Ô Verlaine ! de Jean Teulé

Ô Verlaine ! de Jean Teulé

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Sahkti, le 16 avril 2007 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 692ème position).
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Verlaine, aimé et maudit

"Envers ceux qui ne ressentiront cet écrit, notre indifférence !"

Verlaine est un artiste maudit, on le sait. Un homme qui connaît tous les extrêmes et brûle la vie par les deux bouts. Détesté, craint, fui... Verlaine attire un certain public étudiant dans les dernières années de sa vie, qui apprécie le personnage et l'oeuvre.
Des années que Jean Teulé nous raconte, sous la plume du narrateur Henri-Albert Cornuty, un étudiant de Béziers monté à Paris pour y croiser Verlaine. La rencontre a lieu à l'automne 1995 et le voyage prend fin trois mois plus tard, à la mort de Verlaine. Derniers mois d'extravagance et de souffrance, de folie douce et de maladie.

Se basant sur les faits, bien réels, Jean Teulé invente une biographie (à l'image de Stéphane Audeguy pour "Fils unique" et le frère de JJ Rousseau) qui se lit avec plaisir, tant elle est fluide, vive, emplie d'humour et de sensibilité. L'artiste maudit est un homme comme les autres, il prend toute la place avec ses maux et ses délires, il en redevient très humain, proche du lecteur qui s'attache progressivement à lui, malgré son caractère difficile.
J'imagine, vu la force qu'il place dans ses lignes, que Jean Teulé éprouve une vive admiration pour Verlaine, le poète et/ou le personnage. Parce qu'il lui rend ici un bel hommage, je trouve, loin des éloges poétiques ou des leçons théoriques d'histoire littéraire. C'est une vie qu'il écrit et invente, avec une bonne dose de réalisme et d'ironie. Une ironie que Teulé manie avec brio, notamment à cause du procédé narratif, cette façon de raconter Verlaine par un extérieur, de vivre la vie du poète depuis dehors. Cela en fait ressortir davantage le pathétisme mais aussi une certaine forme de noblesse.

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Les éditions

  • Ô Verlaine ! [Texte imprimé] Jean Teulé
    de Teulé, Jean
    Pocket / Presses pocket (Paris)
    ISBN : 9782266157308 ; 7,60 € ; 19/12/2005 ; 337 p. ; Poche
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Les derniers jours d'un clochard céleste

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 31 juillet 2021

Plus je lis Teulé, plus je l’apprécie. Ce type est un de nos grands conteurs contemporains, et comme avec son roman qui allait suivre celui-ci, « Je, François Villon », il a su faire revivre ici avec brio un autre grand poète français du XIXe siècle, Paul Verlaine. A l’aide de sa plume agile et stylée, il nous montre le poète sous un jour original, dans la dernière année de sa vie pour le moins tumultueuse, en insérant des éléments de fiction, tout particulièrement la cohorte de personnages qui va graviter autour de lui jusqu’à son trépas. Les puristes et amateurs de vérité historique pourront évidemment tiquer mais force est de reconnaître que cela apporte beaucoup de relief au récit et ne dénature pas la réalité, finalement assez peu fournie, puisque la plupart des biographies ne font qu’évoquer brièvement une fin de vie entre débauche, misère et hôpital. Une approche totalement assumée par Jean Teulé dont le livre est présenté comme un roman et non une biographie.

Le grand mérite de Teulé est d’avoir atteint un statut populaire sans pour autant tomber dans la facilité, en écrivant des thrillers à twists, genre très à la mode ces dernières années. Et c’est pour ça qu’on l’aime, parce qu’il est resté fidèle à lui-même, cet enfant du rock, parce qu’il choisit des personnages hors des conventions, tels des chiens dans un jeu de quille, et qu’en plus il nous délecte par son aptitude à nous faire apprécier la langue française, une langue française vivante, à la fois populaire et stylée, trash et relevée, sans oublier l’humour omniprésent mais aussi la grande tendresse pour ses personnages. On ne sera pas surpris des clins d’œil récurrents à Jean Villon, autre grand poète du Moyen-âge, qui lui aussi a fait l’objet d’un roman, encore plus réussi, du même auteur.

« Ô Verlaine ! » est un très beau voyage dans la face cachée de la poésie (et tellement cachée qu’elle en devient très sombre) et dans le Paris populaire de la fin du XIXe siècle. Merci Jean Teulé de nous offrir ce vibrant hommage à un personnage décidément hors-normes, qui devrait donner envie pour ceux qui le connaissent mal de découvrir ses écrits.

Âmes sensibles s'abstenir !

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 4 novembre 2017

Un adolescent se présente à la maison où habite Paul Verlaine. Il est en adoration devant le vieux poète. On pense évidemment à Arthur Rimbaud qui fit, plus tôt, la même démarche ; mais nous sommes en 1895. Jean Teulé nous emmène sur le dernier trajet de Verlaine puisque ce dernier s’éteindra en 1896, accompagné à sa dernière demeure par ses amis et … cinq mille personnes.
Si tout cela est un peu romancé ( Ô si peu !), c’est en tout cas haut en couleur. Très haut en couleur. A tel point qu’on pourrait dire : « Âmes sensibles s’abstenir ». …
A part ça, un régal ! comme souvent chez Jean Teulé.


Extraits :


- Alors, gamin, on veut perdre son pucelage ? Tu t’y prends de bonne heure. T’as vu les filles en bas, qu’est-ce qui te ferait plaisir ? La Rouquine, Poil aux pattes, Nini la vache, La Désossée, Pot à tabac, La Môme, Goutte de sperme, La Sardine, La Merdeuse, Chie par force, Trompe la mort ou Gueule d’enseigne ? C’est cinquante centimes.

- Critique de Paul Verlaine par François Coppée :
« Ce poète de douze pieds marche souvent à quatre pattes », « C’est malheureux qu’il ait un trou sous le nez. Trop d’alcool y coule », « Les derniers vers de Verlaine … Il n’écrit plus, il joue aux osselets avec les mots », « Son inspiration se traîne au niveau d’un érotisme sénile ».

- Maladies de Paul Verlaine :
Syphilis
Altération sanguine
Diabète
Souffle au cœur
Cirrhose du foie
Erysipèle infectieux
Hydarthrose jambe gauche
Pneumonie

- Paul Verlaine était complètement dépendant à l’alcool. Alors que sa mère refusa un jour de lui servir à boire, voici ce qu’il fit ( dit-on …) :
« Sur l’étagère du haut, trois bocaux où la mère conservait pieusement – quelle idée aussi ! –baignant dans l’alcool, les fœtus de trois fausses couches avant la naissance de Paul. Les fœtus flottaient dans l’eau-de-vie. Ce fut hallucinant. Paul décrocha du mur le sabre de son père, capitaine du génie : » Au diable, les bocaux ! ». Il en attaque deux dans l’armoire, sabre au clair, but l’alcool à même les bocaux éclatés. Tête renversée, parmi les débris de verre, ça ruissela partout sur son visage, coula dans ses vêtements. Des bébés lui tombèrent sur ses lèvres. Un autre (une fille) attendait son tour, flottant comme dans un rêve derrière sa paroi de verre. »

- « Hombres XI » de Paul Verlaine

Même quand tu ne bandes pas,
Ta queue encore fait mes délices
Qui pend, blanc or, entre tes cuisses,
Sur tes roustons, sombres appas.

Couilles de mon amant, sœur fières
A la riche peau de chagrin
D’un brun rose et purpurin,
Couilles farceuses et guerrières,
Et dont la gauche balle un peu
Tout petit peu plus bas que l’autre,
D’un air roublard et bon apôtre,
A quelles donc fins, nom de Dieu ?

Elle est dodue ta quéquette,
Et veloutée du pubis
Au prépuce fermant le pis
Aux trois quart, d’une rose crête.

Elle se renfle un brin au bout
Et dessine sous la peau douce
Le gland gros comme un demi-pouce
Montrant ses lèvres juste au bout.

Après que je l’aurais baisée
En tout amour reconnaissant,
Laisse ma main la caressant,
La saisir d’une prise osée,
Pour soudain la décalotter ;
En sorte que, violet, tendre,
Le gland joyeux, sans plus attendre,
Splendidement vienne éclater ;

Et puis elle, en bonne bougresse,
Accélère le mouvement
Et jean-nu-tête en un moment
De se mettre à la redresse.

Tu bande ! c’est ce que voulaient
Ma bouche et mon cul : choisis, maître,
Une simple douce, peut-être ?
C’est ce que mes dix doigts voulaient.

Cependant le vit, mon idole,
Tend pour le rite et pour le culte
A mes mains, ma bouche et mon cul
Sa forme adorable d’idole.


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Bonus :
- Interview de Jean Teulé :
http://www.dailymotion.com/video/x3su8t

- « L’enterrement de Verlaine » de Paul Fort, dit par Georges Brassens :
https://www.youtube.com/watch?v=n7nitMrIqbg

- Léo Ferré chante : « Chanson d’automne » de Paul Verlaine :
https://www.youtube.com/watch?gl=BE&v=_iq43Vs8CEw

- Georges Moustaki chante « Gaspard » de Paul Verlaine :
https://www.youtube.com/watch?v=9xiQZ6u1-_M

La poésie et la folie

3 étoiles

Critique de Flo29 (, Inscrite le 7 octobre 2009, 52 ans) - 2 février 2015

Le début de ce roman m'a amusée, je le trouvais plutôt drôle. Mais petit à petit le personnage de Verlaine m'a mise mal à l'aise, avec sa folie.J'avais un peu de mal à continuer mon livre, il a vraiment fallu que je me force. J'avais presque hâte de lire la mort du poète! J'ai été un peu agacée aussi par certains de ses amis. Pourtant, j'ai déjà lu des romans de Jean Teulé, j'aurais dû savoir à quoi m'attendre. Franchement, je crois que je ne vais pas relire cet auteur de sitôt!

Un portrait poétique du Paris fin de siècle

9 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 19 août 2011

J'ai trouvé ce roman captivant et suis séduit par l'écriture de Teulé, originale et imagée. Ce roman n'est pas une simple biographie du poète symboliste, c'est aussi la peinture de l'esprit fin de siècle, décadente et révoltée.

On y croise François Coppée, le critique Tailhade , cette délicieuse Nuit, femme vénéneuse de Tailhade .... et la fée verte ( absinthe ) !
Les portraits brossés sont vivants et profondément humains.
Tailhade, qui a critiqué avec virulence Verlaine, est un anarchiste épris par la beauté d'un geste même s'il est violent ( acte terroriste ). Ironie du sort, il est lui-même victime d'un tel acte. Par la suite ruiné, il invitera tout de même ses amis au restaurant et trouvera comme lumineuse idée de tuer le cheval de sa carriole Pégase afin de nourrir les convives ! Son épouse, la Nuit, a une "peau lactée", femme sensuelle qui connaitra une sombre fin dévorée par son boa. Scène terrifiante, décadente et pourtant sensuelle et esthétique sous la plume de Teulé.

Le roman est aussi intéressant par la description de notre capitale qui est faite, une ville sale et puante, très loin de certains clichés.

Mieux qu'une biographie, c'est l'esprit fin de siècle qui est cerné, l'esthétique de l'époque, où l'écoeurement flirte avec la beauté, où la poésie prend racine dans des comportements abjects.

Roman troublant où l'on en viendrait presque à voir du beau dans le laid, à la manière des Fleurs du mal de Baudelaire.

La vie d'un grand poète

9 étoiles

Critique de Jiminy (Lyon (ou presque), Inscrite le 14 octobre 2009, 30 ans) - 7 décembre 2009

Ce livre m'a beaucoup plu, notamment l'atmosphère vraiment particulière d'une vie ravagée.
J'adore Jean Teulé !

Trop collé à Je François Villon

6 étoiles

Critique de Amanda m (, Inscrite le 10 janvier 2008, 57 ans) - 2 mars 2008

Ô Verlaine nous emmène dans le Paris de 1885. Fin de vie pour Verlaine, l’absinthe est en train de ronger son foie, son corps est putréfié par la syphilis, ses poumons sont délabrés. Sa vie ? Oh sa vie n’est plus qu’une succession de nuits immergées dans l’alcool, dans le sexe et la débauche. C’est à travers les yeux de Henri-Albert Cornuty, petit provincial venu à Paris pour rencontrer son idole, que nous suivons Verlaine dans sa lente déchéance.

Jean Teulé le dit lui-même, ses biographies de Villon comme de Verlaine sont des fictions.

On y retrouve ceci dit et curieusement les mêmes éléments : un poète dévoyé, un Paris ravagé, le Paris des petites rues, des étudiants, des sans le sou. Des prostituées, vendues par leur mari (La grosse Margot, chez Villon ou Esther chez Verlaine) ; les mères de poètes tuées, reniées par leurs propres fils (la mère de Villon mangée en pâté, celle de Verlaine tuée). Des illustrations au gré des chapitres, et des poèmes, semés ça et là comment autant de rappels sur ce que furent avant tout ces deux là : de Grands Poètes.

Jean Teulé raconte la même violence, la même rage de se détruire, la même morve chez ces poètes peu soucieux de survivre, leur même soif de création et le même désespoir finalement. Une chose est sûre : il décrit ces deux là de façon plus que dévoyée. Débauche, luxure, amoralité…j’avoue avoir été plus touchée par Villon, au final plus humain (parce que plus jeune sans doute) que par Verlaine.

J’avoue avoir été un peu perturbée par cette ressemblance entre les deux romans. J’attendais une fiction différente, un bâti séparé. La redondance m’a étonnée.

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  Ô Verlaine ! 1 Sahkti 17 avril 2007 @ 07:55

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