Mon utopie de Albert Jacquard

Mon utopie de Albert Jacquard

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Danriot, le 28 octobre 2006 (STRABOURG, Inscrit le 17 février 2005, 78 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 719ème position).
Visites : 6 474  (depuis Novembre 2007)

Le sens du devoir et de l'avenir de Jacquard

Quel plaisir de relire et de revoir Albert Jacquard, grâce au débat de La salle Blanche de la librairie Kléber (qui en l’occurrence s’est déroulé à l’ENA à Strasbourg). Un débat que j’ai eu l’honneur et le bonheur d’animer devant un public sous le charme d’une intelligence hors du commun. Qui rayonne bien au-delà des limites de l’Hexagone. Son dernier livre, « Mon Utopie » (Stock) est un vrai message d’espérance, de volontarisme…Et une belle bouffée d’oxygène. Jacquard, c’est une séance de Thalassothérapie de l’Esprit. Oh ! que cela fait du bien…



« A mon âge, c’est devoir », sourit-il… Surtout en cette époque où (l’on ne s’en pas assez compte) « l’Humanité subit actuellement une bifurcation radicale » et où nous sommes « comme emporté dans un tourbillon qui peut nous conduire au pire », A cause de cet économisme galopant qui nous fait oublier que « tout ce qui n’est pas renouvelable » devrait faire partie du « patrimoine (intouchable) de l’Humanité ». A cause de cet « esprit de compétition » ravageur dès l’école maternelle. A cause de cette irresponsabilité collective et individuelle qui nous fait oublier l’essentiel : « Je ne suis JE que parce que TU est un JE. Je suis qui je croise, qui je rencontre. L’identité et l’altérité sont indissociables ».



Non, il ne radote pas Albert :il enfonce des clous qui s’imposent. Et devraient dominer la campagne des Présidentielles si la Politique consistait d’abord à donner tout son sens au mot « valeur » (au singulier et au pluriel). Et toute sa valeur au mot « sens ».

Un personnaliste authentique, cet ancien professeur d’humanistique, cet enseignant qui considérait ses étudiants comme des « collègues en Humanité », ce scientifique qui place la lecture (et l’écriture) au-dessus de tout, ce militant des Droits de l’Homme qui s’illustrent dans des actes et pas seulement dans des proclamations et qui touchent aussi les droits dits « sociaux », ce pourfendeur des modes médiatico-« décervelantes », ce procureur d’un système scolaire et universitaire qui tue les intelligences au lieu de les développer. Un homme-vitamine, Albert ! Lui qui sait ne pas confondre âge et vitesse est d’une jeunesse d’esprit fantastique.

L’éducation, l’école… La « Cité idéale », c’est « une cité où tout serait l’école ». Son livre est d’abord un essais sur l’éducation, sur la technique et l’art d’enseigner, donc d’échanger, de rencontrer, de frotter sa cervelle à celles des autres et aux réalités du monde, sans ce « taylorisme scolaire » qui fait tellement de ravages. 3dans un gouvernement digne de ce nom, le ministre de l’éducation devrait être le premier des ministres. Et Bercy devrait être à son service »…

Certains de ses engagements peuvent faire sourire, bien sûr. L’Utopie, c’est cela. Surtout quand on ne se contente pas de la proclamer mais de la faire vivre…

Il a mauvaise conscience de devoir prendre l’avion aussi souvent. Il sait bien que, même austère comme il sait l’être, il participe aux spirales du faux progrès qu’il condamne. Il sait même que son cheminement personnel atypique en fait un « privilégié ». Il en sourit : « l’annuaire de Polytechnique » est bien utile, y compris dans ses combats en faveur des sans-papiers et des sans –logements. Il ne pourrait pas être qui il est et comme il vit sans un sens aigu de l’humour, y compris vis-à-vis de lui. Il sourit encore d’avoir dû défiler avec les Polytechniciens sur les Champs-Elysées, le 14 juillet. Il se console en citant Einstein : « Pour marcher au pas, le cerveau est inutile. La moelle épinière suffit ». Les grands esprits sont d’abord des hommes d’esprit.

D’ailleurs, lui qui dénonce l’esclavagisme du travail est un grand… travailleur. Il suffit d’écouter ses chroniques quotidiennes sur France Culture. Il suffit de lire ses livres. Il suffit de voir à quel point il prépare ses conférences, ses débats, ses rencontres pour se dire que Paul Valéry avait raison : « le travail doit finir par effacer le travail ». Mais c’est du travail-épanouissement dont nous parlons là, non du travail-corvée, du travail-gagne pain, du travail forcé, du « travail-torture »…

L’étymologie du mot (le latin Tripalium, trépied servant à torturer) recouvre une autre Utopie : celle de la fin des servitudes. Nous en sommes loin…Mais Jacquard, hostile à toute « traçabilité » sociétale des individus laissera une belle trace : celle d’un homme qui croit en l’Homme.



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Daniel RIOT

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10 étoiles

Critique de Yoshimitsu (, Inscrit le 14 mars 2011, 35 ans) - 4 janvier 2012

Ecrire sur « Mon utopie » en omettant l’école est impensable, attendu que « la cité idéale est celle où tout est école ». Nonobstant, le monde scolaire affectionné par Albert Jacquard n’a rien à voir avec notre système éducatif, désespérément perçu comme une corvée, reposant sur la compétition, la notation aberrante, avec pour finalité l’entrée dans la vie active.

C’est « le lieu où l’on enseigne et où l’on pratique l’art de la rencontre ». Ces rencontres forment la spécificité de notre espèce, elles donnent à chacun d’entre nous la possibilité de devenir lui-même. « On ne naît pas homme, on le devient », nous dit Erasme.

Bien qu’elle jouisse d’une position primordiale dans cette utopie, l’école ne s’accapare pas la totalité de l’ouvrage. Outre la relation de son propre parcours, Albert Jacquard nous propose des réflexions non moins intéressantes sur le temps, la télévision et sa trop grande influence sur les esprits (à ce propos la déclaration du boss de TF1 est affligeante !), les droits humains (notamment le droit au logement versus le droit de propriété), le travail, l’économie, ou la finitude des ressources naturelles et leur gaspillage.

Le monde tel que le souhaite Albert Jacquard n’a rien d’une utopie irréalisable, délétère, à laquelle on répondrait lâchement « à quoi bon ? ». C’est plutôt un projet possible auquel je dis « pourquoi pas ? ».

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