La littérature en péril de Tzvetan Todorov

La littérature en péril de Tzvetan Todorov

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Juls, le 26 mars 2007 (Fribourg, Inscrit le 16 mars 2007, 35 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 298ème position).
Visites : 5 902  (depuis Novembre 2007)

La littérature pour connaître le monde humain

Magnifique essai de Todorov (auteur notamment de "Introduction à la littérature fantastique") sur la littérature, le sens qu'elle a pu ou qu'elle devrait véhiculer. Les méthodes scolaires sont-elles les bonnes ? L'auteur pose les bonnes questions, le littérateur s'en sort vainqueur et la façon académique de stigmatiser les genres n'est plus que débris face à tant de clairvoyance.

Quatrième de couverture :
"Une conception étriquée de la littérature, qui la coupe du monde dans lequel on vit, s'est imposée dans l'enseignement, dans la critique et même chez nombre d'écrivains.
Le lecteur, lui, cherche dans les oeuvres de quoi donner sens à son existence.
Et c'est lui qui a raison."

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Les éditions

  • La littérature en péril [Texte imprimé] Tzvetan Todorov
    de Todorov, Tzvetan
    Flammarion / Café Voltaire
    ISBN : 9782081201897 ; 12,00 € ; 18/12/2006 ; 91 p. ; Broché
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Pour une "littérature (qui) élargit notre univers.."!

9 étoiles

Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 11 ans) - 20 mai 2014

Je ne vais pas reprendre les propos de Farfalone qui résument l'ensemble du livre fort justement, un livre qui fut, pour moi, une riche et très pertinente découverte cette après-midi dans la mesure où mes questionnements sur le désintérêt manifeste et toujours plus accentué pour la littérature chez les jeunes, les lycéens en particulier, étaient de plus en plus insolubles et qu'une certaine littérature, à mon avis, ne conduisait qu'à un évident renoncement.

Todorov, dans ce brillant essai, m'a confortée dans mes réponses mais il me faudrait le citer sur des pages.

Juste quelques-unes qui me paraissent devoir être soulignées:

"Une conception étriquée de la littérature, qui la coupe du monde dans lequel on vit, s'est imposée dans l'enseignement, dans les critiques et même chez nombre d’écrivains. Le lecteur, lui, cherche dans les oeuvres de quoi donner un sens à son existence. Et c'est lui qui a raison."

Pour la critique formaliste... "l'univers représenté dans le livre est autosuffisant, sans rapport avec le monde extérieur, il est loisible de l'analyser sans s'interroger sur la pertinence des opinions exprimées dans le livre, ni sur la véracité du tableau qu'il dépeint."

Et celles qui résument, à mon sens, la situation actuelle...:

"On représente désormais l'oeuvre littéraire comme un objet langagier, clos, autosuffisant, absolu.
...à l’université française, ces généralisations abusives sont toujours présentées comme des postulats sacrés.Sans surprise, les élèves du lycée apprennent le dogme selon lequel une littérature est sans rapport avec le reste du monde et étudient les seules relations des éléments entre eux.
Ce qui, à n'en pas douter, contribue au désintérêt croissant que ces élèves manifestent à l’égard de la filière littéraire....
................................
De nombreuses oeuvres contemporaines illustrent la conception formaliste....; elles cultivent la construction ingénieuse, les procédés mécaniques d'engendrement du texte, les symétries, les échos et les clins d'oeil."

Sans doute est-ce la raison essentielle d'une relative distance avec les oeuvres citées: ce manque, trop souvent, de ces "sensations irremplaçables qui font que le monde réel devient plus chargé de sens et plus beau."

Passionnant Brillant. Pertinent.
Juste.

Péril en la demeure

8 étoiles

Critique de Farfalone (Annecy, Inscrit le 13 octobre 2009, 55 ans) - 26 novembre 2009

Formalisme, nihilisme, solipsisme sont les trois tendances qui menacent selon Tzvetan Todorov la littérature française. Française car cette menace semble ne peser que sur cette dernière, les autres littératures mondiales en étant préservées.

Dès le lycée on apprend que "les études littéraires ont pour but (...) de nous faire connaître les outils dont elles se servent". Le but de ces études, qui devraient être considérées comme une ouverture de l'esprit sur la production par d'autres que nous d'oeuvres littéraires, est donc de faire connaître plutôt que le sens de ces oeuvres et le monde qu'elles évoquent, les moyens de les aborder. "Les structuralistes l'emportent aujourd'hui", et l'on semble avoir oublié que l'approche structurale est un moyen et non une fin en soi. Todorov rappelle les circonstances qui, lui ayant fait choisir d'étudier les textes plutôt que leur signification, l'ont finalement amené à être avec Genette et Barthes le promoteur de cette prédominance du structuralisme dans les études littéraires. Il rappelle cependant que son intention était "d'établir un meilleur équilibre entre l'interne et l'externe", entre le texte en tant qu'objet d'étude et le monde qui doit servir de référent à toute production de l'esprit qui se veut communication à autrui.

Au delà de l'école cet enseignement centré sur la forme trouve ses prolongements dans la posture des journalistes, voire des écrivains qui sont tous "passés par l'école et les facultés de lettres où ils ont appris que la littérature ne parle que d'elle même". Comment s'étonner dès lors que la majeure partie de la production d'oeuvres littéraires contemporaines, considérées par leurs auteurs et la critique comme des objets clos sur eux-mêmes, abandonnent à une sous-littérature ou aux essais de spécialistes -illisibles pour le grand public- le monde commun qu'elles nient de fait. L'autofiction "variante récente" du solipsisme, le nihilisme complaisant ou un formalisme érigé par les avant-gardes en but nous ont valu ces oeuvres épinglées par Pierre Jourde dans son essai "la Littérature sans estomac".

La genèse de l'esthétique moderne, explication claire et que l'on aurait pu craindre réductrice -comment en effet sans schématiser, réduire, voire caricaturer, peut-on résumer en vingt pages le débat "art pour l'art vs art s'appuyant sur un référent?- fixe la trame de l'éternel problème: à quoi sert la littérature?

Todorov ne prône pas un retour au réalisme, lequel a trouvé ses limites en lui-même et sa caricature dans Jdanov et le réalisme socialiste. Il milite pour un retour aux "valeurs" et à l'objet véritable de la littérature, et du roman en particulier, qui est de permettre à l'homme "ordinaire" de donner un sens à sa vie, de contribuer à notre compréhension du monde et de changer notre manière de voir. La littérature nous permet, mieux que la philosophie qui généralise en conceptualisant, et les sciences humaines qui réduisent l'homme à un objet d'étude, à un "échantillon", d'établir une "communication" entre les cultures, entre les hommes par delà l'espace et par delà le temps. Elle fait vivre "des expériences singulières"; "l'oeuvre littéraire produit un tremblement de sens", elle permet de lutter contre la doxa en mettant en évidence les incohérences ou les outrances du discours dominant et de reprendre en main ce qui fait l'humanité de l'homme: son sort commun. Contre une littérature du centripète, une littérature du centrifuge.

La littérature pour ne pas succomber au péril

8 étoiles

Critique de Christy (, Inscrite le 5 janvier 2008, 44 ans) - 5 janvier 2008

Pourquoi lit-on ? La lecture élève à ce qu'il y a eu de meilleur dans la pensée et l'écriture ; Todorov montre qu'on lit pour vérifier où on en est dans sa propre compréhension de la nature humaine et des choses et si ce qu'on pense supplante ce qui est là pensé sur papier devant nous. Et pour peu qu'on soit doté soi-même d'un horizon personnel assez large, il est facile de dépasser, voire décaler la vision de l'auteur en question dans la mesure où l'acte même d'écrire exhibé par celui-ci nécessite forcément des choix de pensée et d'écriture qui tracent dans le vaste paysage mental des chemins de traverses et des lignes de force qui, de fait, en excluent une quantité d'autres et offrent au lecteur un espace dans lequel une occasion peut être saisie d'aller plus loin que ce qui a été dit ou pensé par l'auteur... Ceci amène à la question corollaire : pourquoi écrit-on ?

On découvre dans La Littérature en péril de Todorov cette idée très juste qu'une des fonctions de la littérature est de modifier non pas notre contenu de pensée mais son contenant, de s'ouvrir à une manière d'être qui imprime à notre appareil de perception et d'appréciation un style et laisse en lui une trace qui l'influence dans ses futures rencontres...

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