Les yeux bleus cheveux noirs de Marguerite Duras

Les yeux bleus cheveux noirs de Marguerite Duras

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 17 avril 2007 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 955ème position).
Visites : 7 523  (depuis Novembre 2007)

Mais encore ... ?

Ecrit en 1986, « Les yeux bleus cheveux noirs » n’est pas considéré comme une des oeuvres majeures de Marguerite Duras.
« Une soirée d’été, dit l’acteur, serait au coeur de l’histoire. »
Ce sont les deux premières lignes du roman. « Dit l’acteur », en effet ce roman, car c’en est un, est régulièrement traversé par des références théâtrales, des indications de jeu d’acteur, des indications du décor et des positions relatives des … acteurs, comme si, à regret, c’était un roman que Marguerit Duras avait écrit, et non point du théâtre.
« Pas un souffle de vent. Et déja, étalé devant la ville, baies et vitres ouverte, entre la nuit rouge du couchant et la pénombre du parc, le hall de l’hotel des Roches.
A l’intérieur, des femmes avec des enfants, elles parlent de la soirée d’été, c’est si rare, trois ou quatre fois dans la saison peut-être, et encore, pas chaque année, qu’il faut en profiter avant de mourir, parce qu’on ne sait pas si Dieu fera qu’on en ait encore à vivre d’aussi belles.
A l’extérieur, sur la terrasse de l’hôtel, les hommes. On les entend aussi clairement qu’elles, ces femmes du hall … »
Donc, l’hôtel des Roches, une ville balnéaire, Trouville, des femmes, des hommes. Et puis surtout un homme, les yeux bleus cheveux noirs, un peu le « Godot qu’on attendait, qu’on attendra tout du long ». Surtout un homme qui proposera à une femme de la payer pour venir dormir à ses côtés les nuits dans une villa claquemurée, nue, seulement vêtue d’un foulard de soie noire.
Et donc un homme, une femme. Un huis clos étouffant. La chambre, la villa, la ville, le bord de mer, tout semble désert et tout se joue entre ces deux-là, et peut-être aussi lui, aux yeux bleus cheveux noirs.
Une écriture bizarre parfois, des passages qui me restent obstinément fermés, tel celui-ci :
« Il lui demande ce qu’elle préfère, il ne dit pas entre quoi et quoi. Elle dit :
- La répétition de l’insulte à l’instant précis où elle a été proférée la première fois, quand la brutalité apparait sans que l’on sache encore ce qu’elle sera. »
Des souvenirs de lecture qui se rattachent à cette situation de deux êtres en vase clos en une station balnéaire laissée à l’écart :
« En attendant Godot » de Becket, je l’ai déja évoqué,
« Dernier amour » de Christian Gailly
« La mort à Venise » de Thomas Mann

Des souvenirs, des impressions retrouvées, mais pas vraiment un bonheur de lecture.

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le couple impossible

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 30 mai 2014

Dans un hôtel de la côte normande, un homme et une femme se rencontrent. Ils sont tous deux désemparés, lui, d'avoir à peine entrevu "le jeune homme étranger aux yeux bleus cheveux noirs", dont il est instantanément tombé amoureux, mais qui est parti définitivement. Elle, de mener une vie dans véritable enjeu.
Elle est frappée par sa beauté : "Il est seul et beau et exténué d'être seul, aussi seul et beau que n'importe qui au moment de mourir", et accepte de le suivre. Ils dorment ensemble, sans se toucher, car il est incapable de toucher une femme. Elle voit dans son "regard, la tristesse d'un paysage de nuit". Tout autour d'eux, on entend "la mer insomniaque qui est là, très proche des murs. C'est bien sa rumeur, ralentie, extérieure, celle qui porte à mourir".
Peu à peu, ils s'apprivoisent. Elle continue à voir un amant de passage, qui "éprouve pour elle un certain sentiment, facile et sans lendemain, mais il ne le confond pas avec le désir de son corps". Mais elle revient encore imprégnée de l'odeur de son amant vers le jeune homme qui n'aime pas, physiquement, les femmes. "Elle dit qu'on devrait arriver à vivre comme ils le font, le corps laissé dans un désert avec, dans l'esprit, le souvenir d'un seul baiser, d'une seule parole, d'un seul regard pour tout un amour".
Bien sûr, on est ici dans le Duras dernière période, que d'aucuns pensent être celle du ressassement obsessionnel dans une écriture simpliste. L'histoire est pourtant passionnante, si on s'y laisse prendre, si on admet la possibilité d'une rencontre entre une femme et un homosexuel, si l'on accepte "l'émotion que l'on éprouve parfois à reconnaître ce que l'on ne connaît pas encore". J'ai trouvé ça très beau, pathétique. C'est un livre d'amour, même si c'est le désert de l'amour, et de mort. Mais je comprends qu'on n'y entre pas.

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