessex plonge son lecteur dans une histoire terrible en ne lui épargnant rien. Les dérives sexuelles sont plus nombreuses qu'il n'y paraît dans ces campagnes reculées et animaux et enfants font souvent les frais de la perversité ambiante. Cela ne veut pas dire pour autant que tout le monde est à mettre dans le même sac mais tout de même, en plaçant ce tragique faits divers à la Une de l'actualité, les médias ignoraient sans doute à quel point il infligeaient une certaine forme de honte aux habitants du coin et des alentours.
L'analyse de Chessex est sans appel, efficacement menée, avec sa plume toujours aussi ronde et élégante.
La narration est de bonne qualité, alternant les desciptions aux interpellations directes, mêlant roman et journalisme.
Pas sûr ceci dit que toutes les campagnes profondes de Suisse aient apprécié cela, même si le temps a passé...

Vampire, vous avez dit vampire ?

6 étoiles

Critique de Alouette (Seine Saint Denis, Inscrite le 8 mai 2008, 39 ans) - 9 novembre 2008

J'ai trouvé ce livre par hasard en fouinant dans les rayons de la bibliothèque où je travaille. L'ouvrage était très mal rangé. Coup du destin ? Hasard ? Le titre m'a alerté. Aaah, une histoire de vampire.
La quatrième de couverture annonçait que le récit avait été écrit à partir d'un fait divers. Bon, ça allait me changer des romans fantastiques.
Tout d'abord, j'aurais plus vu ce récit comme une nouvelle car le livre est très court : une mise en page très espacée sur une centaine de pages. L'histoire est simple : une série de "crimes" à élucider.
Venons-en au texte en lui-même. Le premier chapitre m'a un peu refroidi puis je me suis laissée emporter par cette écriture quasi scientifique, sèche, sobre. Aucune émotion ne transparaît dans ce tableau d'une région soumise aux superstitions. La description des atrocités commises sur les cadavres n'échappent pas à ce traitement. Je trouve que ça montre encore plus l'horreur de la situation mais aussi la "réalité" de l'affaire. Ceci est vraiment basé sur un fait divers (dans le même style que la bête du Gévaudan).
L'enquête se déroule au fur et à mesure. Des hypothèses sont avancées, pour la plupart réfutées.
Le traitement réservé au mythe du vampire. Le coupable a les yeux affaiblis par les lumière. Cette maladie prouve donc que c'est LE vampire recherché. Un peu comme les verrues pour les sorcières. Est-ce vraiment le coupable ou n'est-ce seulement qu'un bouc émissaire, victime de la société ? A vous de juger.
Cette histoire me rappelle le livre de Don Calmet (le premier livre écrit sur les vampires) où l'auteur se sert de témoignage pour dégager les caractéristiques des créatures des ténébres. Un autre livre existe avec un titre plus explicite : "De masticotione mortuorum" de Phillipe Retrius, écrit au 17ème siècle qui aborde le thème décrit dans le livre de Chessex.
La fin est vraiment surprenante. J'en dis pas plus mais elle est vraiment "surréaliste". Elle fait un peu froid dans le dos.

La grande peur dans la montagne

10 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 19 avril 2008

Dans ce récit, magistral coup de poing en 100 pages et 16 chapitres, Jacques Chessex réussit non seulement à présenter un fait divers dans sa durée, mais aussi à traduire l’atmosphère pesante de la terre protestante vaudoise sur qui pèse « l’obsession de la faute verrouillée au corps des calvinistes », et enfin à cerner la personnalité de Favez, à la fois bourreau et victime, en remontant aux traumatismes de la jeune enfance et en présentant des conclusions de l’expertise psychiatrique de ce dernier .
La puissance de ce bref récit tient à la variété du style de Chessex, tantôt d’un réalisme froid, clinique pour décrire l’état des cadavres , tantôt fluide, souple et comme incantatoire grâce aux anaphores qui donnent l’impression d’encerclement, de piège où se sentent pris les Vaudois, tantôt haletant et saccadé comme pour traduire la peur, tantôt ironique pour présenter le vampire auquel on rend,sans le savoir, hommage sous l’Arc de Triomphe .
Il sait aussi alterner les tournures verbales . Au milieu du récit impersonnel bâti sur des verbes à la 3 personne, il intervient pour apostropher le vampire, ou par l’emploi de nous ou nos, pour montrer qu’il appartient lui-même à ce pays et qu’il en épouse certaines croyances « Il y avait surtout en nous, du fond des siècles, la certitude de la punition de la punition suspendue là-haut, sur nos vies » . Par le passage subtil à un monologue intérieur de Favez en prison , à la première personne, il traduit toute l’horrible souffrance du jeune enfant devenu un jouet destiné à assouvir les pulsions sexuelles de l’homme et de la femme qui l’hébergent .
Il mêle aussi les genres, celui de la relation journalistique des faits avérés, celui du romanesque en donnant tout le poids du mystère au personnage de la Femme en Blanc dont les trois interventions clandestines font du dévoreur un dévoré , celui de l’étude ethnographique d’une société « victime de la crasse primitive, alcool, inceste et superstition qui infestent nos campagnes et creusent d’autres foyers d’exactions sexuelles et d’horreurs sans merci »
Chessex transcende ici le fait divers et l’étude du cas pathologique en s’employant à débusquer la face obscure d’une collectivité et en faisant de Favez un personnage mythique, bouc émissaire permettant d’exorciser nos démons et apte à hanter l’imaginaire collectif .
Un récit qui marque et dont on ne sort pas indemne !

Le monstre insaisissable

8 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 18 janvier 2008

Petit roman sordide consacré à un détraqué sexuel au début du 20e siècle dans une Suisse rurale aux croyances primitives… bien que cela n’a pas vraiment changé en justice barbare populiste. On sent que l’auteur aime parler de son sujet sombre ou du moins de la réaction des gens face aux crimes odieux, comme le démontre une note en bas de page relative à la pendaison d’un criminel « devant une foule parfaitement satisfaite. »

La conclusion ironique clos une trop brève incursion dans l’univers du psychopathe. C’est trop court, et ne va pas vraiment plus loin que le fait divers qui en est l’inspiration première. J’aurais aimé surtout explorer ce personnage de Dame blanche qui visite l’accusé en prison afin d’assouvir ses désirs sexuels. Un personnage fascinant s’il en est un.

Stigmatisation quant tu nous tiens

8 étoiles

Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 29 décembre 2007

Nous sommes à Ropraz, dans le Haut-Jorat vaudois. Et d'emblée nous voilà plongés dans une ambiance sombre et crûe de ce petit village suisse, pays rude et protestant en l'an 1903.

Citation :
"Habitations souvent disséminées dans des déserts cernés d'arbres sombres, villages étroits aux maisons basses. Les idées ne circulent pas, la tradition pèse, l'hygiène moderne est inconnue. Avarice, cruauté, superstition, on n'est pas loin de la frontière de Fribourg où foisonne la sorcellerie. On se pend beaucoup, dans les fermes du Haut-Jorat."

Ropraz, c'est aussi la solitude, la pauvreté, la peur, les croyances, fantasmes, la crainte de l'étranger, les prières et les potions pour se protéger du mal.

"La misère sexuelle, comme on la nommera plus tard, s'ajoute aux rôderies de la peur et de l'imagination du mal. Solitaire, on surveille la nuit, ébats d'amour de quelques nantis et de leur râlante complice, frôlements du diable, culpabilité vrillée dans quatre siècles de calvinisme imposé. Sans répit déchiffrer la menace venue du fond de soi et du dehors, de la forêt, du toit qui craque, du vent qui pleure ; de l'au-delà, d'en haut, de dessous, d'en bas : la menace venue d'ailleurs".

Rosa, la fille du juge de paix, grande fleur fraîche de 20 ans à la peau claire, aux grands yeux et aux longs cheveux châtains, dévouée aux malades et active paroissienne, sera retrouvée morte d'une méningite dans la ferme de son père.
La mort de Rosa émeut tout le pays, nombreux et de loin viendront les hommes, femmes et enfants donner un dernier hommage lors de son enterrement.

C'est donc avec effroi et stupéfaction que la village se réveille deux jours plus tard en constatant que la tombe de Rosa a été profanée : le cadavre de la jeune morte a été retrouvé violé, des mutilations diverses marquent ce corps froid, certaines parties ont même été découpées, mangées, mâchées pour ensuite parfois être recrachées.

La chasse aux vampires est déclarée, les peurs ancestrales remontent à la surface, le coupable doit payer ses crimes. D'autant plus que d'autres actes similaires suivront. Il faudra bien un bouc émissaire pour venir à bout de cette hystérie collective et apaiser ce peuple, déjà si peu gâté par la vie rude dans le Haut-Jorat vaudois.


Jacques Chessex s'inspire d'un fait divers qui a frappé la région où il vit en ce début du XXe siècle. J'ai aimé son écriture aride sans concessions aucunes, l'atmosphère rendue de ce petite village suisse, la stigmatisation des uns nécessaire pour conforter la vie des autres.

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