Sur l'antisémitisme de Hannah Arendt

Sur l'antisémitisme de Hannah Arendt
( Antisemitism)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Veneziano, le 12 janvier 2007 (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans)
La note : 10 étoiles
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Histoire et sociologie d'une haine irrationnelle

Hannah Arendt dissèque les fondements de l'antisémitisme dans ce premier opus des Origines du totalitarisme. La nature de l'ouvrage tient principalement de la science politique, de l'histoire et de la sociologie, tant générales que politiques.
Elle compare leur naissance en Allemagne, en Autriche et en France, les trois pays européens où il a été le plus marqué. Le nazisme, insulte au sens commun, est la résultante de l'échec des données philosophiques depuis l'origine : aucune étude ne pouvait présager une telle barbarie. C'est pourquoi il est nécessaire d'entreprendre une étude systémique de l'extermination juive. Pour simplifier très grossièrement, l'antisémitisme est né d'un climat, de la recherche d'une victime expiatoire, d'un bouc-émissaire, et également du paradoxe suivant : les Etats européens se fondent sur l'égalité, qui n'est pas l'égalitarisme, ce qui frustre ceux qui ont moins ; du coup, comme les Juifs s'enrichissent par l'exercice d'activités bancaires, auxquelles les Européens de culture chrétienne rechignent encore, cela crée des jalousies, qui deviennent presque un système.
De plus, la posture des Juifs est hétéroclite ou paradoxale : soit ils se communautarisent, soit ils se fondent comme les Rotschild ou Marcel Proust, mais en faisant de leur judéité une identité privé, alors qu'elle relèverait plutôt d'une dimension nationale. Cela, paradoxalement, accentue le malaise : ces derniers sont bien admis et intégrés mais font figure d'exception. Ce qu'il y a d'étonnant à lire, c'est qu'elle montre en quoi les organisations juives ont pu causer leur perte, du fait de leur structuration en systèmes.
L'un des paragraphes finaux est consacré à l'affaire Dreyfus et l'antisémitisme français latent de l'époque qui s'est alors extériorisé, et qui a expliqé que le pays se soit peu ou prou accomodé de l'idéologie de l'occupant de Vichy, en ce qu'elle est restée peu éloignée dans le temps.

Je n'apporte ici que des apports sommaires, voire grossiers, de ce qui m'a semblé l'essentiel, en espérant qu'une bonne âme avisée pourra venir compléter et corriger ces lignes.

Cela ne veux pas dire que ce livre n'est pas accessible au grand public. Contrairement à la Crise de la culture, il est très lisible et assez passionnant. Il stimule la réflexion.
Ce qui est d'autant plus impressionnant est la distance de l'auteur à l'objet, qui lui est familier et qui l'a touchée personnellement : c'est dire quelle est sa rigueur intellectuelle. C'en est presque troublant. Elle désire rétablir la réalité historique et lutter contre les idées reçues.

Je le conseillerais aux lycéens de troisième et terminale qui étudient la Seconde guerre mondiale en histoire.

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