Aphrodite de Pierre Louÿs

Aphrodite de Pierre Louÿs

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 30 novembre 2007 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 964ème position).
Visites : 4 952 

Roman de moeurs antiques ?

Pas tout jeune cet « Aphrodite », Pierre Louÿs ayant commencé sa rédaction à la toute fin du XIXème siècle. Pour autant, il est intemporel puisque nous sommes dans l’ancienne Alexandrie, du temps de la Grèce antique, du temps des courtisanes.
J’ai eu un peu de mal à accrocher à cette histoire pour laquelle on a du mal à déterminer jusqu’à la moitié du roman si Pierre Louÿs a simplement voulu écrire un roman à connotation érotique ou si le propos est plus profond. C’est vrai quoi, un roman où toutes les femmes sont belles, nues. Où les quelques hommes sont des dieux, qui passent leur temps à repousser ces superbes créatures, … bon ! …
Et finalement c’est plus que cela. Le propos est plus profond sous couvert de libertinages.
Pierre Louÿs nous raconte l’histoire de Chrysis, depuis sa naissance en Galilée à son éclosion de courtisane à Alexandrie. Si belle que tout peut arriver, comme se prendre pour l’égale l’Aphrodite. Si belle qu’inévitablement un malheur arrive. Elle fait tomber dans ses filets Dimitrion, l’amant de la reine, le sculpteur qui a représenté Aphrodite, qui est tellement subjugué qu’il commettra l’impensable, l’impensable que lui a demandé Chrysis pour prix de son amour. L’homme amoureux est faible et commet des folies, mais il s’avère ici que le piège peut se refermer et que la femme amoureuse commette une folie. Et que le piège se referme.
Pierre Louÿs truffe une histoire plus profonde qu’il n’y parait de passages libertins, érotiques et il y prend tellement plaisir qu’on peut croire un moment que c’est son propos principal.

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Les éditions

  • Aphrodite [Texte imprimé], mœurs antiques Pierre Louÿs
    de Louÿs, Pierre
    Albin Michel / Bibliothèque Albin Michel
    ISBN : 9782226027764 ; 4,82 € ; 12/03/1987 ; 262 p. ; Broché
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le désir et la mort

8 étoiles

Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 23 février 2015

Dans l'antique Alexandrie, Chrysis aux blonds cheveux est la plus belle et la plus désirée des courtisanes. Fière de son art comme de sa beauté, elle croise un jour Démétrios, sculpteur renommé pour sa statue d'Aphrodite et amant attitré de la reine Bérénice. Lui qui est adulé de toutes les femmes s'éprend de la blonde courtisane, la désirant d'autant plus que Chrysis le rejette. Pour entrer dans les bonnes grâces de la belle, il accepte de réaliser pour elle trois délits : le vol du miroir de la plus grande rivale de la courtisane, le meurtre d'une vieille prêtresse pour la délester de son peigne d'ivoire, et le vol sacrilège du collier de perles de la statue sacrée d'Aphrodite. Mais…

J'ai beaucoup aimé ce petit livre, cette presque-nouvelle pas tout à fait conte, de Pierre Louÿs. Sous couvert de nous raconter l'histoire de Chrysis, il fait revivre sous nos yeux les mœurs de la Grèce antique, du culte de l'amour physique aux abus des soirées orgiaques. Il nous explique l'origine des courtisanes, leurs façons de travailler, les rivalités et jalousies, les prix à payer, et leur devenir. Au-delà de cet aspect historique dont on ne sait trop s'il est fondé ou pas (l'auteur est surtout connu pour sa supercherie sur "Les chansons de Bilitis"), l'auteur de "La femme et le pantin" signe également une œuvre hautement symbolique sur le désir et la mort, sur le pouvoir des uns sur les autres, sur les extrémités auxquels le désir conduit. Les méfaits que doit commettre Démétrios ne me semblent pas anodins ni fortuits, mais à interpréter. Rappelons-nous de la belle Psyché que l'on comparait à Aphrodite elle-même (dans L'âne d'or, d'Apulée) et dont le destin sera plus clément que celui de Chrysis. L'écriture de Pierre Louÿs est belle et poétique (il est également poète), jubilatoire et sensible, servant la sensualité de cet ouvrage.
Une très jolie découverte que je dois à la très belle critique de Tistou.

Car l'amour est un art, comme la musique. Il donne des émotions du même ordre, aussi délicates, aussi vibrantes, parfois peut-être plus intenses ; et Chrysis, qui en connaissait tous les rythmes et toutes les subtilités, s'estimait, avec raison, plus grande artiste que Plango elle-même, qui était pourtant musicienne du temple.

L'âme féminine est d'une simplicité à laquelle les hommes ne peuvent croire. Où il n'y a qu'une ligne droite ils cherchent obstinément la complexité d'une trame : ils trouvent le vide et s'y perdent.

Je suis satisfait quand je referme un livre en emportant le souvenir d'une ligne qui m'ait fait penser. Jusqu'ici, tous ceux que j'ai ouverts contenaient cette ligne-là. Mais aucun ne m'a donné la seconde. Peut-être chacun de nous n'a-t-il qu'une seule chose à dire dans sa vie, et ceux qui ont tenté de parler plus longtemps furent de grands ambitieux. Combien je regrette davantage le silence irréparable des millions d'âmes qui se sont tues !

Avec une lucidité effrayante elle eut la vision de son cadavre, et elle fit traîner ses mains sur son corps pour aller jusqu'au fond de cette idée si simple, qui jusqu'ici ne lui était pas venue, – qu'elle portait son squelette en elle, que ce n'était pas un résultat de la mort, une métamorphose, un aboutissement, mais une chose que l'on promène, un spectre inséparable de la forme humaine, – et que la charpente de la vie est déjà le symbole du tombeau.

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