la femme et le pantin de Pierre Louÿs

la femme et le pantin de Pierre Louÿs

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Hiram33, le 30 septembre 2006 (Bicêtre, Inscrit le 31 juillet 2006, 55 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 568ème position).
Visites : 8 232  (depuis Novembre 2007)

Duel de pervers

Au cours du carnaval de Séville, un jeune Français André Stévenol tombe amoureux d'une jeune espagnole inconnue. Il lui déclare sa flamme lui envoyant un oeuf sur lequel il a eu le temps d'écrire "Quiero". A grand peine, il suit la trace de la belle et se présente au domicile de celle-ci. Il se fait éconduire par le domestique mais un commerçant voisin lui donne le nom de la Sévillane : Conception Perez. Rentré chez lui, il reçoit un mot de la belle lui proposant un rendez-vous. Les heures qui séparent André de sa rencontre galante le taraudent, il décide de se ballader et croise une ancienne connaissance, Mateo Diaz. Diaz lui demande de soulager son angoisse et apprenant qu'il est éperdu d'une certaine Concha, il est pris d'effroi, ne serait-ce pas Concha Perez ? La femme qu'il a connue et qui a causé ses pires tourements ? Oui, c'est bien elle. Alors commence le récit de Mateo. Il va tenter de convaincre son ami de ne pas venir au rendez-vous. L'Espagnol a rencontré la belle dans un train, il a été séduit par sa beauté et par son chant qui accompagnait avec ironie la danse d'une gitane. Puis plus rien jusqu'au hasard des retrouvailles. Là, démarre un crescendo où l'ancien Don Juan jette son dévolu sur Concha. Alors qu'il s'est servi des femmes comme d'objets sexuels c'est lui qui se transforme en pantin dans les mains de la belle Sévillane. Elle va le manipuler, lui laisser croire qu'elle l'aime. L'embrasser, et même entrer dans son lit mais munie d'une "cuirasse" de tissu empêchant les ébas. Humilié, insulté, Mateo en redemande pourtant et il cède à tous les caprices de Concha. Elle disparait de sa vie pour réapparaître et lui, se laisse encore prendre au piège. Elle dit être restée vierge pour lui, n'avoir aimé que lui et Matéo d'y croire naïvement. La belle est danseuse dans un cabaret se qui excite la jalousie du Don Juan jusqu'au paroxysme quand il s'aperçoit que Concha danse nue devant les "Inglès", il le découvre par hasard. Mais Concha réussit une fois encore à le convaincre qu'elle est toujours sans amant. L'humiliation atteint son apogée quand Concha repousse Mateo devant la grille de son appartement et appelle un homme qu'elle embrasse devant le "pantin". Il aura sa revanche en frappant Concha comme pour vider sa colère emmagasinée pendant des mois. Mais, comble de l'ironie, c'est Concha qui en redemande, avouant qu'elle l'a toujours aimé et que s'il elle a tout fait pour le rendre jaloux c'est pour qu'il la batte car elle aime se faire frapper. Mateo obtient ce qu'il a toujours recherché, Concha devient sa maîtresse mais elle l'oblige par tous les moyens à céder à la violence et aux coups. Elle torture psychologiquement Mateo en lui interdisant tout contact avec une femme, toute sortie au théâtre et tout lecture alors qu'elle ne se gêne pas pour le tromper. Elle va jusqu'à le provoquer lui écrivant pour lui donner rendez-vous là où elle se trouve avec son amant, espérant qu'il arivera au moment de l'étreinte. Un duel entre les deux rivaux s'en suit. Résolue à sortir de cet enfer, Mateo fuit à Tanger puis en Italie. La fin du récit du "pantin" aurait dû convaincre le jeune Français d'éviter la manipulatrice mais il n'en est rien. Et comble de la déchéance Mateo lui-même cherche à retrouver la belle...

Pierre Louÿs sert dans ce roman les amateurs de sensulalité mais c'est surtout un récit psychologique. Si Mateo est manipulé et Concha manipulatrice, le couple est égal dans la perversion. Il s'instaure une relation sado-maso physique et psychologique. Personne n'est vraiment coupable et victime, le jeu est partagé par les deux amants qui semblent y trouver un plaisir malsain. Ce roman a inspiré Julien Duvivier pour un film avec Brigitte Bardot et Von Stenberg pour un film avec Marlène Dietrich.

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Les éditions

  • La femme et le pantin [Texte imprimé], roman espagnol Pierre Louÿs éd. établie, présentée et annotée par Michel Jarrety
    de Louÿs, Pierre Jarrety, Michel (Editeur scientifique)
    le Livre de poche / Le Livre de poche.
    ISBN : 9782253160700 ; 5,10 € ; 21/02/2001 ; 190 p. p. ; Poche
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Torture de l'âme

5 étoiles

Critique de Lolita (Bormes les mimosas, Inscrite le 11 décembre 2001, 38 ans) - 23 décembre 2007

Un livre qui m'a aussi attiré de par sa couverture et sa réputation. Je ne connaissais rien à l'histoire de cette femme et de ce pantin, et c'est donc avec surprise et grand plaisir que j'ai découvert au fil des pages une histoire assez innatendue.

L'histoire de Matéo et Concha nous tient en haleine tout le long du livre. Qui plus est, le livre se lit très rapidement avec toujours l'envie d'en savoir plus au fil des pages.
Un livre à la trame psychologique assez intéressant.

êtres au supplice

7 étoiles

Critique de B1p (, Inscrit le 4 janvier 2004, 51 ans) - 31 juillet 2007

Préambule : C’est avec une curiosité non dissimulée que je fondis, lors d’une brocante, sur ce petit ouvrage à la couverture au romantisme suranné (voir la couverture des éditions librio). Pour quelques cents, je devins ainsi propriétaire d’un ouvrage dont l’auteur me laissait rêveur : au hasard de mes recherches littéraires sur la grande toile, j’avais lu un jour que Pierre Louÿs était l’auteur qui avait donné à l’érotisme ses lettres de noblesse, hissant un genre plutôt honteux à un niveau de qualité qui réclamait qu’on l’appelât « littérature ». Jusque là, j’avais en tête les couvertures criardes et extrêmement vulgaires des volumes d’ « Implacable » que je vendais moi-même aux brocantes sans, je vous le garantis, en avoir jamais lu une seule ligne.

D’érotisme, il en est finalement peu question dans « la femme et le pantin ». L’attirance de deux hommes pour une belle Sévillane reste en effet très longtemps sans suite, physique j’entends. L’enjeu du récit serait plutôt psychologique. Car Louÿs tisse une histoire d’une grande cruauté. Une cruauté faite aux hommes. Car, pendant des années, Conchita se jouera de Mateo en lui promettant un acte systématiquement repoussé tandis que l’amour de l’homme grandit jusqu’à lui faire perdre toute mesure.
OK. Ecrit comme ça, c’est plutôt banal. Mais le génie de Louÿs est de transformer une (non-)histoire de cul en supplice insoutenable. Le génie de Louÿs est de transcender une banale escroquerie amoureuse en une tragédie antique, sauf qu’elle se passe au XXe siècle dans le cœur vivant de l’Espagne.
Le génie de Louÿs, c’est, aussi, l’écriture : précise, au vocabulaire raffiné, à la force évocatrice évidente. En lisant la « la femme et le pantin », c’est l’Espagne colorée et ardente qui défile sous les yeux, en espagnol dans le texte parfois, c’est la violence des sentiments et la profondeur inhumaine de la duperie que Louÿs donne à lire, sans fioriture, sans voie de dégagement possible, de celles qui aboutissent à la folie ou au meurtre. Et on ne sait jusqu’à la fin vers quel dénouement Louÿs nous mènera.

Alors, pourquoi pas une note plus élevée au terme d’une description si élogieuse ? Parce que, j’aurai beau faire : le genre « amoureux » ne restera jamais pour moi qu’un genre secondaire de la littérature. Mais je pense que les lecteurs plus ouverts seront facilement enclin à décerner la note maximale à la « la femme et le pantin ». (Ce roman a d’ailleurs été tellement apprécié qu’il a été adapté plusieurs fois au cinéma, notamment avec Marlene Dietrich dans le rôle de la séductrice tortionnaire.)

Avertissement : Attention, pour conserver encore l’effet de surprise lors de la lecture, évitez de lire la chronique principale ci-dessus qui dévoile TOUTE l’histoire torturée de Mateo et Concha.

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