Les pires contes des frères Grim de Mario Delgado Aparaín, Luis Sepúlveda

Les pires contes des frères Grim de Mario Delgado Aparaín, Luis Sepúlveda
( Los peores cuentos de los hermanos Grim)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Sahkti, le 11 mai 2007 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (42 042ème position).
Visites : 5 828  (depuis Novembre 2007)

Quand Sepulveda pratique l'humour

Abel et Caïn Grim, jumeaux et chanteurs populaires de talent plus que discutable, ont sillonné la Patagonie de long en large, sans pour autant passer à la postérité, si ce n'est à travers l'intérêt quasi obsessionnel de deux érudits loufoques, Orson Castellanos en Uruguay et Segismundo Ramiro von Klatsch en Patagonie, qui passent leur temps à échanger une correspondance rocambolesque dédiée aux frères Grim. Complètement déjantées, ces lettres abordent en détail tous les aspects de la vie des Grim, tant artistiques que sexuels, et visent plus large que le seul duo d'artiste; c'est toute une société qui se retrouve ici brocardée à travers des thèmes tels que la sexualité du troubadour à travers les siècles en Amérique du sud.
En se livrant à toutes sortes de spéculations et de théories farfelues, les deux érudits se moquent allègrement de la politique, de culture et de la littérature, donnant à leurs courriers des airs de doctrine savante qui s'avère pourtant plus embrouillée que tout.

Le texte est jouissif. Car il est drôle, inventif et sans limites, il repousse les frontières de l'absurde et pointe de la plume ironique et grinçante de Sepulveda et Delgado-Aparain les travers d'une certaine société savante parfois trop bien-pensante. On sent à chaque page que les deux auteurs ont pris un plaisir fou à écrire cette satire, au risque d'amuser le lecteur dans un premier temps, puis l'embrouiller, voire le laisser de temps en temps de côté, car extérieur à leurs apartés sur tel ou tel détail de la société sud-américaine. C'est un regret qu'il faut contourner, dépasser, sous peine de ne pas apprécier à sa juste saveur le travail accompli par Sepulveda et Delgado-Aparain, ces jeux de langue et de vocabulaire, cette douce folie qui s'est emparée de leur plume pour nous offrir cet opus à pleurer de rire, tant il est caustique et caricatural.

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L’os à moelle latino

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 19 décembre 2010

Ce livre c’est un peu « L’os à moelle » du continent latino-américain, comme si un Pierre Dac uruguayen s’était associé à un Pierre Desproges chilien, ou vice-versa : un Desproges uruguayen et un Dac chilien, peu importe, pour écrire un échange épistolaire loufoque, burlesque et truculent. Dans le présent ouvrage, le Professeur Segismundo Ramiro Von Klatsch, installé sur les bords de la mer de Wedel en Patagonie chilienne et le Docteur Orson C. Castellanos, résidant sur le rivage du Rio de La Plata en Uruguay, s’adressent des courriers pour partager leurs informations au sujet des frères Grim, un couple de jumeaux picaresque, burlesque et absolument improbable –selon la formule consacrée- qui a sillonné le cône du continent latino-américain pendant la première moitié du XX° siècle, dont ils voudraient tous les eux écrire la biographie.

Ces jumeaux participent volontiers à des rencontres de « payadores » sorte de rappeurs de l’époque, dans cette région, qui vont de concours en concours pour s’affronter en joutes oratoires improvisées en racontant la vie quotidienne des classes populaires et brocardant tous les pouvoirs sans distinction. Ils participent à toutes les fêtent données par les riches propriétaires. « Don Genaro Kelly avait engagé les meilleurs artistes du cirque Les Aigles humains ; le fameux Pancho Lancaster en était le trapéziste vedette, et son jeune partenaire, Antonio Curtis. Les jumeaux Grim se joignirent à la troupe car il est inconcevable de châtrer mille moutons sans poésie. C’est la grandeur d’âme de cet idyllique monde rural que vous et moi défendons avec la même violence. »

Ce texte n’est pas seulement un grand moment d’humour absurde et loufoque mais aussi un pamphlet acide à l’adresse des dictateurs qui ont souvent, au XX° siècle, encombré le paysage dans ces régions ; une façon de tourner en dérision la pseudo culture américaine en ridiculisant les vedettes du nord en personnages stupides et balourds au sud ; une dénonciation de la présence et du rôle joué par les nazis recyclés dans la région. Mais, peut-être, surtout, une réflexion un peu plus profonde sur l’absurdité de la vie et de la civilisation actuelle qui a perdu le sens des valeurs réelles.

Si vous vous décidez à lire ce livre, ne faites surtout pas l’impasse sur le glossaire qui figure au début de l’ouvrage, il est rempli de définitions toutes plus jouissives les unes que les autres. Par exemple :
« Amérique : Continent victime de la première vague massive d’émigrants clandestins dont on ait souvenir… »
« Baleines en chaleur : Cétacés dotés d’un comportement occasionnellement lascif dû à l’ingestion de vieux numéros de Play Boy jetés dans l’océan Pacifique depuis les bateaux de croisière. »

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