La princesse et le pêcheur de Minh Tran Huy
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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« Mono no aware »
Lan et Nam, quinze ans, se rencontrent dans le bus qui les emmène en séjour linguistique en Angleterre. Il vient vers elle, parce qu’ils sont les deux seuls à afficher des traits asiatiques. Elle n’en revient pas de sa chance, elle qui vit dans l’isolement, le silence, et les livres depuis toujours. Que sont les racines, exactement ? Qu’est-ce que ça apporte, retire, modifie, dans la vie de deux jeunes adolescents, en France, d’avoir des parents vietnamiens ? Comment appréhender la réalité de ces deux mots, « boat people », quand ils s’appliquent à un jeune homme dont on tombe follement amoureuse, au point de rêver, d’anticiper, de vivre mille fois par avance la simple caresse de notre main sur sa joue ? Que faire s’il nous traite comme sa petite sœur ? Ah si seulement c’était si simple, si la vie nous laissait la possibilité de vivre notre jeunesse « normalement »…
Ah quel joli roman ! Il est gracieux parce qu’il parvient à mêler intimement la modernité occidentale (et même parisienne, en l’occurrence), aux contes et légendes vietnamiens. Il est doux et triste et nous parle directement au cœur, tisse entre lui et nous mille petits détails que l’on reconnait comme nôtres. Mention spéciale au personnage de la grand-mère, qui m’a émue aux larmes.
Les éditions
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La princesse et le pêcheur [Texte imprimé], roman Minh Tran Huy
de Tran Huy, Minh
Actes Sud / Domaine français (Arles)
ISBN : 9782742769537 ; 18,30 € ; 15/08/2007 ; 186 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (3)
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Une insoutenable légèreté de l'être
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 11 février 2015
L’auteure a introduit avec beaucoup d’habileté des récits relevant des contes du Vietnam, qui font échos au récit et qui lui donnent une ambiance onirique. D’ailleurs l’importance des « histoires » est un des fils rouges du livre. Il est baigné en effet non seulement par les histoires des protagonistes (en tout cas du peu qu’ils en livrent à la narratrice) sur leur vie passée au Vietnam, mais aussi par la passion dévorante de l’héroïne pour la lecture.
Il faut enfin saluer la finesse de l’écriture de Minh Tran Huy et sa délicatesse, qui lui permet, en imprégnant le livre d’une grande mélancolie, de nous offrir là une œuvre tendre et sensible.
A la recherche éperdue de l’Autre
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 89 ans) - 5 février 2010
Par delà cette rencontre, Minh Tran Huy, nous familiarise avec ce qu’est la double allégeance : pour Lan, ce sentiment de flotter entre deux cultures tout en respectant le silence pudique de ses aînés qui peinent à se raconter, et qui, à la faveur de deux courts voyages au pays de leurs origines refont connaissance avec des parents qui ont diversement réussi à oublier l’époque coloniale française, puis l’invasion par le Cambodge, puis les souffrances sous la férule communiste …
Quant à Nam, adolescent mystérieux et fier, il est frappé d'une double blessure, la souffrance de l’orphelin et un chagrin d'amour survenu avant sa rencontre avec Lan. Tout en n’apparaissant que très brièvement dans ce roman, il hantera pourtant toutes les pensées de notre héroïne, et finira misérable.
Autour de cette trame, l’auteure évoque certains contes et légendes de son Vietnam, qu’elle intercale dans le récit principal et où il est régulièrement question de jeunes enfants, parfois frère et sœur, souvent abandonnés, et qu’un destin tragique s’acharnera à séparer ou à faire s’entretuer, ou encore, à faire se rencontrer dans une autre vie.
Nous sommes ici mis en présence d’un roman qui se traîne de manière quasi onirique, tout en demi-teintes, et dont on en sort avec une indicible nostalgie, celle de l'éternelle poursuite d’un amour perdu …
L'éclosion d'un papillon
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 26 septembre 2007
Nam tait un secret dont il ne veut pas parler. La « princesse » tombe éperdument amoureuse du « pêcheur » sans jamais oser lui avouer, mais lui la considère comme une sœur et ne voit pas son trouble.
Ce récit est émaillé de contes vietnamiens très poétiques et d’ailleurs les chapitres sont également entrecoupés de morceaux d’un conte (qui me semble familier), à propos de l’amour impossible d’un frère et d’une sœur.
L’auteur explique le Vietnam, l’éducation et le caractère des Vietnamiens : « Dans le monde de Nam comme dans le mien, il n’y avait pas de place pour le bruit, les cris, la colère. On ne brandissait pas sa souffrance, on l’étouffait. Et s’il était permis de paraître triste ou fatigué, se plaindre ne faisait pas partie des usages. Nous avions reçu une éducation fondée sur le culte de la performance scolaire et du travail bien fait, la sacralisation de la famille (…), mais aussi, et surtout, la maîtrise de soi. »
Une réflexion que j’ai appréciée : « Vivre, c’est se lancer dans un solo tout en apprenant à chanter ; tenir un rôle principal d’une pièce un soir de première sans avoir jamais répété ; rédiger une histoire d’une traite, sans possibilité de retour en arrière. (…) l’existence est un récit que l’on dévide au fil de la plume, et où personne ne se préoccupe des répétitions, des blancs et des incohérences. Il n’y a que dans les romans qu’on peut corriger, réviser, reprendre. » L’auteur fait de fréquentes comparaisons entre la vie et la poésie ou le roman.
Un très beau livre, emprunt de poésie ; c’est l’éclosion d’un papillon. Dommage pour la fin…
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