La mer de John Banville

La mer de John Banville
( The sea)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Sahkti, le 13 juillet 2007 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (758ème position).
Visites : 6 261  (depuis Novembre 2007)

La musique des sentiments

Anna est malade, le docteur Todd a l'air inquiet, Max sait que de longs moments d'errance vont se dessiner dans les semaines qui viennent.
Parallèlement à l'évolution de la maladie de sa femme, Max entame une plongée dans des souvenirs d'enfance qui se recréent au fur et à mesure que son esprit a besoin d'oublier la douloureuse réalité. Des souvenirs esquissés, parfois trompeurs, parfois trompés. La mémoire peut jouer des tours, vilains ou non, et nous laisser croire que tel ou tel morceau du passé conservé à l'abri du cerveau est le reflet de la réalité alors qu'il n'en est rien; la confrontation aux traces laissées derrière soi peut alors faire mal, mais aussi servir de révélateur et de déclencheur.
C'est ce qui se passe avec Max, retourné dans les pas de ses vacances d'enfance au bord de la mer, en compagnie de Myles et Chloé, les enfants du couple Grace, qui loue la ville des Cèdres pour l'été. Des drames se jouent, certains ne connaîtront leur véritable signification que cinquante ans plus tard, lorsque Max entreprend ce long voyage dans les territoires de la mémoire.

Chassé-croisé entre le présent (la maladie d'Anna, le travail de Max, les difficultés relationnelles avec sa fille Claire, son besoin de sécurité en se cachant dans les souvenirs) et le passé (la séparation de ses parents, le bungalow minable des vacances, la belle villa des Grace, la séduction de Connie, les premiers baisers avec Chloé, le mystère Rose, l'étrange Myles...).
Ces aller-retours incessants sont une véritable merveille. Non seulement parce que l'auteur possède un style et un vocabulaire qui laissent pantois, mais aussi parce qu'il réussit brillamment ces voyages entre réalité et souvenirs, entre époques différentes, entre chimères et fantômes. Le lecteur se laisse emporter par ce tourbillon d'images, il participe lui-même à la construction de l'histoire en se glissant d'une peau à l'autre. L'émotion est palpable et John Banville n'a pas son pareil pour décrire le ressenti de chacun à tout moment.

Je suis tombée sous le charme de cette douceur, de cette gravité, de cette violence sous-jacente à tout récit abordant de manière aussi intérieure les sentiments humains qui animent les protagonistes. Un vrai coup de coeur qui demeure, encore et encore, une fois le livre refermé.

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souvenirs d'enfance .

8 étoiles

Critique de Pat (PARIS, Inscrit le 21 mars 2010, 60 ans) - 7 juillet 2010

Un livre sans chapitres . L'histoire se passe à trois époques différentes , un homme se rappelle ses souvenirs d'enfance . Il ne se passe pas grand chose dans ce livre , il s'agit d'un retour sur soi-même , du regard de l'auteur sur sa vie . De la nostalgie de l'enfance et des vacances en bord de mer .
Le temps s'écoule lentement , au rythme des vagues qui viennent mourir sur la plage .
C'est une sorte d'auto-psychanalyse... un livre sur une vie , celle de l'auteur .

Le passé, ce présent d'hier

9 étoiles

Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 81 ans) - 12 juin 2009

« Quand un écrivain a du style, ce qu’il dit a peu d’importance » a écrit Jacques Chardonne ; John Banville lui porte une définitive contradiction avec son roman « La mer » qui paraît enfin en poche et où magnificence du style et beauté du récit s’entremêlent comme des eaux vivantes qui se rejoignent et se fondent en une mer « toujours recommencée ».

On entre dans ce livre comme on entre dans la mer, petit à petit, avec réticence parfois, avant de se laisser emporter par les vagues- les sentiments, « car même à cet age si tendre, je savais qu’il y en a toujours un qui aime et un qui est aimé, et je savais…quel rôle allait m’échoir »-, le ressac –le retour du passé « tellement si prégnant qu’on a l’impression qu’il pourrait nous anéantir »-, l’horizon –« la vie, la vraie vie, succession de luttes où la volonté heurte sa tête émoussée contre le mur du monde »-, la houle –« pas de bruit, juste des larmes, perles de mercure rutilantes dans l’ultime éclat de lumière marine »-, le mystère – « une éclaboussure...puis rien, le monde indifférent se referma sur eux ».

Vous l’avez compris, ce roman est envoûtant, tout en nuances colorées (Max aime le peintre Bonnard sur lequel il écrit un livre, mais sans illusion), en odeurs, en silences, en matières (le sable, l’eau qui évoque la fin de la vie de Marthe Bonnard que son mari peint inlassablement dans un espace aqueux), en moments figés, « la mémoire déteste le mouvement ».
On pense aussi à Proust tant par la virtuosité du style de John Banville que par la profondeur et la justesse de son analyse du passé pleine de finesses et de remarques subtiles. Les relations entre Max et sa femme qui se meurt sont d’une cruauté et d’une authenticité bouleversantes. La colère de Max, après la mort d’Anna, ce « sentiment trouble d’être un imposteur », ce refus de la sollicitude et ce désir de colère et de violence expriment la réalité de la douleur brute sans ce miroir déformant qu’est la compassion dont nos société dites post-modernes se repaissent …avant de passer à autre chose.

Entre mélancolie et tendresse, sensualité et nostalgie, le passé « n’est que le présent d’hier, un présent disparu, rien de plus. Et pourtant. »

le passé silence et parole

10 étoiles

Critique de Printemps (, Inscrite le 30 avril 2005, 66 ans) - 22 juillet 2007

Un grand merci d'écrire une critique sur ce livre que j'ai lu il y a quelque temps en anglais. Le début me semblait long et lassant, mais il n'a pas fallu longtemps pour que je sois prise par les mouvements des vagues et que je me me laisse moi aussi porter par les mouvements lents de vagues entre le passé, le présent et l'avenir. Je ne peux que recommander la lecture de ce livre plein d'atmosphère à la lenteur bien appropriée; un petit bijou caressé par le vent, le sable et la mer.

Magnifique découverte

10 étoiles

Critique de Maria-rosa (Liège, Inscrite le 18 mai 2004, 69 ans) - 22 juillet 2007

Il n'y a pas grand chose à ajouter à la très belle critique de Sahkti complétée par celle de Jules.
Sublime. Le genre de livre qui vous trotte en tête pendant de longs mois reléguant les autres lectures même les "moyennes supérieures" aux oubliettes.

Oui, un très beau livre !

10 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 18 juillet 2007

Soulignons au passage que John Banville est un auteur Irlandais.

Je suis bien d'accord avec Sahkti qui fait ici une très belle critique et un résumé fidèle.

Il y a très peu de mouvements dans ce livre et l'auteur passe constamment de l'époque de son enfance à sa vie d'homme marié, à la maladie de sa femme et au présent.
Il faut d'ailleurs parfois au lecteur un petit temps d'adaptation pour comprendre où il est.

Ce livre pourrait être lassant par manque d'action et de dialogues s'il n'y avait pas la splendeur de l'écriture, la finesse des analyses des personnages ainsi que des sentiments exprimés ou suggérés.

Oui, c'est un excellent livre et je suis bien d'accord avec Sahkti pour les cinq étoiles.

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