La Femme de hasard de Jonathan Coe
( The accidental woman)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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La vacuité du hasard
Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais lorsque je découvre un écrivain que j’admire et aime aussitôt, j’ai envie de lire tous ses autres livres, plus anciens ou plus récents peu importe, au risque d’être comblé ou parfois déçu.
La parution du premier roman écrit par Jonathan Coe est une nouvelle occasion de vérifier s’il faut se précipiter ou non pour tout lire d’un auteur. Ce roman date d’une vingtaine d’années, donc bien avant les grands succès que furent « Testament à l’anglaise », « Bienvenue au club » et, l’an dernier, le très beau « Le cercle fermé ». A noter que ce livre est publié, dès sa première édition, en format de poche, ce qui est très rare et mérite d’être salué d’un coup de chapeau à Gallimard.
Elle s’appelle Maria, ce qui n’est pas commun pour une jeune anglaise de dix-sept ans, à la fin des années soixante. Il faut dire tout de suite que ce n’est pas quelqu’un d’ordinaire. Excellente élève, elle vient d’être admise à Oxford ce qui crée plus d’excitation chez la directrice du collège que chez la future étudiante. Car Maria n’exprime rien, souvent parce qu’elle ne ressent rien. Elle aime bien Ronny qui voudrait tant être son petit ami et un peu plus mais au fond il lui est surtout indifférent. Pourtant elle se souvient souvent du dimanche après-midi où, enfant de huit ans, elle avait retrouvé ses parents qu’elle avait perdus de vue en tombant dans l’herbe d’un parc sinistre où ils allaient se promener en famille. Jamais, « ni avant, ni après » elle n’avait connu une telle joie. En fait, elle aime surtout Sefton, le chat qu’elle envie car lui ne demande qu’à manger, rester propre et dormir. Oui elle l’envie car elle pourrait enfin être heureuse « si seulement on lui permettait de se restreindre à ces trois sphères d’activité". Mais c’est compter sans les autres qui, par attachement, intérêt, dévouement, sentiment veulent à tout prix que Maria soit ceci, fasse cela, vive ainsi, en un mot exprime sa satisfaction d’être avec eux. Mais Maria voudrait rester seule, écouter de la musique, dans le noir.
Ce n’est pas très exactement ce que lui réserve la vie à Oxford où, bien sûr Ronny la suit, toujours enamouré, au point de lui proposer chaque jour de l’épouser. En vain. Elle va partager sa chambre avec Charlotte, fille compliquée, exaltée avec qui Maria ne communique que par convenance souvent, nécessité rarement, ennui toujours. Elle fera toutefois la connaissance de Sarah qui devient sa seule amie, avec qui elle se sent bien mais sans vraiment le savoir car pour Maria « l’idée du bonheur éveille des émotions beaucoup plus fortes que la seule émotion du bonheur ». En bref, c’est un être décalé sans être toutefois asocial.
Sans qu’on sache bien pourquoi, et l’auteur avec nous, elle aura une liaison avec un dénommé Nigel qui ne sera bien vite qu’une « triste affaire de tendresse vide ». Et cette aventure se dissipera « comme toutes choses sans épaisseur ».
L’année suivante, Maria qui continue ses études à Oxford, sans intérêt particulier, partage une maison avec quelques étudiantes avec lesquelles elle ne s’entend évidemment pas. Toujours ce refuge du noir, de la solitude, de la musique. Oh certes elle est bien attirée par Stephen, un garçon qu’elle admire mais c’est pour épouser Martin, pour le meilleur et surtout le pire. N’en disons pas davantage si ce n’est que la vie de cette ravissante jeune femme se construira et se défera cahin caha au gré des circonstances, des hasards mais jamais parce qu’elle l’a voulu, désiré ou tout fait pour. Cela dit, notre vie est-elle si différente ?
« La femme de hasard » est un roman d’apprentissage sur un sujet que j’ai trouvé un peu mince car on fait vite « le tour » du personnage principal qui, ballottée ici ou là, reste lointaine, indifférente à son sort et celui des autres, sans vraie chaleur. Jonathan Coe a eu l’idée intéressante, même si elle n’est pas nouvelle, d’intégrer au récit auteur et lecteur, en interpellant, en prenant à témoin, en disant bien que tout ceci n’est qu’un récit de son invention même s’il dit n’en pas connaître tous les méandres. C’est très intelligemment fait et Coe sous entend que son histoire est peut-être moins importante que la façon de la raconter. Sur ce dernier point, il fait déjà preuve d’un talent certain où avec une réelle ironie il donne à ce livre un ton qui lui est déjà, dès ce premier roman, bien particulier. Maria n’est pas un personnage fascinant avec lequel on n’a pas une empathie immédiate. Mais tous ceux qui l’entourent de leur affection ou de leurs sarcasmes sont bien peu consistants, sans réel intérêt. On trouve déjà dans « La femme de hasard » ce regard sans aménité mais souvent comique que Coe portera sur ses grands personnages des livres suivants.
Beaucoup de pessimisme, fût-il décrit de façon légère, un humour qui est une forme de pudeur, une certaine noirceur qui n’est en rien le noir de la nuit que cherche Maria, tout cela est un peu désespérant, un peu vide et le hasard qui intervient si souvent dans le récit ne rajoute que la vacuité des circonstances et des évènements à celle des personnages.
« La femme de hasard » n’est pas un très bon livre mais par son style, son ton, sa lucidité, il annonce les futurs grands romans de Jonathan Coe. A ce titre il est intéressant à lire.
Les éditions
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La femme de hasard [Texte imprimé] Jonathan Coe traduit de l'anglais par Jamila et Serge Chauvin
de Coe, Jonathan Chauvin, Serge (Traducteur) Ouahmane Chauvin, Jamila (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070308460 ; 6,90 € ; 18/01/2007 ; 183 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (4)
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Disappointment
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 30 mai 2011
Le personnage central, Maria, femme molle, insensible, indifférente à toute forme de joie, de bonheur ou de malheur est inintéressante au possible, on comprend mieux pourquoi tout le monde ne l'apprécie guère. Sa mésaventure maritale ne m'a même pas touché tant elle est horripilante, on a envie de la bouger :" cours Maria, cours!".
Les autres personnages eux aussi sont peu attachants, Charlotte l'espiègle, Ronny l'amoureux nunuche transi d'amour pour Maria au coeur de Pierre, Sarah l'amie dont on n'attend pas grand chose...
Et pourtant Jonathan Coe réussit parfois à rendre le récit accrocheur par son style, par ses commentaires, même si on sent qu'il n'atteint pas le niveau des autres romans, mais cela est normal puisqu'il s'agit de sa première production littéraire.
Pour moi ce roman est donc une déception, les autres critiques étaient plutôt flatteuses, franchement on est loin du "testament à l'anglaise", de "bienvenue au club" ou encore de "la pluie avant qu'elle tombe".
Un Coe loin d'être indispensable.
Coe de Maître
Critique de Patman (Paris, Inscrit le 5 septembre 2001, 62 ans) - 18 mars 2011
Qu'avons nous devant nous : une femme, ni belle, ni laide, ni particulièrement intelligente, ni complétement idiote, mademoiselle Toulemonde en somme, pas de quoi écrire un roman. D'autant que dès qu'il pourrait se passer quelque chose, elle s'enfuit... Et pourtant un roman il écrit... et pourtant il réussi à nous intéresser à cette vie inintéréssante : je dis "bravo maestro"... J'avais lu déjà d'autres livres de cet auteur et j'avoue que son dernier qui vient de sortir m'attire particulièrement, c'est un peu pour ça que je me suis repenché sur lui l'autre jour à la bibliothèque, franchement je ne le regrette pas. Une question me taraude pourtant : qu'a bien pu faire Bobby toute la nuit dehors à Oxford dans le second chapitre?????
Jonathan Coe, amusant mais légèrement dépressif
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 17 mars 2011
Dans ce premier roman, on retrouve indéniablement l'humour et l'art de conter une histoire de Jonathan Coe. Le ton propre à l'auteur est bien reconnaissable : un mélange d'humour (noir), de tendresse, et de dérision. Dans ce premier livre, il utilise avec bonheur un procédé qui consiste à prendre le lecteur à partie, faire des apartés, par exemple en donnant des indications sur la technique narrative qu'il utilise : c'est très amusant.
Le fond du roman est un peu triste : il s'agit d'une jeune femme totalement inapte à la vie en société ou à l'intimité d'une relation amoureuse. Elle est désabusée de naissance, elle souffre d'un excès de lucidité et elle est totalement incapable de la moindre exaltation. Ce manque de vitalité va lui causer bien des déboires. A côté de l'aspect humoristique, le livre suscite une réflexion sur nos aspirations dans la vie, sur notre recherche du bonheur, notre désir de partager nos sentiments avec quelqu'un.
Une lecture à conseiller pour les fans de Jonathan Coe. J'ai beaucoup aimé ce petit livre malgré quelques défauts de jeunesse. J'ai trouvé que la fin était un peu bâclée, comme si l'auteur n'avait pas su comment finir son roman, et l'avait laissé en plan.
Touchant
Critique de Poki (, Inscrite le 1 mars 2010, 50 ans) - 27 juillet 2010
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