Mort anonyme de Kōbō Abe
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Le Kafka japonais
Quelques nouvelles du japonais Abe Kôbô : Mort anonyme.
Comme le titre de la première nouvelle l'indique, ce recueil a pour thème la mort bien sûr, mais aussi «l'Autre» : que faire, que fuir, quand un «Autre» débarque dans votre vie ?
Tous les héros de ces nouvelles voient leur existence désorganisée et mise en péril par l'irruption soudaine d'un étrange étranger : un cadavre inconnu, un fou, un extraterrestre, un déserteur, une famille entière avec enfants et grands-parents, ...
Un univers à la Kafka, à mi-chemin entre drolatique et fantastique.
[...] J'attrapai le choléra le 14 août et mon unité me laissa dans une grange. À la nuit tombante, un autre bataillon, en provenance du Nord et naturellement en déroute, vint à passer. Je rampai hors de mon abri et agitai la main, mais personne ne s'arrêta.
De toutes ces histoires d'un monde (japonais) qui n'est assurément pas le nôtre, on ne sait trop s'il faut les prendre en souriant ou en pleurant.
[...] Quelqu'un n'avait-il pas dit que plus un homme est civilisé, plus il rit, et plus il est primitif, plus il pleure ...
Les éditions
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Mort anonyme [Texte imprimé] Kôbô Abé nouvelles trad. du japonais par Minh Nguyen-Mordvinoff
de Abe, Kōbō Nguyen-Mordvinoff, Minh (Traducteur)
le Livre de poche / Le Livre de poche. Biblio.
ISBN : 9782253932420 ; 2,98 € ; 01/09/1995 ; 218 p. ; Poche
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10 nouvelles
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 24 août 2015
Kobo Abé Kafka japonais ou Franz Kafka Kobo Abe tchèque ? J’hésite … En fait non, il y a clairement antériorité pour le Tchèque. Et puis les registres ne se superposent pas vraiment. Le point de départ de Kobo Abe réside souvent dans des situations vraisemblables, qu’il tord un peu … un peu plus … et qui dérapent ensuite dans des cauchemars toujours plus glauques.
Dans sa façon de concevoir ses romans, ses nouvelles ici, Kobo Abe ne me semble pas avoir un plan d’ensemble au départ. J’ai le sentiment qu’il pose les fondations d’une chose un peu folle et qu’il se laisse guider par ses personnages après. C’est mon sentiment et il n’engage que moi, je serais bien incapable de démontrer un tel processus. Peut-être s’en est-il expliqué dans des interviews mais je n’en ai pas lues.
Dans la nouvelle éponyme « Mort anonyme » par exemple, le départ est la trouvaille par un Japonais rentrant dans son appartement, où il vit seul, d’un cadavre.
« Le visiteur était là. Allongé sur le ventre, les deux pieds joints, en direction de la porte. Mort. Bien évidemment, A. ne comprit pas tout de suite … »
Pourquoi pas ? Mais là où un romancier « normal », un auteur de polar, traiteraient cette découverte sur un mode logique, que fait le « A. » de Kobo Abe ? Au bout de la quatrième page il a déjà mis le bras dans un engrenage insensé, s’enfermant avec le cadavre, agissant de manière telle qu’il peut difficilement revenir en arrière et se comporter normalement sans risquer de se faire accuser de meurtre. Un acte un peu en dehors de la réalité, irréfléchi et hop ! la machine à cauchemar est lancé ! Et avec Kobo Abe elle a plutôt tendance à aller jusqu’au bout !
« Les envahisseurs » est, dans son genre, une nouvelle très marquante du recueil. Un Japonais, seul là encore (les individus sont assez solitaires chez Kobo Abe !) se voit réveillé à 3 heures du matin par des coups discrets à la porte. Derrière, une famille entière qui va investir les lieux, qui vient en fait prendre possession des lieux dans une logique des plus absurdes, très « koboïenne » :
« Comme je n’arrivais pas à mettre la main sur ma ceinture, j’allai ouvrir la porte pour accueillir mes visiteurs inconnus, sans hésitation aucune, plutôt avec entrain, les deux mains agrippant le haut de mon pantalon. L’éclat de la lumière me donnait du courage et la curiosité me rendait plus vif. Devant moi se tenaient un homme distingué en habit de soirée noir, nœud papillon compris, et une femme très comme il faut, qui devait être son épouse, vêtue d’une robe élégante à volants ; tous deux étaient hilares. A côté d’eux, une vieille dame très ridée, vraisemblablement centenaire, s’appuyait sur une canne branlante en souriant de toutes ses gencives. Derrière elle, il y avait tellement d’enfants qu’on ne pouvait pas les compter au premier regard …
…/…
« Peut-on entrer ? » demanda l’homme distingué après s’être retourné. Avant que je puisse répondre, ils hochèrent la tête et entrèrent en piétinant comme un troupeau de vaches. Ils étaient neuf au total.
« C’est petit, n’est-ce pas ? » s’exclama l’homme … »
« Peut – on entrer ? » Ils entrent. Et la machine est démarrée. Très bizarre dans ses réflexions notre Kobo Abe !
On trouvera au fil des nouvelles un extra – terrestre qui ne peut rentrer chez lui, un soldat mort aux pensées dérangeantes, un homme qui va prendre racine en « Dendrocacalia », … Des situations toujours un peu angoissantes qui dérapent rapidement et finissent en cauchemar absolu.
Oui, finalement, un tel recueil de nouvelles est une bonne voie d’accès au monde particulier de Kobo Abe.
Décomposition assurée
Critique de Perlimplim (Paris, Inscrit le 20 mars 2011, 48 ans) - 10 juin 2011
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