De vous à moi de Françoise Houdart

De vous à moi de Françoise Houdart

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lucien, le 2 avril 2007 (Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 611ème position).
Visites : 3 609  (depuis Novembre 2007)

Que faire de ce qui nous peuple ?

La Bastida de Molières, en Périgord Pourpre : quelques rues, quelques carreyrous à l’ombre des ruines du château. C’est là qu’un dimanche d’octobre à l’aube, Honorin le Basquou, l’ancien vannier réduit à l’inaction depuis qu’une attaque lui a volé un bras, découvre une jeune femme inanimée, une jeune fille frêle et blanche, légère comme un fantôme. Comme une sorte de chouette géante qui se serait effondrée là. Il ramène sa trouvaille à la Francette, sa compagne, jamais épousée, jamais mère non plus. D’où vient-elle ? Qui est-elle ? Pourquoi est-elle là ? Le silence pour seule réponse. La jeune fille est recueillie en attendant le lundi qui permettra d’aller trouver le maire, d’enquêter. Mais elle sort dans la nuit, marche vers le château où la suit Honorin. Vers quelle rencontre ? Quel rendez-vous immémorial ? Et quel rapport entre la jeune inconnue et la chouette effraie qui dessine de son vol silencieux des arabesques blanches sur le noir de la nuit ?
L’enquête se poursuit, menée par le maire, dont c’est le rôle, mais aussi par les vieilles gens de ce vieux village qui s’emparent tous de la jeune fille, de la jeune vie : Honorin, Francette, Catalina l’Espagnole, et la mère Laloux qui raconte bientôt : ce coup de téléphone de son petit-fils Ludovic demandant une chambre à louer pour un ami, cette voiture arrivée dans la nuit du samedi, ce couple de jeunes – Blanche et Pedro – prenant possession de la chambre, puis les bruits de dispute, la voiture disparue. Et, au poignet de la jeune fille blanche, ce lourd bracelet d’argent gravé d’un prénom d’homme : Pedro.
Décidément, l’histoire semble se répéter, à Molières où est venue mourir, voici sept siècles, la jeune reine Blanche de Castille, répudiée dès le lendemain de sa nuit de noces par son époux Pedro Ier le Cruel. La jeune femme égarée tremble de fièvre, comme si le diable en personne dormait en elle. Le diable, ou l’esprit de Blanche de Castille ? « C’est comme si elle cachait quelqu’un : une morte qui gâterait toute sa vie en dedans d’elle. »
Une autre jeune femme intervient alors : Céline, celle qui sculpte des têtes de pierre pour trouver sa vérité, donner une raison à sa déraison car « on a tous un visage caché. Comme la lune, qui a une face qu’on ne voit jamais. C’est quand on commence à voir ce qui était caché que tout se brouille. » Céline l’amie tombée du ciel aidera Blanche à recoller ce qui est cassé en elle, à refaire du vivant avec le souffle d’une morte.

Le onzième livre de Françoise Houdart n’est pas un roman : c’est de la vie. De la vie toute pure qui coule à gros bouillons comme l’eau d’une source. C’est la vie vraie, la vie universelle, la même vie dans les hommes, dans les arbres, dans les pierres même, les pierres de cette bastide du Périgord que Françoise a su faire parler leur langage séculaire, dire l’histoire de la morte pour permettre la vie.
Impossible de délaisser le livre une fois entamé ce voyage dans l’espace, dans le temps, dans les cœurs. Chacun a sa faille qu’il tente d’élargir pour s’en faire un espace où vivre, où respirer. « Que faire de ce qui nous peuple et qui nous tire vers le vécu d’alors ? » « Que faire de ce que nous ignorions de nous-mêmes quand nous le découvrons ? » Que faire ? Une statue, un panier, un livre ? Oui, un livre tressé avec le bel osier des mots, comme on tresserait un berceau bien rond, bien galbé, comme une corbeille où viendrait s’endormir, un beau jour de juillet, l’enfant sauvé des eaux de la folie…

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9 étoiles

Critique de Bafie (, Inscrite le 19 juillet 2004, 62 ans) - 21 octobre 2008

alors que Lucien a si bien pu traduire l'indicible de ce livre. Bravo pour cette belle critique !
Voici néanmoins quelques bribes de mots.
Qu'il est beau ce Périgord sous les lumières de l'automne et que ce livre suscite l'envie d'aller et de laisser parler cette "envie de partir droit devant, juste comme ça, comme on est"

Marcher pour se retrouver et célébrer la vie dont les mots (maux) chantent dans ce livre.

Bianca Bastida : une reine blanche d'Aujourd'hui

8 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 82 ans) - 23 juin 2007

Bastida, Bastide : une fortification, une maison de campagne en Provence. Françoise Houdart place cette Bastide dans le Périgord sud ; il s’agit d’une bourgade, un village à l’ancienne qui se serre près d’un château… en ruines ! Une belle ambiance de mystère entretenue par une légende médiévale.
Françoise Houdart, romancière hennuyère, nous revient avec ce roman d’un tout autre genre que Tu signais Ernst K. quoique… S’il ne s’agit plus de la première guerre mondiale, l’intrigue se déploie au sein d’un milieu villageois, non plus de chez nous mais du Périgord. Ici, elle se détache de sa belgitude rencontrée également dans … née Pélagie D. ou dans Femme entre quatre yeux. Mais, ce Périgord n’est somme toute pas si étranger pour tout vacancier de chez nous et la vie au village n’est-elle pas universelle ?
La mentalité paysanne y est bien dépeinte. Des éléments historiques s’y mêlent, mais il s’agit de la petite histoire transmise de génération en génération qui crée le mystère et captive le lecteur. Des personnages attachants s’y rencontrent et enrichissent toute l’humanité qui émane de ce roman. L’héroïne, Blanche, la reine blanche, baigne dans un halo de mystère et autour d’elle gravitent un couple de retraités bien sympathique, Honorin dit le Basquou, ancien vannier et sa compagne Francette, Lina, la cousine par alliance du Basquou. L’âme même du village se retrouve dans ses habitants ; comme la vie est riche dans ce coin du Périgord !
Beaucoup de poésie dans la description des lieux visités. Un rythme lent qui sied à cette histoire intrigante dont les écheveaux se dévident petit à petit.

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