Une femme à Berlin : Journal 20 avril-22 juin 1945 de Anonyme
( Eine Frau in Berlin)
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Quel témoignage bouleversant !
Quatrième de couverture
La jeune berlinoise qui a rédigé ce journal, du 20 avril 1945 - les Soviétiques sont aux portes – jusqu’au 22 juin, a voulu rester anonyme, lors de la première publication du livre en 1954, et après. A lecture de son témoignage, on comprend pourquoi.
Un ton d'objectivité presque froide, ou alors sarcastique, toujours précis, c'est la vie quotidienne dans un immeuble berlinois quasi en ruine, habité par des femmes de tout âge, des hommes qui se cachent : vie misérable, dans la peur, le froid, la saleté et la faim, scandée par les bombardements d'abord, sous une occupation brutale ensuite. S’ajoutant alors les viols, la honte, la banalisation de l’effroi.
Cette véracité sans fard et sans phrases qui fait la valeur de ce récit terrible, c’est aussi la lucidité du regard porté sur un Berlin tétanisée par la défaite. Et la plume de l’auteur anonyme rend admirablement ce mélange de dignité, de cynismes et d’humour qui lui a permis, sans doute, de survivre.
Mon avis
Les faits relatés par cette anonyme laisse sans voix, inspire l’admiration et l’humilité. Elle a réussi à surmonter cette barbarie peut-être grâce à ce témoignage mais tout de même. A aucun moment il n’y a de haine, ni de prise de position politique. Cela suscite beaucoup de respect. Lors de sa publication, l’accueil a été très mauvais, les souvenirs étaient encore trop vifs. Par contre, il a été réédité en 2003 et là il a trouvé son public.
Les éditions
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Une femme à Berlin [Texte imprimé], journal, 20 avril-22 juin 1945 anonyme présentation de Hans Magnus Enzensberger traduit de l'allemand par Françoise Wuilmart
de Enzensberger, Hans Magnus (Préfacier) Wuilmart, Françoise (Traducteur)
Gallimard / Collection Témoins (Paris. 1966)
ISBN : 9782070771820 ; 24,40 € ; 09/11/2006 ; 272 p. ; Broché -
Une femme à Berlin [Texte imprimé], journal, 20 avril-22 juin 1945 présentation de Hans Magnus Enzensberger traduit de l'allemand par Françoise Wuilmart
de Enzensberger, Hans Magnus (Préfacier) Wuilmart, Françoise (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070349494 ; 9,10 € ; 17/01/2008 ; 400 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (11)
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Vae Victis ! (Malheur aux vaincus)
Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 9 août 2024
« Une femme à Berlin » est un témoignage glaçant, basé sur un journal intime rédigé entre le 20 avril et le 22 juin 1945. Son auteure a tenu à rester anonyme et il n’a été publié qu’après son décès.. Son récit très bien écrit et particulièrement émouvant garde une certaine distance vis-à-vis de toutes les horreurs qu’elle raconte. Malgré tout ce qu’elle doit subir, elle garde une grande dignité. Elle note tout sans doute pour exorciser le mal. C’est une sorte de thérapie qui va l’empêcher de sombrer dans la folie et l’empêcher d’en arriver au suicide comme ce fut le cas de nombre de ses consœurs. Le livre ne contient pas la moindre trace de haine. Même ses pires agresseurs sont présentés pour ce qu’ils sont, de pauvres moujiks bruts de décoffrage, éloignés de leurs familles depuis des mois. Etant la seule personne de l’immeuble à parler un peu de russe, elle servira d’interprète et de fusible et sauvera même la vie d’une autre femme. Elle saura aussi finir par « choisir » ses « partenaires » en accueillant des gradés un peu plus humains pour se prémunir de la soldatesque éméchée. Le lecteur découvrira avec surprise beaucoup de choses étonnante sur cette période dramatique assez courte (environ deux mois) et en particulier la vitesse avec laquelle les Berlinois ont commencé à remonter la pente grâce à un travail acharné de déblayage et de remise en état des principaux services. Un document exceptionnel. Du vécu, et sans pathos…
A lire pour ne pas ignorer
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 8 avril 2018
Ce témoignage anonyme et pudique est exceptionnel puisqu’il nous livre directement ce qu’est la guerre pour les civils, ce qu’est l’occupation pour les femmes, sous le joug d’une armée sauvage et indisciplinée (lire Derniers Témoins de Svetlana Alexievitch pour l’autre versant avec l’occupation allemande en Union soviétique).
Exceptionnelles la force d’âme et la résilience de cette jeune femme, son ironie amère et la distance qu’elle arrive à inscrire par rapport aux événements pour garder un minimum de dignité, de santé physique et mentale.
C’est cette force qui lui a permis de délivrer ce message qui résonne encore aujourd’hui, ce témoignage dont on sait qu’il a malheureusement une dimension universelle.
Un autre regard
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 25 août 2017
Ne jamais s’abandonner à soi-même
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 18 mai 2017
Alors que par son métier elle a voyagé à travers l’Europe, l’auteure se retrouve à Berlin, à un moment assez mal choisi, soit lorsque l’armée rouge déboule sur la capitale allemande dès fin avril 1945. Ces événements sont bien connus mais en raison d’évidents tabous, ils n’ont pas été couverts à la hauteur de leur ampleur, les vainqueurs ayant tous les droits, ceux-ci n’ayant pas toujours montré que leurs côtés civilisés.
La grande pudeur de l’auteure et la narration contextuelle de ces faits font de ce récit historique une référence absolue. Par ailleurs, elle se livre à quelques réflexions sur le contexte de ces événements et l’atmosphère du moment est retranscrite avec un grand talent.
Elle donne parfois l’impression de dédramatiser son cas d’esclave sexuelle, le relativise par rapport à d’autres femmes bien plus malmenées et fortement traumatisées et justifie son comportement par rapport au viol ou à son nouveau statut de prostituée guidée par la peur et la faim. On peut lire qu’en temps de paix le viol est « un choc », en temps de guerre, il n’est qu’ « un contexte ». Cette froideur est justifiée par son éditeur comme une forme de protection et non comme une simple indifférence teintée de fatalisme.
Un livre qui décevra ceux qui cherchent le sensationnel mais ravira les lecteurs intéressés par la seconde guerre mondiale.
Terrible !
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 7 août 2014
L'auteur(e) raconte tout se qui se passe à Berlin durant les deux mois de la prise de la ville par les Russes. Et quand les soldats russes sont à Berlin leur première préoccupation est de violer les femmes qui sont restées seules dans la ville.
L'auteur(e) connaît suffisamment le russe pour parler au vainqueur du jour ; elle choisit son violeur parmi les gradés de l'armée russe, dans l'espoir qu'il en fera sa chasse gardée et aussi, qu'il la gratifiera de quelques denrées prises sur sa ration d'officier.
Cette femme écrit au jour le jour pour exorciser sa peur et sa honte. C'est un livre exceptionnel et poignant dans son authenticité.
Ce qui frappe dans ce récit c'est le côté lucide et déterminé de cette femme. Elle sait le sort qui est toujours réservé aux vaincus, elle est au courant – et c'est très intéressant à savoir – de tous les crimes commis par les Allemands pendant la guerre, y compris les camps de concentration et les massacres d'enfants en Russie, et elle sait que la vengeance sera terrible.
Ce qui fait aussi l'intérêt du livre c'est la personnalité de l'auteur(e) : elle ne dit pas qui elle est, ni comment elle est mais, par petites touches, on peut reconstituer le personnage : il semble qu'elle soit d'un milieu assez raffiné et qu'elle soit bien de sa personne ; elle doit avoir une trentaine d'années ; c'est une femme remarquablement intelligente et très indépendante, elle a voyagé seule dans toute l'Europe et en Russie, ce qui à l'époque, était exceptionnel ; elle est introduite dans le grand monde et son amoureux est à la guerre.
En particulier, le retour de son amoureux est raconté avec une simplicité désarmante qui cache un drame effroyable. C'est un livre qui ne peut laisser personne indifférent.
Certains ont vu de l'humour dans ce récit ; moi j'y ai vu seulement, et à de rares moments, une ironie tragique : quand elle raconte qu'une violée répète en toute occasion le compliment que son violeur lui a fait à propos des femmes allemandes. Ou quand elle rapporte certains propos de femmes qui trouvent qu'elles sont mieux avec un Russe sur le ventre qu'avec des Américains dans le ciel ! (Les Américains continuaient à bombarder Berlin). Mais ça fait partie de tous les propos qu'elle entend autour d'elle et qu'elle rapporte au jour le jour dans son journal.
Son journal respire l'authenticité et il est pathétique. Il est révélateur des conditions de vie dans l'Allemagne vaincue et son intérêt est historique. Il est à classer parmi les plus grands témoignages de la seconde guerre mondiale.
Une voix
Critique de Valadon (Paris, Inscrite le 6 août 2010, 43 ans) - 9 décembre 2013
L'auteur de ce journal était une jeune femme cultivée, et seule. Elle transcende cette solitude par la grâce de l’écriture, livre chaque soir sur le papier le récit des atrocités dont elle est la victime, elle ainsi que des centaines de milliers d'allemandes. Ainsi, elle raconte les viols, la peur, la faim, la mort qui rôde, les absurdités quotidiennes, l'angoisse de l'avenir. Elle raconte la débâcle, le chaos, Berlin sous les bombes, Berlin aux mains des vainqueurs. Elle raconte aussi la vie qui s'accroche et la volonté de rester debout, de ne pas se laisser broyer. Avec une lucidité impressionnante, elle raconte, avec intelligence, humour et humanité, avec dureté aussi, c'est une histoire de survie, c'est la tragédie d'un gâchis sans nom...
J'ai lu ce livre à la suite de "Mon enfance en Allemagne nazie" de Ilse Koehn, et de "Seul dans Berlin" de Hans Fallada. Trois livres qui m'ont broyé le coeur et qui m'ont surtout offert un nouveau regard sur ce régime et sur cette guerre qui ont apporté bien plus de destruction et de misère que je ne l'avais imaginé.
J'ai refermé ce livre avec tristesse, j'aurais aimé suivre cette femme longtemps encore, à partager son intimité elle m'est devenue proche. Car au delà de la valeur historique de son témoignage, c'est la voix d'une femme forte et libre qui s’élève dans ces pages.
une femme à berlin
Critique de Gigi 2 (, Inscrit le 9 juillet 2012, 78 ans) - 9 juillet 2012
le quotidien pendant la 2ème guerre
Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 9 juillet 2012
Mais, le ton est ironique et piquant, l'auteure raconte les faits presque plein d'humour : impensable ? Non, la guerre est une horreur, ce n'est pas une raison pour abandonner...
Elle sait qu'elle va être violée, s'arrange pour l'être le moins possible. Elle sait qu'elle n'a rien à manger, profite alors du poisson en boite apporté par ses "amants"...
Il n'y a pas de jugement, juste des faits.
On découvre aussi ce que pensent les populations allemandes des hommes allemands en 1945, leurs soldats déchus, symbole d'une génération qui devait durer 1000 ans et d'un idéal politique essoufflé après 6 ans de guerre...
Que ceux qui sont choqués par ce livre n'aient jamais à se poser la question : qu'aurais-je fait dans la même situation ?
Citation : "Notre nouvelle prière du matin et du soir est désormais : "C'est au Führer que nous devons tout cela." Phrase qui, pendant les années de paix, exprimait louanges et gratitude sur des panneaux peints ou dans les discours. Maintenant, et bien que la formulation soit restée la même, le sens est inversé, ne trahissant plus que mépris et dérision. je crois que cela porte le nom de renversement dialectique. "
Vols et viols dans Berlin occupé …
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 88 ans) - 6 février 2012
Le lecteur suit au jour le jour le siège d’une ville écrasée dont les habitants apprennent à se terrer dans des caves éclairées à la chandelle, à voler de jour les réserves alimentaires des maisons bombardées, à repérer parmi les gravats ou les jardins tout bois de chauffe potentiel, et à protéger les mineures des appétits des envahisseurs russes, les « Ivan » comme on les appelle outre-Rhin.
La narratrice nous raconte, avec beaucoup de pudeur, que pour s’éviter les viols collectifs, la survie lui a commandé de se trouver l’un ou l’autre violeur gradé tenant les troufions à distance et qui quelquefois même nourrit la maisonnée à l’aide des denrées circulant sous le manteau.
Avant le retour de l’eau courante, les femmes ont dû faire quotidiennement des heures de file pour remplir leur seaux à la pompe, une pompe toutefois prioritaire pour les chevaux de l’armée russe.
Et puis doucement, l’ordre succède à la folie guerrière, les rationnements se mettent en place, le courant électrique se rétablit, et les femmes sont réquisitionnées pour nettoyer les usines et aider à charger machines et ferrailles dans des wagons à destination de l’ Est.
L’on sait aujourd’hui que l’auteure de ce poignant témoignage a pour nom Marta Hillers, dont la volonté était de conserver l’anonymat jusqu’à son décès. Il est survenu en 2001.
Qui l'a écrit ?
Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 52 ans) - 31 mars 2009
Sous la forme d’un journal, c’est une réalité rarement évoquée en France par le cinéma ou la littérature, qui nous est présentée. La crudité du propos sur les viols perpétrés par ces militaires de l’Armée Rouge privés de femmes mais aussi pour certains animés par l’esprit de vengeance, bouleverse.
Plus bouleversant encore, peut-être, c’est la vie de privations qui s’étale sous nos yeux, les artifices pour trouver de quoi se nourrir, s’abriter, vivre simplement.
Les références à Knut Hamsun sont présentes, elles rappellent le moteur et la prison que peut constituer la faim.
La lâcheté obligée, la domination éprouvée, sont tant d’éléments qui banalisent les viols dont la portée n’est pas encore mesurée par les victimes elles-mêmes ; trop tôt ou déjà trop tard…
Le sentiment, quelle que soit sa forme, est présent durant ces quelques jours et les « Ivan » apparaissent parfois attendrissants. Ce peuple allemand, dominateur, rejoint vite la position du dominé. Loi du Talion ou bêtise humaine offerte grand à nos yeux. Ce journal est aussi l’illustration de la passivité, devant le régime nazi d’abord et annoncée déjà avec la domination soviétique qui s’installe pour 45 ans, on le sait. C’est aussi cette passivité du quotidien qui heurte une sensibilité engagée parce qu’elle démontre que même écrasé, l’Homme trouve en lui toujours ce ressort… étonnant… inqualifiable.
Survivre coûte que coûte.
Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 49 ans) - 26 janvier 2009
Ces exactions doivent être mises à jour et condamnées, comme à chaque fois que des civils subissent les exactions des soldats. C'est là l'enseignement principal de ce récit poignant.
Au-delà des horreurs décrites par l'héroïne, on ne peut qu'être une nouvelle fois impressionné par l'incroyable instinct de survie de l'espèce humaine.
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Une femme a Berlin au theatre avec Isabelle Carre | 10 | Valadon | 16 septembre 2017 @ 11:56 |
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