Dit violent de Mohamed Razane

Dit violent de Mohamed Razane

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jlc, le 4 août 2006 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 5 étoiles
Visites : 2 533  (depuis Novembre 2007)

Comment vivre sans survivre

« Dit violent » est l’exutoire verbal, la trace que Mehdi, 18 ans et quelques jours à vivre, veut laisser de sa souffrance, son abandon, sa violence et sa haine. Enfant des quartiers, comme on dit, né sans être désiré, « gamin gavé d’amertume », battu par un père alcoolique qu’il tue à 15 ans, il se sent très vite « trop mal pour vivre ». Un temps, il apprend la boxe thaïe, gagne quelques combats qui sont autant d’occasions d’être acclamé, reconnu, heureux un instant, puis il abandonne pour une vétille. Car Mehdi, surnommé Killer Pit, est nerveux, violent, en rage contre tout. Mais le système qui l’entoure n’est-il pas plus violent encore ? Seule Marie, sociologue de 37 ans, le comprend et lui donne ce sentiment d’importance et même un peu plus. Elle lui révèle le théâtre, Van Gogh mais la violence, telle un diable, ressurgit et brisera peut-être ce couple encore incertain. Eloigné d’elle, incompris de sa mère, meurtri par l’agression de son copain Zacarias, « douceur dans un monde fou », il va inexorablement vers l’irrémédiable.

Ce livre est le premier roman de Mohamed Razane, ancien éducateur et animateur de quartier. Il doit être lu comme tel et non comme une chronique sociale. La description du monde des banlieues est certes vivante mais un peu convenue et occultée par la violence totale, la haine de Mehdi. Et parfois Razane en fait trop : l’humiliation de la mère, l’inceste subi par Marie, la vulgarité des femmes rencontrées… Cela existe bien sûr, c’ est plausible mais cela n’apporte pas grand chose au roman, voire le réduit par son excès de misérabilisme.

Ce roman, de la violence et plus encore de la souffrance, contient quelques très belles page comme la lettre à sa mère, écrite avec grande délicatesse, avant d’aller se perdre dans sa folie meurtrière. Toutefois si ce livre me paraît sincère par la rage qu’il exprime il me semble artificiel par la façon dont il le fait. Mohamed Razane écrit à la première personne pour donner, par ce style parlé, plus de spontanéité et de force. Mais rédigé à la troisième personne, comme les dernières pages, il aurait gagné en authenticité. Car je ne crois pas un instant que ce gamin de dix-huit ans puisse raconter ce qu’il a vécu avec les mots qu’il choisit. Le propos est certes parsemé de mots en verlan (traduits, pour les ignorants des banlieues qui achètent les livres ?), le style est certes heurté, direct mais de là à parler d’invention verbale, comme le dit la quatrième de couverture, c’est aller un peu loin et oublier Céline.

Voilà pourquoi ce premier roman me laisse un goût partagé, un peu comme une occasion gâchée. C’est dommage car j’espérais le roman qui, par son histoire, son universalité et son ton ferait prendre conscience, à nous qui vivons ailleurs, qu’on ne doit plus longtemps accepter « ce monde qui flingue » ces gens qui veulent pouvoir enfin vivre et non survivre.

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