Les disparus de Daniel Mendelsohn
(The lost)
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Le pays d'autrefois
Daniel Mendelsohn est un universitaire américain, juif et laïc, dont l’enfance fut tout à la fois enchantée par son grand-père, mémorable conteur, et étonnée par la mélancolie que sa présence provoquait chez les plus anciens de sa famille qui, lors de rencontres occasionnelles, versaient quelques larmes tant cet enfant, moment d’innocence, leur rappelait Shmiel Jäger, le frère de son grand-père, disparu avec sa femme et ses quatre filles dans les horreurs de la guerre, « tués par les nazis » disait-on. Longtemps, Daniel ne sut rien d’autre.
Le jour de sa bar-mitsva, seule concession de son scientifique de père à la religion, il se demande quel peut bien être le lien qui l’unit à tous ces gens qui assistent à cet événement. Il veut comprendre et entreprend de les interroger sur sa famille. Gratifiés, ces vieux juifs d’Europe centrale vont lui répondre. Mais il sent bien que tout n’est pas dit, il y a ceux qu’on ne nomme pas, comme ces quatre filles de l’oncle Shmiel dont son grand-père ne prononça jamais le prénom tant et si bien qu’on ne savait plus comment elles s’appelaient. « Impossible à mentionner et, par conséquent, inconnaissables. »
A la mort de son grand-père, on retrouve dans son portefeuille des lettres de Shmiel, signes de « la grande tragédie de sa vie. » Des lettres qui disaient la montée des périls puis la détresse de celui qui n’avait pas voulu quitter son village de Galicie quand tous les autres étaient partis, qui pour l’Amérique, qui pour la Palestine. Son grand-père ne disait rien parce qu’il ne savait rien. Mais qu’avait-il répondu, qu’avait-il fait, qu’avait-il cherché? Besoin de curiosité, crainte de culpabilité, Daniel, devenu étudiant et profitant des nouveaux moyens de communication, étend ses recherches et les réponses qu’il reçoit ne font qu’attiser sa curiosité : Comment, quand et où sont-ils morts ?
Cette impatience de savoir, ce besoin de comprendre deviennent vite une urgence ce que justifie l’age de ceux qui ont pu connaître cette histoire et d’ailleurs sur les douze survivants de Bolechow qu’il pourra interroger, ils ne sont plus que six encore en vie. Il entreprend un voyage au « pays d’autrefois », disparu depuis soixante ans, Bolechow, petite ville aujourd’hui en Ukraine, dont le destin fut longtemps incertain. Au gré des conquêtes et des occupations, sans quitter son village, on pouvait y naître autrichien, devenir collégien polonais, se marier allemand, avoir des enfants soviétiques et mourir ukrainien. Avant la guerre, la ville - une dizaine de milliers d’habitants - était composée d’un tiers de juifs, d’un tiers d’ukrainiens et d’une moitié de polonais. Après la guerre, il n’y avait plus que 48 juifs survivants. Le voyage est décevant et Mendelsohn n’apprend pas grand chose si ce n’est des banalités, du genre « trois cultures qui cohabitaient bien », etc. Quelques mois plus tard, coup de téléphone : «Bonjour, vous ne me connaissez pas, mais j’ai appris que vous cherchez des renseignements sur Bolechow. Je peux peut-être vous être utile. » Ce sera pour ce spécialiste du monde grec antique une Odyssée qui, entre des retours fréquents à New York, va le mener en Australie ou à Prague, en Israël ou à Vilnius, de Suède à Vienne ou encore au Danemark et enfin en Ukraine.
Une odyssée où il va comprendre qu’il était « à la recherche de la mauvaise histoire- l’histoire de la façon dont ils étaient morts, plutôt que celle dont ils avaient vécu. » Mendelsohn parle de disparus, pas de morts. Il leur rend par sa recherche une vie qu’on leur a volée après l’avoir souillée, une humanité faite des détails de la vie quotidienne, celle qui fut leur vie à eux. Le voyage est entrepris pour sauver ses parents « des généralités, des symboles, pour leur rendre leur particularité. » Ainsi Shmiel se révèle un peu sourd, fier de sa réussite, Ester, sa femme, avait une belle paire de jambes, les filles avec enfin leur prénom et leur personnalité que ces derniers témoins vont éclairer. Et dans leurs mots simples, leurs phrases parfois hésitantes et compliquées par la traduction, on retrouve la vie, une expression, la façon de porter son cartable, de goûter les premières fraises et « j’ai pu saisir, avec soudaineté et force, une bouffée de quelque chose, une trace, nette et évanescente à la fois, du rythme d’une vie désormais invisible et inimaginable. » Et dés lors il va penser aux eux « comme à des gens ordinaires plutôt que de les considérer comme des icônes couleur sépia. »
Daniel Mendelsohn est très prudent dans ses reconstitutions, il cherche des faits pour reconstituer le puzzle d’une famille perdue. Il enquête comme le ferait un détective qui veut plus savoir que juger. Et les interrogatoires se font sans sentimentalisme, servis magnifiquement par des témoins d’une dignité superbe qui vont regarder quelques photos pour se souvenir, réveiller leur mémoire et dire ce qu’était ce » pays d’autrefois. » L’auteur, avec une grande délicatesse, va apprendre que ces images qui ne sont pour lui qu’intéressantes, édifiantes, voire émouvantes ont « le pouvoir, soudain, de rappeler aux gens à qui je les montrais à présent la vie et le monde auxquels ils avaient été arrachés. » Et lui revient en mémoire ce vers de l’Enéide : « sunt lacrima rerum », il y a des larmes dans les choses, « mais nous pleurons tous pour des raisons différentes. »
Ce livre vaut autant par la force de son sujet que par la façon merveilleuse et nouvelle de le raconter. Mendelsohn décrit son voyage avec une minutie infinie, craignant toujours d’oublier un détail, ce qui renvoie à sa recherche de détails de vie sur Shmiel et les siens. IL précise sa méthode, dit ses fausses routes (les conséquences de la confusion des mots qui vous fait rechercher un château là où il faudrait trouver une « boite »), les contradictions, la mémoire qui flanche ou qui ne veut pas, ne peut pas encore, soixante ans après, dire, les malheurs ou les hontes qu’on essaie d’occulter, les coups de théâtre aussi.
Un livre de souvenirs perlés de méditations mais aussi un livre sur la culpabilité. Celle des frères qui n’ont pas su ou pu aider celui qui, malgré sa fierté, disait sa détresse – « entre frères, il existe des forces très sombres qui rôdent et n’ont besoin que de la plus simple excuse pour remonter à la surface et exploser dans la violence », miroirs de secrets de famille ou encore de la relation de Daniel avec ses frères, inhérents, depuis Abel et Caïn, à l’histoire de toute fratrie comme l’évoque dans son livre « Frère du précédent » JB Pontalis-. Celle aussi des populations locales, hier gentilles voisines, aujourd’hui dénonciatrices de juifs qu’elles n’hésitent pas parfois à exécuter elles-même. Celle encore qui resurgit encore et encore quand l’ignoble le dispute à la lâcheté : Mendelsohn apprend que les nazis ont, à Bolechow en 1941, raflé des juifs, les ont regroupés avant de leur faire bâtir une pyramide humaine où un rabbin aux yeux crevés devait danser sur le corps d’une femme nue. Une pyramide humaine comme à la prison d’Abou Graïb, en Irak en 2004. Le monde n’a donc rien appris tant ce symbole parfait du génie humain, la pyramide, se transforme « en symbole parfaitement perverti de l’abandon de valeurs civilisées. »
Il émaille ses pages de considérations incidentes qui sont un autre charme de ce livre quand il parle de ses frères, de son amour du grec, de vieilles amies délicieuses, de celle qui veut toujours en savoir un peu plus et telle la femme de Lot se retourne, non point pour se transformer en statue de sel mais saisir l’expression d’un vieillard qui va être une clé d’un dénouement provisoire. Je partage avec lui l’impression que lui fit la visite d’Auschwitz « si étrangement paisible et impeccablement soigné, devenu la généralisation grossière de ce qui est arrivé aux juifs en Europe. »
Remarquablement traduite par Pierre Guglielmina, la langue de Daniel Mendelsohn est précise, riche, tout en nuances. Son style est ample, soyeux et certains, à juste titre selon moi, ont évoqué Proust. Mais ce livre n’est-il pas une autre recherche du temps perdu, plus tragique.
Le livre est parsemé d’exégèses de moments majeurs de la Genèse dans la Torah que l’auteur met en relation avec son propre récit. Je reconnais que ces passages sont trop savants pour moi qui n’ai aucune culture religieuse israélite.
Mais ce point ne saurait m’empêcher de vous recommander ce livre magnifique, prenant, qui nécessite certes une certaine attention, comme tous les chefs d’œuvre de la littérature, mais se lit très bien tant la langue est parfaite et procure ce bonheur indicible de s’être enrichi après l’avoir lu. Et Daniel Mendelsohn s’y révèle, page après page, comme un homme chaleureux, délicat, respectueux des autres, érudit sans être pédant et bien sûr un grand écrivain. Car « Les disparus » est avant tout un chef d’œuvre de la littérature du vingt et unième siècle.
Les éditions
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Les disparus [Texte imprimé] Daniel Mendelsohn traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Guglielmina photographies de Matt Mendelsohn
de Mendelsohn, Daniel Mendelsohn, Matt (Illustrateur) Guglielmina, Pierre (Traducteur)
Flammarion / LITTERATURE & E
ISBN : 9782081205512 ; 26,39 € ; 03/09/2007 ; 650 p. ; Broché -
Les disparus [Texte imprimé] Daniel Mendelsohn traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Guglielmina photographies de Matt Mendelsohn
de Mendelsohn, Daniel Mendelsohn, Matt (Illustrateur) Guglielmina, Pierre (Traducteur)
J'ai lu / J'ai lu
ISBN : 9782290016022 ; 10,50 € ; 03/02/2009 ; 930 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (18)
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Pas très captivant.
Critique de Jérémy (, Inscrit le 18 juin 2013, 75 ans) - 3 août 2013
Je l'avais choisi parce que pour l'année 2007 il avait été le livre choisi par le magazine Lire. Et puis ensuite j'avais lu, notamment ici, de très bonnes critiques. Et bien je suis tombé des nues.
Comment peut-on qualifier ce livre de captivant alors qu'il ne se passe pratiquement rien.
L'auteur part à la recherche de personnes ayant pu connaître des membres de sa famille disparus depuis longtemps. Entre autre le frère de son père (on dit aussi un oncle) de sa femme et de leur quatre filles.
On apprend assez vite qu'ils furent tous tués par les nazis dans les années 1941/42/43. L'ennui vient du fait qu'à partir de là tout a été dit.
Pendant des années l'auteur sillonnera les continents pour rencontrer des gens qui ne lui apprendront finalement pas grand chose de neuf. Aussi, des centaines de pages où il se passe pratiquement rien ça lasse assez vite.
Quand je lis un livre j'espère en retirer du plaisir quant à sa lecture. Si ce n'est pas le cas je le dis.
Que l'auteur d'un livre ait fait un gros travail de recherche et que sa famille ait souffert par le passé sont une chose ... mais cela ne doit pas influencer l'appréciation qu'on a sur le livre.
Ce livre a reçu le Prix Médicis étranger 2007 ... je m'interroge.
Humain et émouvant
Critique de Lomegas (, Inscrit le 24 mars 2012, 35 ans) - 13 avril 2012
Certains passages étaient parfois un peu long, parfois pas très intéressants (à mon goût) comme les passages bibliques commentés. Cependant cela ne gâche en rien le plaisir que j'ai eu en lisant ce livre.
Une petite réaction aux commentaires précédents: je ne vois vraiment pourquoi on appelle ce livre un "anti-bienveillantes". Si quelqu'un pouvait m'éclairer là dessus ...
L'"anti"-Bienveillantes
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 19 avril 2011
Chaque témoignage recueilli est comme une pièce d’un véritable puzzle. Ce livre, plein de pudeur, montre tous les dégâts qu’une guerre peut engendrer dans une simple famille. La fuite, la séparation qui devient progressivement oubli. L’auteur a au moins ici eu le mérite de vouloir renouer avec son passé, avec cette partie de famille perdue. Qu’il en soit remercié car ce roman est une lecture tout simplement inoubliable.
Emouvant, tout en retenue
Critique de Gnome (Paris, Inscrit le 4 décembre 2010, 53 ans) - 7 décembre 2010
Je vais peut être vous choquer, mais en 3 livres, je crois que j'ai personnellement fait le tour de la Shoah, dans le sens où je pense ne pas vouloir et pouvoir en supporter beaucoup plus.
Ces trois livres, tous très différents bien qu'ayant le même dénominateur commun, sont "Le journal d'Anne Franck", "Les bienveillantes" et "Les disparus".
Un monument !
Critique de Pieronnelle (Dans le nord et le sud...Belgique/France, Inscrite le 7 mai 2010, 77 ans) - 3 septembre 2010
Un livre fait de chair et de sang
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 1 septembre 2010
Avec délicatesse, Daniel Mendelsohn va interroger sa famille, retrouver la trace d'anciens juifs polonais dispersés sur tous les continents, consulter les archives mises en ligne sur Internet. La magie des coïncidences demeure mais l'humour est remplacé par une force et une volonté inextinguible se projeter « dans la masse des choses » pour aboutir à « la découverte de ce qui a toujours été là ». Et nous sommes entraînés par petites touches cruelles dans le drame, dans le martyre des juifs de Bolechow jusqu'à la révélation finale. Selon les préceptes de son grand-père, Daniel a ainsi écrit une histoire « qui commence avec tout le temps possible » avec « les faits apparemment sans intérêts et les anecdotes subsidiaires », puis qui accélère et s'achève « sur quelque chose de mémorable, sur une chute ou sur une tragédie dont on se souviendrait toujours ».
Passionnante aussi est la façon dont il a structuré les différentes parties de son livre en les mettant en regard des principaux épisodes de la Genèse, pour lesquels il cite les commentaires passionnants de deux érudits, Rachi et Friedman. L'émergence de son désir de savoir en première partie est rapprochée de la métaphore de la Connaissance, désirable et douloureuse, qu'apporte l'Arbre du Bien et du Mal. Puis, avec en toile de fond l'épisode de Caïn et Abel, il s'interroge sur les rapports entre Schmiel et ses frères, frères dont il avait imploré l'aide. Le Déluge marque la troisième partie où sont révélés le martyre et l'anéantissement de la communauté juive de Bolechow. Abraham et ses voyages jusqu'au seuil de la Terre Promise illustrent les tribulations de l'auteur. L'anéantissement de Sodome et Gomorrhe et le sacrifice d'Isaac ponctuent la révélation finale sur la mort de la famille de Schmiel. Ce rapprochement permet en permanence de s'interroger sur la signification et la portée des événements.
Au final, Les disparus est un monument inoubliable et bouleversant car incarné et concret dans l'évocation des plus petits détails de la vie passée. Mendelsohn a atteint son objectif : "C'était pour sauver mes parents des généralités, des symboles, des abréviations, pour leur rendre leur particularité et leur caractère distinctif que je m'étais lancé dans ce voyage étrange et ardu"
In memoriam
Critique de Alexnoc (Carignan, Inscrite le 6 septembre 2005, 45 ans) - 14 novembre 2009
Je viens de terminer Les Disparus, et je trouve le travail de recherche de l'auteur époustouflant; de ce côté là, rien à redire.
Se déplacer sur près de trois continents pour retrouver son histoire, et y parvenir, c'est une chose vraiment exceptionnelle.
Pour autant, je serai un peu plus réservée que les précédentes critiques. Je trouve en effet que ce récit connait certaines longueurs, un peu comme si l'auteur s'était imposé une contrainte du nombre de pages..!
Certaines descriptions sont à mon goût peu intéressantes (comme cette manie, tout au long du roman, de vouloir nous décrire les visages des personnes rencontrées... et elles sont très nombreuses, croyez-moi). Idem pour les parallèles qu'il fait avec l'ancien Testament, parallèles qui ne m'ont pas toujours semblé pertinents...
Alors je l'avoue humblement, et au risque de choquer les puristes qui m'ont l'air nombreux ici, j'ai du passer certains passages, tant ils m'ont semblé ennuyeux.
Pour conclure, ce livre reste un témoignage intéressant sur l'Holocauste, car ils donnent aussi bien la parole aux Juifs survivants, qu'aux Ukrainiens qui ont également vécu cette guerre, et ce quel que soit le camp auquel toutes ces personnes ont choisi de se rallier.
un peu long mais pas ennuyeux
Critique de Paquerette01 (Chambly, Inscrite le 11 juillet 2008, 53 ans) - 2 septembre 2009
Sa démarche est longue, minutieuse et quasi obsessionnelle. C’est pourquoi j’ai parfois pu juger sa lecture un peu longue. Pour autant, je ne me suis pas ennuyée.
Pour être parfaitement honnête, je dois quand même avouer que j’ai choisi de ne pas lire les parties du texte en italique. Elles font , a priori un parallèle entre certains passages de l’ancien testament et la destinée des juifs pendant la guerre 39-45. Il est fort probable que cette construction étoffe l’œuvre et justifie toute l’attention et les prix qu’elle a obtenus. Je n’ai pas été assez curieuse pour lire un sujet qui ne m’attirait pas.
Sunt lacrimae rerum
Critique de Jpry (Pau, Inscrit le 18 mars 2007, 80 ans) - 1 septembre 2009
Il y a dans ce livre de nombreux passages très émouvants, ceux où l’auteur, grâce à un minuscule détail, a le sentiment de faire revivre un instant ce passé mort. Il faudrait citer de nombreux passages. Je citerai celui où l’auteur rappelle ce vers de Virgile dans l’Enéide « sunt lacrimae rerum » : il y a des larmes d ans les choses. Dans l’Enéide la vue d’une fresque évoquant la guerre de Troie fait pleurer Ulysse : « Sunt lacrimae rerum ».Vraiment un très beau livre dont je conseille la lecture.
Quête d'identité
Critique de Alexis92 (, Inscrit le 31 mai 2008, 32 ans) - 20 juillet 2009
Une quête magistrale
Critique de Lolita (Bormes les mimosas, Inscrite le 11 décembre 2001, 38 ans) - 22 mai 2009
Les disparus nous entraînent véritablement dans l'Europe centrale d'avant 1933 où les peuples et les religions se mêlaient. On y apprend les conditions de vie des juifs lorsque l'occupation commence. Cette histoire familiale rejoint finalement l'histoire de l'Europe au XXème siècle, les immigrations, la coexistence religieuse entre les peuples et surtout l'extermination des juifs avec un regard personnalisé et authentique des survivants.
A la recherche de ses disparus : éblouissante enquête
Critique de Francesco (Bruxelles, Inscrit le 16 février 2001, 79 ans) - 27 janvier 2009
Un véritable pèlerinage pour comprendre et savoir la vérité sur leur extermination par les nazis : ses nombreux voyages en Pologne , Ukraine , Australie et Israël pour interroger les témoins de l'époque.
Aussi de très belles pages de référence à la Bible et des photos pleines d'émotion de sa famille.
Vraiment un travail énorme où l'auteur a mis toute son érudition , son émotion , son intelligence.
Un peu long mais très intéressant
Critique de Campanule (Orp-Le-Grand, Inscrite le 10 octobre 2007, 62 ans) - 8 septembre 2008
Incontournable
Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 49 ans) - 12 août 2008
L'enquête est minutieuse, méthodique, intelligente, approfondie, et comprend une touche de suspense réussie. Cette enquête réalise une remarquable analyse de la fragilité du témoignage humain face à la réalité des faits.
Mais il est bien plus que cela.
Le côté émotionnel d'une personne à la recherche des siens, de ses racines constitue également une des clefs de l'ouvrage : le sentiment fort d'appartenir à une famille, qui meurt et se régénère au fil du temps, apporte une touche d'une indicible émotion.
Les liens avec l'ancien testament et les fondamentaux de la pensée juive, et donc de la pensée du monde occidental qui s'en inspire largement, apportent une touche morale passionnante qui invite à la réflexion.
La référence à la pensée de Proust est également incontournable et me donne l'envie de découvrir un jour cet auteur, certaines pages à ce sujet sont pour moi définitives.
Cet ouvrage mérite donc le maximum.
Devoir de mémoire
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 15 décembre 2007
Ce livre est en quelque sorte l'histoire de quelqu'un, l'auteur, qui cherche à reconstruire une autre histoire, celle oubliée d'une branche de sa famille, pour pouvoir la raconter, pour rendre ces gens vivant à travers les détails de leur vie quotidienne, et ainsi leur rendre leur dignité d'être humains.
Cette grande enquête historique est souvent passionnante, on se prend au jeu de l'histoire. C'est un point de vue inédit sur la Shoah je trouve, qui nous parle du sort des juifs dans les petites villes de Pologne, qui montre le rôle des voisins et parfois même des juifs eux-même (la milice juive) dans le génocide. L'auteur parle d'une petite ville en Pologne orientale, qui est maintenant en Ukraine, dans laquelle vivaient en harmonie Polonais, juifs et Ukrainiens avant le drame. C'est à travers des anecdotes, tragiques, qu'il permet d'appréhender un tout petit peu ce qu'a été l'horreur absolue (une horreur absolue qui s'est répétée depuis).
Sa minutieuse quête est mise en parallèle avec les premiers livres de la Torah : le commencement (création du monde), Caïn et Abel, le déluge, le voyage d'Abraham. Loin de faire une exégèse fouillée, le but de l'auteur est ici de faire le lien entre le livre sacré des juifs et l'histoire de sa famille : par exemple Caïn et Abel pour expliquer le sentiment de culpabilité qu'il soupçonne dans sa famille qui n'a pas pu ou voulu aider le seul frère incapable de fuir la Pologne avant la guerre. L'anéantissement des juifs de Pologne et le déluge ou la destruction de Sodome et Gomorrhe, avec une réflexion pertinente sur la femme de Lot qui, pour s'être retournée sur la ville, est transformée en statue de sel : n'est-ce pas la même chose qui arrive à l'auteur, qui depuis si longtemps se retourne obstinément sur le passé de sa famille.
Un grand livre, d'un intérêt historique et humaniste certain. Cependant je suis moins enthousiaste que les autres, contrairement à Sentinelle par exemple, je n'ai jamais eu l'impression de trouver mon histoire dans ce récit, il y a toujours eu une distance et les protagonistes du récit n'ont jamais vraiment "pris chair" dans mon esprit. Ce livre est un peu hybride, entre le roman et la chronique historique ou journalistique, c'est difficile de le juger uniquement en tant que roman. Et peut-être que comme le dit Maria-Rosa la Shoah n'est pas un sujet "romançable".
A lire absolument
Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 28 novembre 2007
Daniel Mendelsohn fait partie de cette ultime génération qui a encore la possibilité de s'informer et de communiquer avec les survivants de l'holocauste (la génération des "petits-fils" de survivants). Je pense également à un autre auteur américain, Jonathan Safran Foer, et à son livre "Tout est illuminé", qui raconte les aventures d'un jeune écrivain juif américain en quête de ses origines.
Plus qu'un témoignage de ce que fût l'holocauste, Daniel Mendelsohn s'interroge surtout sur les pages manquantes de son histoire personnelle, à savoir ce que sont devenus le frère de son grand-père maternel (Shmiel), sa femme (Ester) et leurs quatre filles (Lorka, Frydka, Ruchele et Bronia).
Il sait qu'ils ont été tués quelque part dans l'est de la Pologne mais quand, comment, où… autant de questions qui le hantent jusqu'au jour où il décide de partir à la rencontre de ses disparus, et surtout des personnes qui les ont connus et qui vivent actuellement aux quatre coins du monde.
Afin de prendre une certaine hauteur par rapport à ces évènements personnels et d'atteindre l'universalité des thèmes abordés, l'auteur nous livre les premiers versets de la Torah ainsi que les commentaires de grands rabbins.
Le grand prodigue de l'auteur est de parvenir, à partir de son histoire unique et personnelle, à faire échos à notre propre histoire.
Qui de nous n'a pas regardé avec curiosité et questionnement de vieilles photos jaunies de nos aïeux en nous demandant qui ils étaient, comment vivaient-ils, que pensaient-ils ?
Qui a connu l'exil d'un de ses parents ne se pose-t-il pas la question de savoir comment vivait-on là-bas, n'aurait le besoin de retrouver ses racines en rêvant de revenir sur les pas de ses ancêtres ? Comment ne pas se poser des questions sur les luttes fratricides, comment comprendre ce passage d'une bonne cohabitation multiculturelles à l'anéantissement d'une ethnie, d'une culture autrefois amie, ou du moins avec laquelle une bonne entente était possible.
Daniel Mendelsohn est sans conteste un humaniste : il ne juge pas et est convaincu que tous les humains sont semblables. L'ignominie, la cruauté, la lâcheté ne sont en rien une caractéristique nationale : où qu'on soit, il y aura toujours quelqu'un qui essayera de sauver son prochain au péril de sa vie et un autre pour le massacrer sans état d'âme, tout est et sera toujours une question de choix.
Il y aurait encore tellement de choses à dire au sujet de ce livre ! Mais je pense qu'il ne vous reste qu'une seule chose à faire : le lire tout simplement.
A la mémoire de tous les disparus
Critique de Maria-rosa (Liège, Inscrite le 18 mai 2004, 69 ans) - 19 novembre 2007
J'ai demandé au libraire pourquoi sur le bandeau était indiqué "l'anti-Bienveillantes". Il ne pouvait pas vraiment me répondre mais m'a parlé d'une dame qui venait de quitter la librairie, une personne âgée et dont la famille, juive, avait été décimée pendant la guerre. "Cette personne m'a-t-il dit ne supporte pas que l'on écrive des romans sur le génocide juif, comme les Bienveillantes ou comme le Choix de Sophie. Pour elle c'est une insulte à la mémoire de toutes ces personnes disparues.
Alors Primo Levi, oui, Daniel Mendelsohn, oui, Jorge Semprun, oui mais surtout, surtout pas de romans. Pour elle, ce n'est pas "romançable".
Tout au long de ma lecture des Disparus, en toile de fond, il y avait cette lectrice inconnue, que je n'avais même pas vue, et qui refuse de toutes ses forces que l'on romance ce désastre...
Comme la coutume juive le veut, Daniel Mendelsohn, a ajouté une pierre (oh combien précieuse) sur une tombe qui n'existe pas.
Que dire de plus ?...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 19 novembre 2007
Oui, ce livre restera un chef-d'oeuvre du vingtième siècle.
Oui ce livre nous parle d'un sujet que nous connaissons tous déjà et certains se diront "Encore un", alors qu'ils ont à peine digéré "Les bienveillantes" et déjà lu "Si c'est un homme" de Primo Levi et les oeuvres de Jorge Semprun.
Mais, ici, le sujet est abordé de façon tout à fait différente, comme le montre très bien JLC. Son but n'est pas de décrire les atrocités nazies mais bien de rechercher six personnes de sa famille. A ses yeux ces "disparus" ne seront "en paix" que lorsqu'il aura découvert ce qu'ils sont devenus.
Il reconnaît d'ailleurs que cette longue, très longue, recherche ne concerne après tout que son sentimentalisme dans la mesure où il reconnaît que les morts n'ont plus rien à faire avec les pensées et sentiments des vivants.
Ce livre est merveilleusement bien écrit, très érudit également, et j'ai apprécié les rapprochements avec les auteurs grecs anciens, leur philosophie et leurs tragédies. Mais quelle leçon de vie nous donnent aussi les survivants qu'il interroge !...
Un très grand livre ! Et merci à JLC de nous l'avoir aussi bien signalé.
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