Lituma dans les Andes de Mario Vargas Llosa

Lituma dans les Andes de Mario Vargas Llosa
( Lituma en los Andes)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Tistou, le 23 août 2007 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 351ème position).
Visites : 11 313  (depuis Novembre 2007)

Mario Vargas Llosa ne craint pas l’altitude.

El Sendero Luminoso, « Le sentier lumineux », qui se souvient de ce mouvement d’inspiration maoïste qui déchira les Andes péruviennes dans les années 80 et qui rendait le pays de fréquentation dangereuse ? Plus de 26 000 morts, 4 000 disparus, selon les estimations !
Lituma est un brigadier de l’armée péruvienne. Il a été nommé (muté disciplinairement ? ) au fin fond des Andes, lui l’homme de la côte, en plein pays soumis à la guerilla du « Sentier lumineux », environné d’indiens dont il ne comprend pas la langue et qui, de toutes manières, ne lui adressent pas la parole. Il vit dans des conditions misérables, sous la peur permanente d’une attaque du « Sentier » avec pour seule compagnie son adjoint ; Tomasito.
Tous deux sont chargés de sécuriser le village de Naccos, misérable rassemblement de huttes, où travaillent des hommes à percer un tunnel pour une route dont on comprend vite qu’elle n’aura jamais d’existence.
Très vite, Mario Vargas Llosa nous met dans le vif du sujet ; la violence, du « sentier lumineux », des forces de répression, des croyances, de la pauvreté …

« Le jour se levait rapidement sur le plateau et l’on distinguait très nettement les corps, les profils. Ils étaient jeunes, adolescents, l’air pauvre, et quelques uns semblaient des enfants. Outre les fusils, les revolvers, les machettes et les bâtons, beaucoup tenaient des gros cailloux dans leurs mains. Le petit bonhomme au chapeau, tombé à genoux et les deux doigts en croix, jurait, en levant les yeux au ciel. Jusqu’à ce que le cercle se refermât sur lui, le cachant à leur vue. Ils l’entendirent crier, supplier. Se poussant, s’excitant, rivalisant les uns les autres, les pierres et les mains s’abattaient, se relevaient, s’abattaient, se relevaient. »

Mario Vargas Llosa manifestement ne s’est pas contenté de vivre à Lima, sur la côte. Il connait le haut pays andin et ses incursions dans ce territoire inouï sont d’une terrible beauté. Il parvient parfaitement à nous faire ressentir l’angoisse qui peut saisir l’homme confronté à la nature andine, démesurée et implacable. J’y ai retrouvé des terreurs éprouvées en simple pays alpin, la nuit dans la montagne, quand on peut se confronter à notre petitesse ; sentiment à la fois exaltant (j’existe, je suis là) et écrasant (syndrome du roseau pensant).
Le drame est doublé d’une drôle d’histoire d’amour, à l’image du pays où définitivement rien n’est simple, et ressortent à l’occasion la sauvagerie et le caractère inquiétant, inhumain, des anciennes coutumes ou religions locales dont il subsiste une trace.
La montagne andine, décidément, n’est à nulle autre pareille ! Lieu de mystère, de barbarie, de magie où les Dieux sont sans pitié !

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C'est pas le Pérou

5 étoiles

Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 29 janvier 2013

J’ai profité d’un récent voyage au Pérou pour découvrir l’oeuvre de Mario Vargas Llosa, récemment récompensée d’un Prix Nobel de littérature. Parcourant moi-même les Andes, mon choix s’est orienté vers ce livre qui promettait d’en traiter.

De fait, elles sont centrales aussi bien dans l’action que dans le decorum dans lequel elle prend place et Vargas Llosa sait parfaitement évoquer ces paysages vertigineux de montagnes arides aux sommets dénudés et dont les moindres d’entre eux dépassent allègrement en altitude nos pics les plus élevés. Il sait aussi évoquer les clivages qui règnent ou régnaient dans son pays.

Car l’histoire se déroule alors que le Sentier Lumineux vit ses plus riches heures - certainement les plus sombres de l’histoire récente du Pérou. Depuis Ayacucho, la bien nommée « ville du sang », il rayonne dans toute la sierra andine et frappe aléatoirement une municipalité ici et un groupe de touristes là - son entrée en scène se fait via la lapidation d’un couple de touristes français auquel on ne manque pas de s’identifier quand on voyage seul avec sa copine et son sac à dos... C’est justement dans une de ces municipalités qu’on retrouve Lituma, un flic dont on comprend qu’il a été dégradé et envoyé dans la sierra en punition, et son jeune adjoint Tomasito, jeune flico-gangster lui aussi mis à l’écart par son commissaire/parrain/père(?) - c’est un peu confus, mais on comprend que la police péruvienne est largement corrompue et que les flics jouent aussi aux gangsters en fonction de la casquette qu’ils portent.

Pendant la majeure partie du roman, on attend donc que le Sentier Lumineux frappe à la porte de Lituma et le condamne à mort au terme d’une mascarade de procès populaire. Attendant lui aussi mais un peu plus angoissé par cette perspective, Lituma tente de mener une enquête ayant trait à des disparitions qui ont lieu dans la municipalité dans laquelle il serait censé incarner l’autorité. Plus que l’enquête, on se concentre surtout sur le décalage et l’incompréhension qui existent entre Lituma, l’homme de la côte, et les montagnards qu’il côtoie.

On aime donc beaucoup Vargas Llosa lorsqu’il nous dresse le bilan de ce pays déchiré entre la côte et les montagne, entre l’autorité républicaine et le Sentier Lumineux (tous deux aussi détestables sous la plume de l’auteur), entre l’espagnol et le quechua, entre le catholicisme et les rites païens, vaguement hérités des incas ou de croyances encore plus anciennes. On aime cette fresque d’un pays que l’auteur, au moment où il écrivait ces lignes, devait certainement croire au bord de l’effondrement - et non sans que cela paraisse fondé...

Ce que l’on aime moins, mais alors vraiment beaucoup moins, c’est le Vargas Llosa romancier. Qu’il n’y ait pas d’action n’est pas un défaut ; l’attente aussi peut apporter beaucoup. Ce qui gène plus, c’est que non seulement aucun des personnages n’est suffisamment sympathique ou charismatique pour qu’on s’identifie à lui, mais même qu’aucun ne nous intéresse réellement. Lituma n’est ni un héros de roman, ni un anti-héros ; juste un type particulièrement grossier et irritant, une espèce de Sergent Garcia aussi plouc que ces péons qu’il s’autorise à mépriser pendant tout le roman. Quant à Tomasito, il semble tellement bête et naïf qu’on a presque autant de mal à l’imaginer en flic qu’en gangster.

La construction du roman n’est pas mieux maîtrisée. Vargas Llosa alterne dans chaque chapitre l’histoire de Lituma dans son village andin et le récit que lui fait Tomasito de son histoire d’amour pour une certaine Mercedes (histoire qui se termine de façon totalement absurde dans un épilogue qui présente une Mercedes totalement incohérente avec le portrait qu’on nous en a tracé durant tout le reste du livre). Or, ce second récit n’apporte rien à l’histoire principale et on a presque l’impression que l’auteur fait du remplissage en l’incorporant au roman d’une manière artificielle, comme s’il avait écrit ce bout de texte dont il ne savait pas trop quoi faire et avait décidé de faire gonfler le nombre de pages avec.

C’est donc avec un sentiment plus que mitigé qu’on referme ce livre guère passionnant qui, s’il donne de précieuses indications sur le climat social du Pérou de la fin du vingtième siècle, semble presque déjà daté et n’entraîne surtout jamais le lecteur avec lui.

Les Andes, leur beauté et leurs peurs

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 21 avril 2012

Tout effraie ou subjugue dans les Andes péruviennes, tout remue, au risque de mourir. Ce serait peu ou prou la morale de ce roman d'enquête, policière puis sociale, où les coutumes, la violence, l'amour et la folie se mêlent et se succèdent. Dans ce monde souvent inquiétant et parfois attachant, la lectrice et le lecteur s'en retrouvent intrigués et curieux à l'idée de découvrir un monde presque inaccessible, dans tous les sens du terme.
L'ensemble de ce livre est donc tourbillonnant, rien n'y permet le repos. Souvent dramatique, il en est parfois burlesque, et toujours analytique, propice à la découverte, ce qui le rend fort intéressant, malgré une dure violence.

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