La bouche pleine de terre de Branimir Šćepanović

La bouche pleine de terre de Branimir Šćepanović
( Usta puna zemlje)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par DomPerro, le 28 avril 2007 (Inscrit le 4 juillet 2006, - ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 003ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 5 884  (depuis Novembre 2007)

Comment mourir tranquille ?

Très courte nouvelle slave sur le triste sort d'un malheureux qui souhaite s'enlever la vie tranquillement, mais qui voit son macabre projet impossible à accomplir en raison d'une soudaine poursuite, dont il est la proie, avec deux campeurs.

''Pourquoi l'instinct de chasse s'éveille-t-il au coeur des joyeux compagnons ? Et pourquoi l'homme qui voulait mourir ne le veut plus, pourquoi se lance-t-il dans une fuite éperdue?''

Toute la destinée de la planète se joue, ici, dans ce petit récit d'une simplicité désarmante.

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âpre et violente réalité d'un pays en guerre

10 étoiles

Critique de Camarata (, Inscrite le 13 décembre 2009, 73 ans) - 26 juillet 2010

Ce livre fort et poétique raconte les différentes forces qui s’opposent en l’homme soumis aux contraintes d’une âpre et violente réalité, la guerre et le pays sont en arrière plan ;

Dans la nouvelle: une bouche pleine de terre, il est question d’une terre et d’une nature de paysan, d’hommes désemparés qui cherchent dans l’irrationnel de la traque et de la fuite un sens qui se dérobe toujours mais qui rayonne d’une poésie amère comme les plantes sauvages;

Dans les nouvelles suivantes, l’être humain se révèle, tel qu’il est, insuffisant, décevant, cruel et versatile, pas à la hauteur de ses prétentions. Dans « la mort de M GOZULA », un homme insignifiant acquiert une importance et une notoriété en annonçant son suicide programmé à un village veule et avide de sensation, il est pris à son propre piège.
Dans « le cri », la nouvelle la plus courte et la plus exemplaire, un homme s’était promis de prendre soin de la fille du combattant qui s’était sacrifié pour ses camarades et lui, au combat. En présence de celle-ci qui est devenue prostituée, il ne peut plus ou ne sait plus que coucher avec elle, sans même parler de son père dont elle ignore tout

Un grand petit livre

8 étoiles

Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 23 mai 2010

Grand par le contenu.
Petit par la taille : moins de 100 pages, tout petit format

Avant tout, je conseille de ne pas lire la critique de Stavroguine avant le livre, excellent résumé qui en dit beaucoup trop, la critique principale me semble suffisante pour conserver le plaisir de la découverte.

Deux récits alternés, bien identifiables, l’un en étant en caractères italiques. Deux récits qui vont se croiser et finir par se rejoindre.
Il m’a été impossible d’arrêter la lecture une fois commencée.
Un livre que je n’oublierai pas de sitôt.

La mort de l'homme qui court

10 étoiles

Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 8 février 2009

Il y a tout d'abord deux chasseurs qui campent dans les collines monténégrines et écrivent droit ; puis, surtout, il y a un homme : il est dans un train qui, sans bien savoir pourquoi, le ramène dans un pays natal dont il n'a plus aucun souvenir, et il écrit en italique.
Cet homme, on l'apprendra vite, va mourir dans trois mois, 90 jours, un peu plus de 2 000 heures et il éprouve comme une honte à vivre, à avoir faim, la nourriture le dégoûte et, sur un coup de tête, suite à un écoeurement, il saute du train à une gare monténégrine quelconque et part à travers champs, bien résolu à fuir ces hommes qui troublent sa sérénité et à trouver un arbre ou un gouffre pour mettre fin lui-même à ses jours, comme une dernière liberté, une ultime action qu'il peut encore décider d'accomplir plutôt que de rester passivement à attendre la mort.
Seulement voilà, l'impossible se produit et au milieu de ces terres désertes, de ces collines verdoyantes, l'homme tombe nez à nez sur nos deux chasseurs. Pour chacun, cette rencontre a immédiatement quelque chose de déplaisant. Pour les chasseurs, elle gâche la jouissance qu'ils tiraient de la contemplation de ce paysage vierge. Pour l'homme, elle marque un nouvel échec d'échapper à ces hommes qui, sans cesse, viennent troubler sa paix intérieure. Pire, il sent que s'il se laisse aller, que s'il ne passe qu'un instant avec les deux chasseurs, que s'il ne fait que les saluer, c'en est fini du suicide, toute sa détermination s'effondrera et il s'assoira, là, et attendra de nouveau que la mort vienne elle-même le cueillir.
Alors, l'homme fait quelque chose d'absurde : après que les chasseurs et lui se soient contemplés en silence, il fait volte-face et il court.
Tout aurait pu s'arrêter là. Les chasseurs auraient pu reprendre leur expédition après avoir haussé les épaules face au comportement étrange de l'inconnu si, par un fait encore plus absurde, ils ne s'étaient pas mis eux aussi à courir et à dévaler la colline à la poursuite de l'homme...
S'engage alors une course poursuite d'une journée entière à laquelle viendront se mêler un berger vengeur, un garde-forestier autoritaire, des hommes qui apparaissent comme sortant de terre et même des femmes en noir qui pleurent et se lamentent. Tout ce petit monde évolue dans un univers surréaliste et absurde - par certains aspects, presque kafkaïen - où la haine donne la force de ressusciter tandis que le désir de vivre sape l'énergie vitale, où le désespoir le plus fou fait avancer, tandis que le désir de se sauver finit par tuer.
Les deux groupes de personnages seront tour à tour mus par divers sentiments que l'alternance de la narration entre les perceptions ressenties par l'homme et celles des chasseurs permet à l'auteur de nous relater en temps réel. Tout n'est qu'incompréhension entre l'homme et ses poursuivants qui éprouveront successivement fatalité, curiosité, désespoir, vengeance, humiliation, volonté de vivre, un étrange et presque fatal désir brûlant de voir la mer - de vie et de liberté, donc - et, surtout, une haine surhumaine qui, si elle décuple leurs forces, les transforme en animaux, en une meute de loups tous semblables et enragés ou en steppenwolf solitaire qui a moins peur de ses frères canidés que des hommes.
Après s'être laissé aller à une illusion d'une fausse naïveté faite d'amour et de beauté, après avoir acquis une dimension qui serait quasi-christique si elle n'était pas dépourvue de toute humanisme pour ne reposer que sur un égoïsme fou, tout ce beau monde court bien évidemment avant tout à sa perte lorsque cette course folle s'arrête enfin en laissant les uns sur un rocher, la bouche pleine de terre, et les autres hagards, bêtes et silencieux - comme le lecteur qui, au bout de ces 80 pages, saura pertinemment qu'il vient de découvrir un chef-d'oeuvre tout en ne sachant pas encore vraiment tout à fait ce qui vient de l'assaillir avec autant de force.

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  Un chef d'oeuvre serbe ! 10 Stavroguine 26 juillet 2010 @ 08:43

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