L'homme sentimental de Javier Marías, Laure Bataillon (Traduction)
(El hombre sentimental)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Kinbote, le 27 août 2006 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 4 939  (depuis Novembre 2007)

Le récit d'un rêve

Le narrateur a fait un rêve, un rêve avec les acteurs d’une histoire vécue quatre ans auparavant. Au réveil, il nous rapporte ce rêve en tous points (ou presque) conforme à son souvenir, qui le ranime en quelque sorte, un rêve postmonitoire si on peut dire. Mais ce n’est pas rébarbatif puisque le rêve n’est que prétexte à réminiscence. A la fin du récit on comprend pourquoi le narrateur fait ce rêve-là ce matin-là. Quatre ans plus tôt, notre homme qui est ténor répétait à Madrid dans la ville de son enfance quand il fait la connaissance d'un trio singulier formé de Natalia, son mari belge Manur et Dato, le secrétaire particulier et confident du couple. Le narrateur ne s’introduira évidemment pas sans mal dans ce triangle affectif…

D’abord le style et le ton m’ont fait penser à celui de Thomas Bernhard (au début le narrateur dit qu’il a lu « un livre de mémoires très prétentieux d’un écrivain autrichien "; hommage, souci de tourner en dérision une histoire à la Bernhard dans son propre style?), surtout quand il assimile la vie du chanteur d’opéra à celui du voyageur de commerce dans leur relation aux villes traversées, quand il parle de musique et de son ex-compagne, mais aussi quand il confond les noms du dernier mari de son ex-compagne et les reprend l’un après l’autre d’une manière ironique.

Javier Marias use d’un dispositif narratif efficace : sur une journée, le narrateur nous raconte ce qui s'est passé pendant le temps d’une répétition, à Madrid, de l’Otello de Verdi, dans un rythme soutenu (pas de découpage en chapitres), fait de digressions aussi prenantes que l’action du thème principal, traité, lui, tout en retenue. En fin de volume, il parvient à une concordance des temps surprenante qui évite de justesse, et en forme d’ultime clin d’œil au lecteur, l’abîme pour son narrateur.

Un livre à la construction musicale, qui, comme le signale la 4 ème de couverture, lui permet « une fois refermé de continuer de résonner ». Longtemps.

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