Les dieux ont soif de Anatole France
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
Moyenne des notes : (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : (358ème position).
Visites : 11 558 (depuis Novembre 2007)
La métamorphose d'un homme pendant la Terreur
Evariste Gamelin, jeune peintre adhérant à la Révolution, confiant, généreux et sensible, va devenir, en entrant en fonctions au Tribunal révolutionnaire, un juge intraitable, cruel et sanguinaire.
D'une remarquable modernité, comme le souligne bien Marie-Claire Bancquart, ce roman est véritablement un chef-d'oeuvre: tout en nous incitant à une réflexion sur l'exercice du pouvoir, qui est vraiment d'actualité, Anatole France nous plonge la tête la première à l'époque de la post-Révolution française, où la majorité croyait fermement en un régime tyrannique à façade tyrannique. Il y arrive notamment par un soin sans bornes dans les descriptions ainsi que par un grand souci de restitution qui inclut la saisie de la la vie quotidienne et la pénétration des êtres.
L'élément le plus remarquable est sans aucun doute l'évolution du personnage d'Evariste Gamelin, mystérieusement séduit et envoûté par les discours de Robespierre et des Jacobins. Il va devenir acteur de la Terreur, ordonnant l'exécution de dizaines de personnes, dont ses amis et proches (tel que son beau-frère) et puis chercher l'oubli dans les bras de sa maîtresse Elodie avant de trépasser d'une mort analogue à celle de ses victimes.
Doté de scènes mémorables (le rendez-vous entre Elodie et Evariste, le retour de Julie, le discours de Robespierre auquel Evariste assiste, etc), de personnages inoubliables (mis à part Evariste,le philosophe athée Brotteaux, la tendre et quelque peu naïve Elodie, la courageuse Julie, soeur du peintre, l'impuissante et inactive citoyenne Gamelin, mère de cette dernière, l'hargneuse et infatigable Marie de Gorcut sont autant de personnages qui se gravent à jamais en nous) et d'un style excellent et riche, "Les dieux ont soif" nous fait rêver, rire, pleurer, réfléchir, voyager, frémir. Que demander de mieux ?
Les éditions
-
Les Dieux ont soif [Texte imprimé] Anatole France éd. présentée, établie et annotée par Marie-Claire Bancquart,...
de France, Anatole Bancquart, Marie-Claire (Editeur scientifique)
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070381685 ; 8,60 € ; 01/01/1990 ; 310 p. ; Poche
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Les critiques éclairs (8)
» Enregistrez-vous pour publier une critique éclair!
« C'est la certitude qu'ils détiennent la vérité qui rend les hommes cruels»
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 4 novembre 2021
Les maîtres de la révolution se nourrissent du sang de leurs adversaires.
Partout, dans Paris, on traque, on dénonce, on juge de façon expéditive et on mène à l'échafaud des charretées de condamnés.
Le roman est construit autour de l'évolution d' Evariste Gamelin, un jeune peintre acquis aux idéaux des Jacobins, nommé juge au Tribunal révolutionnaire et qui se transforme rapidement en juge intraitable et inhumain : « un monstre » .
Anatole France fait vivre à ses côtés nombre d'autres personnages, représentatifs des deux camps qui s'affrontent, qu'ils soient soutiens du nouveau régime fiers de leur autorité, ou partisans de l'ancien qui craignent pour leur sort .
C'est tout le peuple de Paris qui vit dans ce roman où se mêlent aussi bien discussions politiques où s'affrontent des points de vue opposés, qu'intrigues amoureuses ou scènes de vie de tous les jours dans le Paris de la Révolution où tout vient à manquer, où l'on a faim, où l'on a froid, où il est difficile de gagner sa vie.
LES DIEUX ONT SOIF est un roman qui non seulement plonge son lecteur dans le quotidien d'une période qui a bouleversé l'Histoire mais qui l'incite aussi à une réflexion sur l'exercice de tout pouvoir politique . « C'est la certitude qu'ils détiennent la vérité qui rend les hommes cruels»
Parue en 1912, cette belle œuvre à l'écriture limpide, pleine d'élégance et au charme un peu suranné reste d'une grande actualité à l'heure où certains pays sont plongés dans le fanatisme et la barbarie .
A Paris sous la Terreur.
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 24 avril 2020
Son chef-d’œuvre, Les Dieux ont Soif, est une saga du petit peuple de Paris sous la Terreur. L’auteur fait passer les différents points de vue sur la Révolution par des dialogues entre les personnages ; toutes les opinions sont exprimées et on y voit comment l’idéologie de la Révolution est perçue dans la population. On se rend compte à quel point rien n’est simple ! Mais, malgré le bruit constant de la guillotine, qui raccourcit tous les corrompus et tous ceux soupçonnés de l’être, l’auteur arrive à nous faire respirer cet « air de Paris » si prisé autrefois par les visiteurs – quand on ne parlait pas encore de pollution – et puis ce goût des Parisiens pour la douceur de vivre.
Mais au cours du récit, l’auteur fait quand même passer son opinion personnelle en démontrant comment la plus belle idéologie, quand elle est poussée jusqu’à sa logique finale, devient une monstruosité. Le jeune Évariste Gamelin, le personnage principal du livre, en fait la démonstration : c’est un idéaliste généreux et intègre. Il aime les gens, il veut le bien du peuple. Il est féru des idées de Jean-Jacques Rousseau, dont il a retenu que l’homme est bon par nature et il en conclut que c’est l’Ancien régime qui l’a corrompu. Alors la guillotine sauvera la Patrie, telle est sa conviction. Et comme il est juré au tribunal Révolutionnaire il s’en donne à cœur joie. Son idéologie, portée jusqu’à son ultime logique, fera dire à l’auteur, par le truchement de la citoyenne Gamelin, sa mère, qui le chérit tendrement : c’est un monstre !
Outre la vision magistrale de cette « page d’Histoire », ce qui fait tout le charme du livre c’est qu’Anatole France s’exprime avec ce bel esprit, qu’on qualifiait autrefois « d’esprit français » ; cet esprit qui est fait de sagacité, de satire subtile et d’une très fine observation du monde avec ses ambitions, ses vices, ses servitudes et ses travers … Son style est un véritable enchantement.
Les Dieux ont Soif est un roman à personnages multiples sur un fond d’Histoire et c’est raconté comme si on y était. Le lecteur appréciera particulièrement la manière dont l’auteur dénonce le danger de ces idéologies qui feraient mieux de rester dans les livres, en nous montrant l’homme tel qu’il est : à la fois bon et mauvais et, selon moi, pour ce que j’en connais, plus souvent mauvais que bon.
Visionnaire
Critique de Alceste (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 63 ans) - 11 juillet 2015
S’appuyant sur sa parfaite connaissance du XVIII ème siècle, et du la Terreur révolutionnaire en particulier, il raconte une époque de délire idéologique, de délations, de greniers où l’on se cache, de réseaux secrets, de collaborations molles se muant en fanatisme total, bref, tout ce qui devait arriver dans les années à venir. Bien avant « le Procès » de Kafka, pourtant lui aussi visionnaire, Anatole France dénonce une justice instrumentalisée et aveugle jusqu’à l’absurde.
Notons cependant que France n’a rien de l’écrivain engagé qui donne à son roman une lourdeur démonstrative. Pour lui, la littérature prime sur tout. Comme ses aristocrates qui montent sur l’échafaud avec le sourire et un bon mot à la bouche, Anatole France garde toujours intact le plaisir du texte.
Les dieux ont soif, 1912
Critique de Martin1 (Chavagnes-en-Paillers (Vendée), Inscrit le 2 mars 2011, - ans) - 17 juin 2014
Sa loyauté, son amour des idées et des hommes, son éloquence mêlée d'amour pour son prochain... qui de mieux désigné pour travailler dans les Comités de Justice ?
Mon avis : Ce livre est l'histoire d'un homme dont vous ne devez pas douter une seconde de la sincérité et de la sagesse ! Evariste Gamelin est noble et martyr, on ne peut être que rempli d'admiration pour cet homme... pourtant il conduira sans remords des centaines de personnes à la mort.
Cet holocauste grandiose est tout simplement un des plus précis et des plus exacts portraits de la Révolution Française ; une affaire de coeur bien avant d'être une affaire d'hommes, un geste d'amour avant de devenir un massacre.
La France, offerte en sacrifice à ces dieux qui "ont soif", montre le passage le plus romanesque de son Histoire : le passage où elle tue le peuple par amour du peuple.
A travers Evariste Gamelin, c'est le raisonnement subtil des puissants philosophes de cette époque que nous découvrons, ce raisonnement qui mène les gens à la mort... pour leur plus grand bien !
Magnifique et très éclairant, ce livre est indispensable pour comprendre notre Histoire !
Sur le même sujet, par une plume aussi talentueuse, je vous conseille la lecture de "Pauvre Bitos ou le dîner de têtes" par le dramaturge Jean Anouilh.
A ça ira, ça ira, ça ira ...
Critique de Homo.Libris (Paris, Inscrit le 17 avril 2011, 58 ans) - 6 mars 2014
Un monument
Critique de Mbhdn (, Inscrit le 11 octobre 2012, 46 ans) - 23 mai 2013
Plein d’a priori sur l’auteur. Je découvrais que non seulement Anatole France n’était pas démodé, ni convenu mais bien au contraire comme celle de tous les génies son écriture trouve une résonance à toutes les époques.
Ce roman historique sur la Terreur est tout bonnement remarquable, cette œuvre est une chronique parfaite du totalitarisme.
Un roman troublant et dérangeant où l’on découvre la plénitude que peuvent ressentir ces hommes devenus monstres à s'abreuver de sang.
Un grand roman
Critique de Harfang (Paris, Inscrit le 2 novembre 2009, 30 ans) - 25 juin 2010
Le roman, quant à lui est plutôt prenant même si certains passages s'éternisent. Les descriptions et les portraits relèvent d'un style propre à Anatole France et véritablement magnifique. Le contexte de la révolution est largement développé pour notre plus grand plaisir. A lire sans hésiter
Idéologie et autoritarisme
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 28 août 2007
Ce roman pose la question de l'avenir de la démocratie et du respect de ses idéaux quand on accède au pouvoir - judiciaire en l'espèce - . Cette oeuvre est une démonstration que l'excès mène à l'absurde, qui peut être sanguinaire. Elle laisse songeur, autant qu'admiratif de la puissance du style et de ce qui est montré.
Un grand roman.
Forums: Les dieux ont soif
Il n'y a pas encore de discussion autour de "Les dieux ont soif".