Pyongyang de Guy Delisle
Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers
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triste pays
Pyongyang est un roman graphique qui relate le séjour en Corée du Nord d’un bédéiste parti y travailler comme correcteur pour une compagnie de dessins animés. Sous un couvert légèrement humoristique, le récit de Delisle fait état du grand nombre de différences qui séparent notre société capitaliste de la dictature de Kim Il-Sung et Kim Jong-Il. Sans jamais tomber dans le jugement gratuit, le personnage se surprend que chaque geste de son quotidien doive glorifier le grand chef, tout en essayant de semer son traducteur et son guide, sans qui il lui est impossible de se déplacer dans la ville.
Plus un récit qu’une histoire en tant que tel, Pyongyang est avant tout une illustration très sombre d’un monde qui nous est parfaitement inconnu. À de nombreux endroits, l’auteur installe des pistes qui, dans une fiction, auraient fait basculer l’action dans une histoire très enlevante. Delisle s’est plutôt borné dans ces cas-là à repartir aussitôt dans une autre voie, le guide qui débarque pour proposer une visite touristique, par exemple. On aurait voulu plus.
On aurait aussi aimé (quand je dis On, c’est ma blonde et moi) que le personnage principal ait plus de caractère. Somme toute sympathique, le narrateur laisse passer très peu d’émotions, et s’empêche trop souvent de poser les questions qui le tracassent (et qui relanceraient l’histoire sur des pistes plus rock’n’roll), en plus d’être, de tous les personnages du livre, celui qui est dessiné avec le moins de détails. Un bonhomme un peu beige avec un nez pointu, deux points à la place des yeux, et une bouche seulement lorsqu’il parle, alors que tous les autres sont affublés de traits physiques déterminants. Je comprends que ce n’est pas la première fois qu’on aura recours à un protagoniste neutre à qui il arrive des aventures, mais ici, le personnage a l’air de ne pas avoir été travaillé jusqu’au bout, en plus que des aventures, il ne lui en arrive pratiquement pas.
Ceci étant dit, Pyongyang se lit d’un trait, on ne peut qu’être attristés et impressionnés par toutes ces différences et la grisaille qui se dégage de ce pays. Le tout est rapporté par un dessin de qualité, notamment au niveau de l’architecture, très précise, alors que les personnages ont une allure plutôt comique.
Les éditions
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Pyongyang [Texte imprimé] Guy Delisle
de Delisle, Guy (Scénariste)
l'Association / Ciboulette (Paris).
ISBN : 9782844141132 ; 24,00 € ; 15/11/2002 ; 176 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (9)
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Voyage en absurdie
Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 15 décembre 2014
Avec un humour omniprésent, l'auteur raconte ce séjour au cours duquel il a pu mesurer l'étendue de l'absurdité de la vie dans ce cadre autoritaire. Vivre avec la peur perpétuelle d'être dénoncé par son collègue, ses amis, sa famille... voilà la triste réalité des Coréens du Nord... complètement détachés de la réalité, ceux-ci ne réfléchissent plus, on leur a volé leur esprit critique. Ce qui donne des situations comiques, si on s'abandonne un moment au regard distancié... bien vite pourtant on réalise toute l'horreur de la situation que vivent des millions d'être humains.
C'est la force de ce récit que de remettre au centre ces histoires brisées, ces hommes qui n'en seront jamais vraiment, cassés par un système poussé aux limites de l'absurdité.
L'enfer sur Terre
Critique de Kabuto (Craponne, Inscrit le 10 août 2010, 64 ans) - 31 août 2014
Le type de livre que j'aime...
Critique de Shelton (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans) - 12 octobre 2013
Je sais qu’il existe des lecteurs qui n’apprécient pas Guy Delisle - en particulier sur ce site - car ils lui reprochent essentiellement deux choses. Une première est assez simple à exprimer : il ne sait pas dessiner ! La seconde est plus complexe car elle relèverait du fait que chaque fois que cet auteur se déplace quelque part, de préférence dans des pays à problèmes comme la Chine, la Birmanie, Israël, il n’aurait pas le courage de dire la vérité sur la nature des régimes, les conditions de vie des habitants… Nous allons donc, non pas chercher à vous convaincre, mais à répondre à ces deux points importants en prenant comme exemple le Pyongyang.
Guy Delisle ne saurait donc pas dessiner. Rappelons que la bande dessinée est un récit hybride complexe mêlant dessins et textes pour nous raconter une histoire. Il n’est nullement annoncé qu’il faudrait être un artiste reconnu et académique pour faire de la bande dessinée. Oui, son dessin est schématique, simple, naïf diraient même certains, je le trouve néanmoins totalement narratif et efficace. Je crois qu’il dessine bien pour ce qu’il veut faire, c’est à dire partager ses expériences de voyage, ses rencontres, ses sentiments. Hergé avait lui aussi construit ou participé à construire une façon de dessiner qui donnait suffisamment d’éléments au lecteur pour qu’il puisse comprendre l’histoire. On a appelé cela la ligne claire, une façon de dessiner qui serait rejetée dans de nombreuses écoles d’art…
Guy Delisle ne dirait pas la vérité sur les pays qu’il visite. Bien, tout d’abord, sans vouloir me laver les mains à la manière de Ponce Pilate, je pourrais commencer par vous demander « Qu’est-ce que la vérité ? ». La connaît-on seulement ? Bien sûr que la Corée du Nord est une dictature, mais franchement, cela est bien présent dans le récit. Mais que peut en dire de plus un auteur qui est invité dans ce pays pour travailler dans l’animation et qui n’est pas expert politique de la Corée ? Serait-il dans son rôle s’il se contentait, sans vérification, de répéter ce que disent certaines ONG ou opposants politiques ? Non, il parle de ce qu’il a vécu, sans concession ni provocation, il reste dans son rôle et ne prétend pas en dire plus ou en montrer plus. Il ne donne pas de leçon aux uns ou aux autres et, au contraire, je trouve que du coup sa parole sonne vrai, authentique.
Dans Pyongyang, on voyage en Corée du Nord, on comprend les grandes lignes de la vie quotidienne dans la capitale du pays, on découvre la mondialisation de l’animation et la recherche des coûts les plus faibles avec tout ce que cela implique et on passe un bien bon moment de lecture. A ce titre, j’avoue trouver Guy Delisle un bon auteur et il m’a apporté beaucoup de satisfaction dans tous les pays où il est passé, avec tous les récits qu’il en a fait… A vous d’en profiter maintenant !
Kafka en Corée
Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans) - 11 octobre 2012
La lecture de cette chronique est à la fois drôle (ah! les pages dédiées à "chercher l'erreur !" à l’ascenseur, au guide, aux "volontaires"...), inquiétante (avec l'omniprésence militaire), voire paranoïaque (avec l'omniscience de Kim Il Sung et de son rejeton de dictateur dans la société coréenne.), le tout avec le fil rouge constitué par la lecture du roman "1984", qui m'a fait hurler de rire.
Malgré un dessin très simpliste, Guy Delisle arrive à nous communiquer l'oppression du régime militaire , et surtout l'absurdité de ce régime.
Pourtant antérieur aux "Chroniques Birmanes", j'ai trouvé cet opus beaucoup plus percutant, et incisif.
Rarement un carnet de voyage m'avait autant diverti et surtout instruit sur un pays qui, je l'avoue, ne m'attire vraiment pas, et surtout que je ne connaissais guère.
Avec "chroniques de Jérusalem", que j'ai relu trois fois, Pyongyang constitue pour moi un des meilleurs livres de Guy Delisle, voire le meilleur, car il est complétement déconnecté des préoccupations familiales qui seront les siennes dans ses prochains livres.
A lire absolument
Sourire crispé
Critique de DomPerro (, Inscrit le 4 juillet 2006, - ans) - 7 juin 2012
En lisant cette bande dessinée, on éprouve une réelle consternation de ces outils grotesques de propagande du Juche, l’idéologie développée par Kim II Song, le fondateur et premier dirigeant de la Corée du Nord.
En même temps, on ressent une certaine joie, notamment des activités quotidiennes ou observations de Guy Delisle qui constate très rapidement l’écart entre le monde entier et la Corée du Nord.
Devant les portraits omniprésents de Kim-Il Sung et de son fils Kim Jong-Il; les badges à leurs effigies que tout le monde porte; les travaux de sous-disant volontaires qui effectuent des travaux divers; l’électricité mal distribuée; l’architecture démesurée vouée au culte de la personnalité du fondateur de la Corée du Nord, la musique dédiée à Kim-Il Sung ou de Kim Jong-Il, Guy Delisle remarque souvent à quel point tout ceci est louche.
''Very louche'', comme il le dira.
''À un certain niveau d’oppression, peu importe la forme que prend la vérité, car finalement plus le mensonge est énorme et plus le régime montre l’étendue de son pouvoir. Et puis il plonge sa population dans la terreur. Une terreur enfouie, une terreur sourde.''
Bref, une lecture très étrange, aux limites de la fiction tellement les situations sont irréelles, mais une lecture agréable dans l’ensemble.
"1984" en Corée du nord
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans) - 5 février 2012
Le pays encense Kim Il-sung, son image fait partie du décor, les coréens sont conditionnés, ne sont plus maîtres de leurs idées et le culte de la personnalité est très fort. Les camps de rééducation sont là pour montrer le "droit" chemin. Le personnage principal est constamment suivi par un guide, un coréen dévoué, qui le renseigne sur les codes du pays et qui semble au courant des moindres faits et gestes de son protégé. Les habitants sont constamment occupés pour les empêcher de réfléchir.
Ce roman graphique se lit rapidement et véhicule des informations sur le pays intéressantes. De plus, le comique n'est pas absent et permet de faire passer les critiques plus habilement. La comparaison à "1984" d'Orwell est suggérée par Guy Delisle et s'avère malheureusement pertinente.
J'ai aussi fortement apprécié le sens du détail, de véritables effets de réel.
C'est après avoir vu dans les médias la détresse du peuple coréen le 17 décembre 2011 lorsque leur "cher" Kim Jong-il est mort que j'avais entrepris de lire ce texte afin de décrypter ces attitudes. Ce roman graphique permet de comprendre assez facilement comment le fils Kim Jong-un parviendra rapidement à remplacer le père en appliquant la même autorité.
what a nightmare
Critique de Valadon (Paris, Inscrite le 6 août 2010, 43 ans) - 22 novembre 2010
Le trait est simple,efficace et maîtrisé, la narration très fluide, l'auteur a de l'humour, et il nous livre sans tralala la chronique de ces deux mois passés dans le pays le plus fermé du monde.
C'est passionnant, on voudrait que ça dure plus longtemps, on voudrait plus d'anecdotes, et en même temps,tout est là : Delisle rentre chez lui, deux mois c'est court.
Et là bas, là bas, rien ne change.
En bref, une bd qui transcende le genre de par le témoignage qu'elle apporte.
Un pays qui fout vraiment les jetons !
Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 25 août 2010
Delisle prend sans le vouloir la casquette de journaliste, car il lui eut été très probablement impossible de faire ce travail en se présentant comme tel dans ce pays. Et c’est cela qui donne tout son intérêt à l’ouvrage, vu le peu d’informations nous parvenant de là-bas. Qui plus est, tout est tellement contrôlé, tellement surveillé, que faire des photos comme il le souhaitait aurait été compliqué, même en tant que touriste… Comme on peut s’en douter, il s’agit plus d’un témoignage que d’un reportage (il est quasiment impossible pour un étranger de se promener sans guide ou traducteur), mais cela n’empêche nullement d’être captivé par sa lecture, tant ce pays est unique en son genre, hors du temps, coupé du monde réel, fascinant et terrifiant à la fois.
Grâce à son dessin minimaliste et pertinent, l’auteur, qui est resté deux mois à Pyongyang, nous plonge dans ce qui s’apparente littéralement à un monde parallèle, un univers glaçant, où les citoyens n’ont que deux alternatives : vivre comme une marionnette entièrement dévouée à leur dirigeant Kim Jong-il ( (qui se présente quasiment comme un Dieu vivant), ou comme un fantôme silencieux errant dans la ville sombre (pénurie oblige) en quête d’on ne sait trop quoi, de nourriture peut-être, ou encore de vérité, à moins que ce ne soit d’oubli… Les situations décrites sont souvent surréalistes, presque comme dans un rêve (enfin, plutôt un cauchemar). La propagande mensongère destinée autant à glorifier le leader suprême qu'à masquer les pénuries et la misère d’une grande partie du peuple semble avoir étendu son emprise jusque dans les cerveaux. La seule marque de subversion constatée par Delisle au cours de son séjour de deux mois provint d’un Coréen qui avoua trouver les films de son pays « ennuyeux »… un véritable acte de courage tant la répression y est féroce. Inévitablement, l’auteur fait allusion au célèbre roman de George Orwell, « 1984 », qu’il avait emmené dans ses valises, pas tout à fait innocemment on s’en doute…
Orwellien
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 9 juin 2010
Le ton est beaucoup plus politique que ses autres bandes dessinées (notamment la Chine communiste et la Birmanie dictatoriale). J’imagine qu’il n’a pas vraiment le choix face à l'atmosphère contrôlante de la ville. Il ne peut rien faire sans être accompagné d’un guide ou interprète et la ville est étouffée sous la propagande ambiante envers le régime et du leader (mort) Kim Il-sung et de son fils (le dirigeant actuel) Kim Jong-il. C’est digne du roman 1984 (dystopie sous un régime totalitaire de George Orwell que Delisle a apporté pour son déplacement, un « classique » de fiction, plus vrai que jamais ici).
« Dans toutes les pièces, de tous les étages, de tous les immeubles, de toute la Corée du Nord, se trouvent accrochées sur un mur, les photos côte à côte de papa Kim et de son rejeton. Sauf dans les chiottes... of course. [...] Même taille, même âge, même costume. Ainsi rien ne change pour le régime, c’est toujours la même tête qui dirige le pays. »
« Une chose qui frappe quand on se promène depuis des semaines dans les très propres rues de Pyongyang, c’est l’absence totale d’handicapés. Et beaucoup plus étonnant encore c’est la réponse à laquelle j’ai eu droit quand je me suis inquiété de leur sort... [...]
- Il n’y en a pas... nous sommes une nation très homogène et tous les nord-coréens naissent forts, intelligents et en santé. »
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