Mon individualisme de Natsume Sōseki

Mon individualisme de Natsume Sōseki

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Mieke Maaike, le 20 octobre 2006 (Bruxelles, Inscrite le 26 juillet 2005, 51 ans)
La note : 7 étoiles
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Qu'est-ce que l'individualisme ?

Il s’agit du texte d’une conférence donnée en 1914 par l’écrivain japonais Sôseki à l’Ecole des Pairs. Dans un style parlé emprunt d’une grande sincérité et de beaucoup d’humilité, l’auteur tente d’expliquer ce qu’est l’individualisme, en particulier son individualisme étant entendu qu’il y a autant d’individualismes qu’il y a d’individualistes.

Dans un premier temps, il tente de cerner ce concept qui consiste à « se laisser gouverner par l’instance intérieure » : « ‘Voici donc le chemin que je dois suivre ! Je suis enfin tombé sur le filon !’ C’est quand ces interjections échapperont à votre cœur que vous aurez enfin atteint à la sérénité. Une confiance en soi, difficilement destructible, sera en train de poindre sous ces cris », avec pour but ultime son propre bonheur.

Il examine ensuite les reproches que l’on oppose souvent aux individualistes, à savoir user du pouvoir et de l’argent dans un but égoïste ainsi que le rapport à autrui prétendu difficile. Lui-même a une relation difficile avec l’argent et se pose notamment la question s’il faut ou non payer la force de travail intellectuel. Il dégage dès lors trois principes qui guident l’individualiste : « premièrement, pour épanouir sa propre personnalité, il faut respecter en même temps celle d’autrui ; deuxièmement, pour faire usage du pouvoir dont on dispose, il faut être conscient des devoirs qui l’accompagnent ; troisièmement, pour faire montre de sa puissance pécuniaire, il faut faire grand cas des responsabilités qui y sont liées. Tout se réduit à ces trois principes ».

Déjà en 1914, certains perçoivent l’individualisme comme une menace pour la société et pour l’Etat, objections auxquelles Sôseki répond sereinement : « l’individualisme, dont il est ici question, n’a rien qui puisse menacer l’Etat, contrairement à ce que les profanes imaginent, car il consiste à respecter autant l’existence d’autrui que la sienne propre ». Il précise par rapport à la menace pour la sécurité intérieure de l’Etat « s’il est vrai que l’individualisme, qui doit être à la base du bonheur individuel, a pour contenu la liberté individuelle, cette liberté, dont chacun jouit, monte et descend comme le thermomètre, en fonction de la sécurité de l’Etat ou du risque qu’il encourt ». Il ajoute « tant qu’on est doté d’une instance morale, on ne se trompe pas sur ce point et, au moment même où le pays risque de périr, personne ne s’échinera aveuglément à épanouir sa liberté ».

S’appuyant sur les trois principes qui guident l’individualiste, il en arrive à placer la morale individuelle supérieure à celle de l’Etat : « La morale d’Etat, comparée à la morale individuelle, semble d’un niveau bien bas. Depuis toujours, entre deux pays, même si le langage diplomatique est complexe, la morale joue très peu. Ils pratiquent entre eux escroquerie, tricherie, supercherie : c’est une pagaille totale. Alors si on prend pour repère l’Etat et si on le considère comme une entité, il faut savoir se contenter d’une morale bien basse. En revanche, du point de vue de l’individualisme, la morale atteint un niveau très haut et il convient de réfléchir à ce contraste. Quand le pays est en paix, il me semble tout à fait naturel de mettre l’accent sur l’individualisme qui place plus haut la barre de la morale ».

Il évoque également en filigrane quelques autres aspects de l’individualisme, tel que le concept d’autonomie, ou encore la solitude à laquelle est parfois confronté l’individualiste : « L’individualisme consiste d’abord à clarifier le bien-fondé d’un fait avant de prendre une décision et non de décider si l’on doit ou non tourner le dos à un individu, en se référant à sa personne. Il y a donc des moments où l’on se retrouve totalement isolé et l’on ressent une grande tristesse ». Mais ces moments de solitude ne pèsent pas bien lourd comparés à la sérénité procurée par le fait de vivre en adéquation avec sa propre personnalité « c’est donc ici mon havre ! ».

Le texte est assez court et se perd parfois dans des digressions liées au contexte de la conférence qui apportent peu d’éléments intéressants. De plus, il n’apprend pas grand chose à un individualiste qui n’y lira que des évidences. Mais ce livre permet néanmoins d’expliquer de façon très simple ce qu’est l’individualisme à ses détracteurs qui ont en général une idée très fausse.

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