Dans le café de la jeunesse perdue de Patrick Modiano
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un très bon Modiano
Il ne faudra pas au lecteur plus de dix lignes pour comprendre qu’il est entré dans le monde de Modiano.
Nous ne sommes cependant pas dans une histoire ou le personnage central recherche, avec acharnement et désespoir, un père, une mère, un passé ou un décor.
L’ensemble de l’histoire va nous être racontée par quatre personnes : un jeune homme qui suit des cours à l’Ecole des mines, un détective privé, Louki personnage central, et enfin par un certain Roland dont ce n’est pas plus le vrai nom qu’il ne l’est pour Louki.
Le jeune homme, Louki et Roland ont d’indiscutables points communs : ils n’ont quasiment pas d’ancrages, ni de points de chute. Timidement, mais surtout prudemment, ils vont s’en créer un au Condé. Pourquoi dans ce café là ?...
La raison en est simple : « Et cela vous amène là, au point précis ou vous deviez échouer. Il me semble que Le Condé, par son emplacement, avait ce pouvoir magnétique et que si l’on faisait un calcul de probabilités le résultat l’aurait confirmé : dans un périmètre assez étendu, il était inévitable de dériver vers lui. »
Au fil du temps, Louki et Roland vont s’en créer d’autres, d’ancrages, mais ce seront des itinéraires dans Paris, des boulevards, des stations de métro, des rues, des places, une chambre d’hôtel etc. Un personnage va cependant jouer un rôle un peu plus profond : Guy de Vere.
Louki, baptisée ainsi par les clients du bistrot mais Jacqueline en réalité, est née de père inconnu et d’une mère ouvreuse au Moulin Rouge. Cette dernière est décédée depuis quatre ans et la laisse avec pour seule amie une certaine Jeannette un rien plus âgée qu’elle. Quant à Roland, nous ne saurons rien de son passé, sauf que son vrai nom serait un peu trop exotique.
Ne voulant absolument pas vous dévoiler l’histoire, il ne me reste qu’à vous donner quelques phrases tout à fait dans le cadre du livre.
Louki nous dit : « Plus tard, j’ai ressenti la même ivresse chaque fois que je coupais les ponts avec quelqu’un. Je n’étais vraiment moi-même qu’à l’instant où je m’enfuyais. Mes seuls bons souvenirs sont des souvenirs de fuite ou de fugue. »
Un peu avant elle achète une carte postale : « J’avais allumé une cigarette et collé un timbre sur la carte. Mais à qui l’adresser ? »
Et le détective de déclarer : « Dans cette vie qui vous apparaît quelque fois comme un grand terrain vague sans poteau indicateur, au milieu de toutes les lignes de fuite et les horizons perdus, on aimerait trouver des points de repère, dresser une sorte de cadastre pour n’avoir plus l’impression de naviguer au hasard. Alors on tisse des liens, on essaye de rendre plus stables des rencontres hasardeuses. »
Guy de Vere dit à Roland : « Il n’y a rien à comprendre… Quand on aime vraiment quelqu’un, il faut accepter sa part de mystère… Et c’est pour ça qu’on l’aime… »
Ce livre est merveilleusement écrit par Modiano qui, comme souvent, nous ballade d’un côté à l’autre de Paris, dont les boulevards, les rues et les places deviennent parties intégrantes du livre et de l’histoire. Comme si passer par là ou par ailleurs aurait pu donner un autre sens aux choses.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce nouveau Modiano !
Les éditions
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Dans le café de la jeunesse perdue [Texte imprimé] Patrick Modiano
de Modiano, Patrick
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070361243 ; 6,90 € ; 01/01/2010 ; 159 p. ; Broché -
Dans le café de la jeunesse perdue [Texte imprimé], roman Patrick Modiano
de Modiano, Patrick
Gallimard
ISBN : 9782070786060 ; 17,50 € ; 04/10/2007 ; 160 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (11)
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souvenirs, souvenirs... plutôt rock'n'roll
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 18 novembre 2018
Souvenirs de jeunesse : une vie bohème où les belles lettres rassemblent quelques jeunes échevelés : ils se retrouvent au café Le Condé. Il y a Roland, un narrateur, mais aussi une autre narratrice, Jacqueline Delanque dite Louki. Celle-ci se révèle peu à peu, plutôt dans l'ombre. Louki en est le centre, malgré son mutisme. D'ailleurs, chaque antagoniste en est bleu sans l'avouer à la cantonade ! On les retrouve à différents moments de leur vie, jusqu'à la cinquantaine.
Le lecteur flotte dans la brume des souvenirs : une pléiade de personnages plutôt intellos aux mœurs soixante-huitardes qui ne s'affirment pas. Peu d'actions... Ça tourne en rond plutôt que rond.
Reconstruire l'identité d'une absente
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 30 novembre 2014
Le roman semble reconstruire le portrait d'une femme, de manière fantomatique. On a le sentiment de ne pas complètement la saisir et l'on perçoit toutes les difficultés rencontrées par les narrateurs successifs pour parvenir à accéder à certaines informations. Cette Louki n'a laissé que quelques traces, quelques indices, n'a pas toujours rencontré les bonnes personnes pour la guider convenablement.
Comme tous les romans de Modiano, il reste intéressant pour les lecteurs qui aiment l'univers de cet auteur, pas le meilleur à mes yeux.
Voir ailleurs
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 21 novembre 2013
Après la guerre, certainement dans les années cinquante, autour du Carrefour de l’Odéon, sur les traces d’un groupe de littérateurs : auteurs, apprentis auteurs, auteurs d’occasion, lecteurs, un narrateur à plusieurs visages part à la recherche de Louki, une belle fille qui buvait souvent des verres avec cette troupe de fêtards au café Condé. Fille d’une mère célibataire qui a quitté sa province où sa maternité n’était pas acceptée, elle vivait seule avec celle-ci et profitait de son emploi d’ouvreuse au Moulin Rouge pour commettre ses premières fugues sur le boulevard puis de plus en plus loin. Elle connut alors ses premiers frissons, ses premiers émois, ses premières angoisses...
Dans ce roman polyphonique, le narrateur change presque à chaque paragraphe, sans que le lecteur soit averti préalablement, c’est au fur et à mesure de sa lecture qu’il se rend compte que ce n’est plus le même personnage qui lui raconte sa recherche, mais c’est toujours la même quête qui motive le narrateur, qui qu’il soit, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Sauf, évidemment, quand Louki raconte elle-même des bouts de sa vie. Les différents narrateurs semblent tous à la recherche d’un temps révolu, perdu, l’époque de la Nouvelle Vague, quand ils étaient jeunes et plutôt insouciants de leur avenir.
La vie de Louki se construit peu à peu à travers les témoignages de ceux qui l’ont connue, à travers la quête de ceux qui la recherche et à travers ses propres confidences. Son portrait se dessine progressivement, sa vie apparait par morceaux : la vie avec sa mère, ses fugues, ses rencontres, ses amis, son amie, son mari, ses fuites, le Café Condé... Louki rompt sans cesse : avec sa mère, avec ses amis, avec son mari, elle fuit, elle erre dans Paris qui devient le personnage peut-être le plus important du roman. Paris que l’auteur affectionne, décortique, dissèque, Paris avec ses zones neutres et sa matière noire qui se conjuguent avec les penchants ésotériques de l’héroïne dans une certaine forme d’ésotérisme. « Elle voulait s’évader, fuir toujours plus loin, rompre de manière brutale avec la vie courante, pour respirer l’air libre ».
Un texte policé, fluide, allusif qui évoque un monde éphémère, inachevé, en mutation perpétuelle où les personnages butent toujours sur l’insignifiance de la vie, le manque d’intérêt pour l’existence et hésitent souvent devant la possibilité d’aller vivre une autre vie ailleurs, dans un autre pays, dans un autre univers ou simplement dans un autre ailleurs. Un texte qui invite à rompre, à fuir, à partir, à découvrir autre chose, un autre monde, à s’envoler pour là-bas.
« J’ai ressenti la même ivresse chaque fois que je coupais les ponts avec quelqu’un. Je n’étais vraiment moi-même qu’à l’instant où je m’enfuyais. Mes seuls bons souvenirs sont des souvenirs de fuite ou de fugue ».
Le manque initial..
Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 15 novembre 2013
- Tout à fait! Les choses se répètent, les mêmes noms reviennent. Ce ne sont pas vraiment d'ailleurs des répétitions, mais des ébauches sur lesquelles je reviendrais sans cesse. Une surimpression... C'est un peu comme si j'écrivais le même livre, mais par à-coups: l'époque n'est plus aux cathédrales, mais à l'effort discontinu.
Et voilà, tout est dit... Une petite fille qui fugue et qui lit Horizons perdus. Des personnages qui cherchent, qui se cherchent . Qui cherchent surtout des repères ( dans le roman: des registres, des enquêtes, des dates, des noms de rues..) qu'ils n'ont pas eu à temps, c'est toujours la même histoire, celle de Patrick Modiano et de tant d'autres. Seulement, Patrick Modiano sait l'écrire.. ça l'a sans doute sauvé. Encore que "sauvé" ne veut rien dire.
Pour moi, le coeur de ce livre est dans le récit que fait Louki du regard du policier qui la ramène chez elle après une fugue. Un regard gentil, une écoute attentive. Il suffit de cela de la part d'un parfait inconnu pour qu'elle parle.. Ca donne envie de pleurer tant le désir de protection et de consolation est fort:
J'aurais voulu qu'il reste toute la nuit en faction devant l'immeuble , toute la nuit et les nuits suivantes, comme une sentinelle, ou plutôt un ange gardien qui veillerait sur moi.
Patrick Modiano est un éternel petit garçon que l'on a toujours envie de serrer dans ses bras pour le réconforter. Tout en sachant- et il le sait très bien- que c'est un réconfort qui vient trop tard, parce que rien ne se répare...
Dans le Café de la Jeunesse perdue - Patrick Modiano
Critique de Octave-florent (, Inscrit le 29 juillet 2011, 65 ans) - 29 juillet 2011
Un roman insignifiant pour des lieux que j'adore
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 26 juillet 2011
Cette fois, J’ai craqué.
Critique de Ciceron (Toulouse, Inscrit le 21 août 2007, 76 ans) - 8 mai 2008
Page 50, le concentré de tout Modiano, à tel point que les éditions de poche, toutes illustrées par l’excellent et raffiné Pierre le Tan représentent invariablement une silhouette minuscule perdue dans un univers urbain.
J’avais lu “Des inconnues“ avec plaisir, mais cette fois, difficile de m’intéresser à ces personnages fades qui tuent le temps dans un bistrot et à une vague enquète sur des faits insignifiants, dans un univers dénué de toute gaieté.
Mais les personnages ont-ils un intérêt dans un livre de Modiano ? les vrais sujets sont les lieus, la géographie prime sur l’histoire : Auteuil, le carrefour de l’Odéon, Mabillon, la porte de Vanves, la rue Caulaincourt, sans oublier les accessoires, BAB 28 34, le Cinzano et la Vittel.
Cette fois, ce qui est triste, inconnu, perdu, oublié ou disparu a fini par distiller ennui et lassitude, souvent l’état des protagonistes d’ailleurs. Pour éviter un anti-dépresseur, je n’ai pas terminé le livre……de 148 pages.
Après le spleen baudelairien, le spleen modianesque. Désolé, ça sonne moins bien.
Les fantômes d'un monde disparu
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 4 avril 2008
On note aussi la récurrence d’allusions à des lieux étranges : des zones neutres , définies comme « des zones intermédiaires, des no man’s lands, où l’on était à la lisière de tout, en transit ou même en suspens » .
Tout cela entretient un flottement continu, augmenté par le fait que le narrateur principal, dans une recherche proustienne, voudrait recréer les moments perdus de la jeunesse, ne dispose pour cela que de souvenirs épars et imprécis mais a l’espoir que tout va « recommencer comme avant . Les mêmes jours, les mêmes nuits, les mêmes lieux, les mêmes rencontres . L’éternel retour » .
Partageant les hésitations, les espoirs frustrés du narrateur, le lecteur voit ainsi apparaître, grâce aux aller et retour entre passé et présent , les fantômes d’un monde disparu
Un goût amer
Critique de Loras (, Inscrite le 13 juin 2007, 37 ans) - 24 janvier 2008
Oui oui, quelle déception que ce nouveau Modiano tant attendu par les habitués du genre.
Au fil des pages, on se demande vraiment où l'auteur veut nous emmener mais on fini par tourner en rond avec ces personnages dans ce Paris si lointain.
Un "dénouement" typiquement Modianesque où c'est le lecteur qui doit "faire la fin de l'hsistoire"...
Je garderai donc un goût amer de cette lecture en attendant un nouvel ouvrage de cet écrivain que j'apprécie tant...
errements
Critique de Happy (, Inscrite le 22 novembre 2007, 52 ans) - 23 novembre 2007
Les lieus, les époques et les personnages s'entrecroisent, sans véritable unité, autour du mystère qui entoure Louki, délicate jeune femme en rupture.
On se laisse guider par ce fil conducteur ténu, dans un Paris faussement bohème.
Les personnages sont simplement effleurés, en laissant beaucoup de place à l'imagination ou à nos propres souvenirs.
La fin est surprenante, l'auteur a peut être voulu indiquer au lecteur qu'il restait le maitre de sa fiction.
Entrer dans une zone neutre
Critique de Babsid (La Varenne St Hilaire, Inscrite le 8 mai 2006, 37 ans) - 22 novembre 2007
Au bout de quelques minutes de lecture, la réalité s'altère autour de nous. Tout devient flou, seule son histoire existe. Il crée une atmosphère qui lui est propre et qui par moment me donne l'impression d'être plongée dans un film d'après guerre aux couleurs sépia.
Au début, l'histoire est un peu déroutante. On ne sait pas où Modiano va nous entraîner. Puis peu à peu, à travers les différents témoignages, nous comprenons que tout tourne autour de Louki. Jeune femme mystérieuse.
Tout semble éphémère. Nous avons très peu de détails sur les personnages. Eux-mêmes cherchent des renseignements les uns sur les autres. Les témoignages sont fragiles et incertains. Un tel s'invente une vie, l'autre un nom...
Nous serons en contact avec quatre hommes de la vie de Louki. Chacun verra une facette de sa vie. Juste ce qu'elle voudra leur dire, pas plus.
Elle nous dira son malaise, sa perpétuelle fuite en avant. Mais vers quoi ?
Elle court après quelque chose (ou elle fuit) et tous ces hommes la cherchent, au propre ou au figuré, même des années plus tard.
Lorsque l'on croise le chemin d'une personne étrange et fascinante, on en garde une trace indélébile et "parfois le coeur se serre à la pensée des choses qui auraient pu être et qui n'ont pas été".
Tout comme Jules, j'ai beaucoup apprécié ce nouveau Modiano.
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Jules, vérifie le nom de tes auteurs ! | 28 | Aria | 18 octobre 2007 @ 18:57 |
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