Le maître des carrefours de Madison Smartt Bell
( Master of the crossroads)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Toussaint, le tacticien
Exactement dans la même veine que le premier tome, « Le soulèvement des âmes », cette suite en a gardé le souffle, la puissance, . La révolte terminée, il reste à traduire concrètement l’égalité des Noirs à Saint-Domingue. L’île est toujours partagée, les Anglais, les Français toujours bien présents. Et au milieu de tout cet imbroglio, souverain, Toussaint. Oui, souverain : il se détache par son flegme, son audace, voire son impudence. Il manipule tant et si bien les uns et les autres qu’il aboutit à ses fins : ce territoire, alors français, aucun général français ne le domine, Toussaint ayant œuvré à écarter un à un les représentants de l’autorité française en place. Subtilement ou grossièrement, le fait est là : Toussaint règne en maître.
Il reprend ses troupes en main, une discipline de fer faisant ressembler à une véritable armée ces hommes qui peu de temps auparavant n’étaient qu’une bande désorganisée. Toussaint, confronté à la difficulté du coût des armes, fait travailler dans les champs les Noirs qui ne sont pas incorporés à l’armée. On ne peut s’empêcher de voir des similitudes entre la situation actuelle de ces paysans et l’esclavage. Car s’ils se sauvaient, ils étaient considérés comme des déserteurs : ordre était de les fusiller. Même lorsque la guerre est terminée, Toussaint maintient cette ligne de conduite. Et dès lors se met à dos toute une partie de la population…
Vers la fin de ce deuxième tome, Toussaint-Louverture (lui-même a changé son nom) pense qu’il est urgent de rédiger une nouvelle Constitution pour l’île. « Le texte original avait été approuvé par les membres d’une commission que les observateurs considéraient unanimement comme des marionnettes. Il visait pour l’essentiel à assurer un pouvoir quasi absolu à Toussaint-Louverture, aussi longtemps qu’il vivrait, ainsi que le droit de désigner son successeur. » Ce texte ressemble davantage à une déclaration d’indépendance sans en porter le nom…
Voilà pour l’évolution sur le plan politique. Bien sûr, Madison Smartt Bell n’a pas abandonné le foisonnement de personnages du premier tome. Nous retrouvons les intrigues, nous suivons avidement les amours illicites, les grossesses cachées, les bébés qui grandissent. Tous, absolument tous, sont d’une richesse psychologique peu commune. Tout en nuance, en eux cohabitent la trivialité et la dignité. Voilà qui rend cette brique de 1070 pages passionnante. On se prend à veiller tard, à grappiller une minute par-ci, un moment par-là, pour suivre les aventures de ces protagonistes. Pour avoir le fin mot de l’histoire, il faudra lire le troisième tome… On sait déjà, car toute l’histoire n’est qu’un flash-back, que Toussaint sera arrêté et que ses conditions de détention seront pitoyables. Mais quid de la suite ???
Les éditions
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Le maître des carrefours [Texte imprimé], roman Madison Smartt Bell traduit de l'américain par Pierre Girard
de Bell, Madison Smartt Girard, Pierre (Traducteur)
Actes Sud / Babel (Arles)
ISBN : 9782742768400 ; 16,80 € ; 07/06/2007 ; 1125 p. ; Poche
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Le deuxième tome de la trilogie
Critique de Mieke Maaike (Bruxelles, Inscrite le 26 juillet 2005, 51 ans) - 24 mars 2008
Contrairement au premier tome, le récit se concentre sur trois personnages : le docteur Hébert qui, sans avoir perdu ses idées humanistes, s'habitue maintenant à la vie sur cette île, le capitaine Maillard s'intégrant sans difficulté dans une armée de Noirs, et Riau l'ancien esclave enclin au marronage y compris lorsqu'il revêt ses fonctions militaires.
On peut peut-être regretter ce choix de l'auteur qui, par moment, ne parvient plus a donner à ses personnages le même souffle que dans le « Soulèvement des âmes ». Hébert, après après avoir passé beaucoup de temps à la recherche de sa sœur, se met maintenant à chercher son amoureuse. Tandis que Maillard, bien que très attachant, ne parvient pas à poser des actes suffisamment remarquables qui pour en faire un personnage hors du commun. C'est d'autant plus dommage que bon nombre d'autres personnages très typés, tels que Elise, Nanon, Isabelle Cligny, Claudine, Merbillay, auraient mérité des développements bien plus importants que d'être décrites quasiment exclusivement au travers des yeux de leurs maris et amants respectifs. L'auteur semble éprouver une plus grande difficulté par rapport à ses personnages féminins, ce qu'il n'avait pourtant pas dans le premier tome. Même Toussaint-Louverture devient un personnage secondaire, énigmatique, insaisissable.
Mais qu'à cela ne tienne, ce roman bien documenté et à l'écriture agréable, reste d'une grande qualité et parvient à communiquer au lecteur la réalité de la vie en Haïti durant ces périodes troublés.
Le troisième tome « La pierre du bâtisseur » vient d'être publié en français. Je ne vais pourtant pas le lire tout de suite. C'est vrai qu'après plus de 1800 pages, j'ai envie de lever le nez de cette chaleur étouffante, ces moustiques omniprésents et ces marais pestilentiels. Je vais juste attendre le temps qu'il sorte en version de poche.
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