Un homme de couleur, vingt et un an...

Pour moi, Sonny Liston, c’est le boxeur qui s’est fait battre par Cassius Clay. Point. Je ne savais rien de sa vie, de son aura, de son mystère. Bizarrement, je ne suis pas sûr d’en savoir plus.

Quand Nick Tosches s’attache à un sujet, on sait qu’il va s’y mettre à fond, comme si cela était la dernière chose raisonnable à faire avant de se tirer une balle. Alors oui, nous voila devant un livre puissant, plein d’une ambiance sombre que pourront envier nombre d’apprentis écrivains, moi compris, pénible chroniqueur perdu devant le talent de l’auteur.
Talent pour ne pas dire grands chose au final mais tellement bien écrit ! Le héros, Sonny Liston, comme quelques artistes un peu coquets, n’a jamais donné deux fois de suite la même date de naissance ni le même lieu et comme l’administration du Sud raciste des USA renâclait à tenir compte des naissances dans les champs de coton, il n’existe aucune source sûre à laquelle se fier au point que l’auteur suppose que Liston lui-même ignore sa date de naissance réelle… Et tout le reste du bouquin est à l’avenant, un lot compact de suppositions, de théories vu que les seules sources auxquelles il est possible de se fier s ont les rapports de police faisant état des arrestations de Liston et leurs motifs ; « sa vie avait commencé et fini dans le flou ».
Autre élément clef de sa vie dont on peut être sûr : son attachement plus ou moins volontaire à la Mafia. Comme Sinatra. Ce qui amène naturellement aux circonstances de sa mort, aussi mystérieuses que celles de sa naissance. Liston lui seul pourrait nous en dire plus.

Le livre de Tosches est un grand tableau d’une époque dans laquelle se démène Liston pour surnager, pour de faire une place de force dans un monde de Blancs qui lui est fondamentalement hostile. Seulement voila, on ne devient pas champion du monde poids lourd de boxe par hasard. Il faut une bonne étoile, dut-elle prendre la forme de l’aide secrète et pleine d’arrière-pensées de la Mafia, et une sacrée dose de foi en soi. Le lecteur déambule dans ce tableau plutôt que devant sans jamais pouvoir en approcher vraiment la trame et c’est ce qui fait le charme du livre. On partage le désarroi de l’auteur après tant de temps passé à débroussailler son sujet et n’avoir toujours pas la clef.

Bref, savoir que Liston était monté comme un cheval n’avance pas à grand-chose dans l’absolu mais c’est le genre de détail qui permet de passer du personnage quasi légendaire, irréel, à une personne qui a vraiment vécu. Et ça change la donne pour le lecteur parce que le talent de Tosches rend vraiment l’atmosphère irréelle, magique ; il s’agit plus d’une évocation que d’une représentation mis c’est sacrément bon.

• 

  Night train [Texte imprimé] Nick Tosches traduit de l'anglais (États-Unis) par Julia Domer

  de Tosches, Nick Dorner, Julia (Traducteur)
  Payot & Rivages / Rivages noir
  ISBN : 9782743616175 ; 8,50 € ; 17/01/2007 ; 309 p. ; Poche

  Go Amazon