Trente ans et des poussières de Jay McInerney

Trente ans et des poussières de Jay McInerney
( Brightness falls)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 17 juillet 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 578ème position).
Visites : 5 842  (depuis Novembre 2007)

De la trentaine et de l'argent facile

Jay McInnerney est de la même génération que Brett Easton Ellis. Lui aussi décrit une certaine Amérique, un certain milieu, mais il n'a pas ce côté cruel et sanglant.
Peut-être que cela lui donne moins de poids, mais il est davantage lisible sans faire de cauchemars.
Nous sommes dans les années quatre-vingt et nos deux héros ont à peine atteint la trentaine ou un fifrelin plus. Russell travaille dans l'édition, un milieu particulier mais, comme dans les autres, il s’agit d'abord de faire de l'argent. Pour cela il faut les auteurs et quand on les a, il faut les garder, ne pas se les faire piquer. Un nouveau talent refusé qui file chez un autre et fait un tabac est une grosse tache sur une carrière. Une concurrence comme une autre !…
Sa femme Corrine travaille dans un bureau de courtiers en bourse. Elle aussi a ses clients. Elle doit les satisfaire et tenter de s’en attirer d'autres pour faire monter l’importance du portefeuille géré par la société. Deux êtres beaux, doués et intelligents…
Ils auront des enfants, mais Russell n'y était pas vraiment prêt. Ils forment cependant ce que l'on pourrait appeler un très bon couple, à l'intérieur de cette jungle qu’est New York. Mais avoir trente ans, c'est aussi une première prise de conscience du temps. Et cette prise de conscience peut mener là où l’on ne s’y attendait pas !… Si Corrine est consciente de cela, Russell en est encore à des kilomètres !
Il y a aussi le bon vieux copain Jeff, celui de l’époque insouciante. Il sombre dans la drogue et ils n’arriveront pas à l'en sortir...

Comme chez Brett Easton Ellis, ses héros dérivent, flottent dans cette Amérique en pleine transformation. Elle a toujours connu le dieu dollar, mais il s’acquérait au bout d’un colt ou à force de travail. Les années quatre-vingt sont les premières où l'argent devient une chose facile à gagner. Or, cet argent facilement gagné pousse aux dépenses faciles et l’engrenage est parti !… Les vraies valeurs sombrent, on sait peut-être qu'elles existent encore, mais elles semblent dépassées par un autre mode de vie. L’argent donne aussi, à celui qui le possède, un sentiment d'être à l’abri de tout. Et c'est évidemment faux !.
Une terrible analyse : « Mais ces nouveaux venus, ces gosses, la classe quatre-vingt, pour ainsi dire, c'était des aventuriers. Des opportunistes qui n’avaient ni le sens de l’histoire ni le respect des institutions. Terrifiant, à bien y regarder – des gosses en bretelles qui croyaient avoir le droit de gagner des millions, aussi effrayants, à leur manière, que les assassins d’enfants qui habitaient les ghettos du Nord et étaient prêts à ouvrir le feu sur quiconque se dressait entre eux et leurs désirs du moment. »
Un très bon roman, bien écrit et très agréable à lire !

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Superficialité et ennui

4 étoiles

Critique de Aliénor (, Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans) - 28 octobre 2009

Ils sont beaux, jeunes et talentueux, et semblent promis à un brillant avenir. Russel et Corrine Calloway forment un couple idéal, que leurs amis envient tant leur union semble parfaite. Lui travaille dans une maison d’édition, elle est courtière en bourse et soigne sa mauvaise conscience en donnant de son temps pour distribuer des repas à la soupe populaire. Mais l’ambition et l’envie de gagner toujours plus vont venir doucement ternir ce joli tableau, ce bonheur qui n’était peut-être que de façade.

Voilà pour le sujet de ce roman d’un auteur contemporain américain décrit comme le plus talentueux chroniqueur d’une génération qui eut beaucoup d’illusions et se brûla les ailes. Au même titre que Bret Easton Ellis, puisqu’ils se situent dans la même veine et sont tous deux au premier plan de la scène littéraire américaine.

Pourtant cette chronique, qui se situe dans les années 80, m’a considérablement ennuyée. Car ces deux personnages sont terriblement superficiels, et cela transparait dans les nombreux dialogues qui émaillent le roman. Je ne suis parvenue à m’attacher – un peu – à eux que dans les cent dernières pages, lorsque ce que l’on appelle les accidents de la vie viennent leur apporter un peu de profondeur et beaucoup de gravité. Peut-être alors lirai-je la suite de leur histoire, narrée dans « la belle vie », qui elle prend corps dans l’après 11 septembre. Mais pas tout de suite…

Quand la poussière s'accumule...

9 étoiles

Critique de Pendragon (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 54 ans) - 26 décembre 2005

Ce roman contemporain nous narre l’existence d’un jeune couple nanti dans les années 80-90 au sein des seins des Etats-Unis, à New York. Lui est éditeur, elle est agent de change. Tout va bien, ils sont heureux, ils gagnent bien leur vie, font des soirées, ont des tonnes d’amis (de toutes sortes), font du sport, partent en vacances, font attention à leur santé, à leur présent à leur futur et… s’emmerdent comme c’est pas possible !
Bien sûr, quand on s’ennuie, on essaie de changer les choses et Russell, se met à rêver de pouvoir lancer une OPA sur sa propre boîte et gagner ainsi le pactole en jouant sur la balance entre l’offre et la demande. Il se fait aider de vieux copains, d’une vieille copine et un changement en entraînant un autre, il finit par passer plus de temps avec elle qu’avec sa femme. Ce qui devait arriver arrive !
Elle, Corrine, s’étiole, n’a plus goût à son métier, se disperse, se perd et prend un amant !
Autour de ce couple, gravitent d’autres personnages à la dérive : auteurs ratés, auteur d’un unique Best Seller, peintre gigolo, pétasses (excusez du terme) de toutes sortes, riches, pauvres, dépensiers sans le sous et avares riches à en pleurer… Le parfum qui embaume toutes ces vies est bien sûr un savant mélange de fragrance d’alcool et de dope.
Tout cela finira par aller à vau-l’eau, oui mais, a-t-on droit au deuxième essai ? les erreurs de parcours sont-elles effaçables ? oubliables ? ou bien toute route prise modifie-t-elle à jamais le chemin ? changeant ainsi de la même manière le but, la fin, la délivrance de la vie ?

Dans un style excellent, McInernay nous offre ici une œuvre complète, riche et profonde sur un mal-être somme toute banal ! Ce qui en fait toute la dureté, mais qui malheureusement en fait également le seul bémol ! En effet, la description de la « banalité » du mal de vivre des protagonistes, ne nous apporte finalement que peu d’éléments extérieurs, puisque nous vivons tous ces mêmes angoisses à un moment donné ou l’autre de notre vie. Dans ce sens, il aurait pu, soit descendre encore plus profondément dans l’analyse de notre tare tellement humaine, soit la disperser et l’agrandir démesurément jusqu’à l’envoyer se perdre dans tous les vents qui tourbillonnent sans cesse autour de notre âme éperdue…

L'age du désenchantement

7 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 26 octobre 2003

New York, les années 80, à la confluence du milieu intello branché et du milieu des affaires. L'auteur, en virtuose,
fait vivre ce microcosme en crayonnant des portraits, en racontant des anecdotes, en dépeignant les rituels mondains, les vernissages, les restaurants.
C’est le roman de la trentaine, l’âge de la perte des illusions. Russell travaille pour une vénérable maison d'édition. Un jour où son ascension lui semble trop lente ou incertaine, il se lance hardiment dans une affaire prometteuse. Ses associés sont désormais les experts financiers qui n'ont pas froid aux yeux. Mais le Dow Jones dégringole, comme pour lui rappeler que les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel et que les idéaux (dans ce bas monde) ne sont que des faiblesses de jeunesse.
A remarquer le bon dosage de l’humour et de l'autodérision. « J'ai cherché à comprendre pourquoi nous avons besoin d’être des entités physiques. Je veux dire, pourquoi faut-il qu’on soit à l’intérieur d’un corps qui la moitié du temps ne donne pas vraiment l’impression de nous appartenir et j'ai fini par conclure & ben voyons, quel autre moyen j'aurais de porter toutes mes fringues ?»

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