Lambeaux de Charles Juliet
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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Une merveille de sensibilité et d'écriture
Charles Juliet nous raconte sa mère qu’il n'a pas connue. Enfant, elle était une élève particulièrement douée et, surtout, avide d’apprendre.
Elle vivait dans une ferme, avec ses parents et ses jeunes soeurs. Elle réussit ses primaires et, au retour de la ville, l’examen passé, elle sent que ses parents n’en sont pas plus fiers. D’ailleurs elle sait qu’elle devra quitter l'école pour s’occuper de ses soeurs.
C’est un véritable déchirement pour elle, tant sa soif d'apprendre était grande. Des mots, des mots, pour pouvoir parler, pour pouvoir comprendre et écrire… Mais tout cela est fini pour elle !.
Dans le grenier, elle découvre une bible et va la lire et la relire. Elle va aussi entamer un journal dans lequel elle écrira chaque jour tant son obsession est grande de garder le contact avec les mots. « La gravité de ton regard gêne, dérange, impressionne, et c’est elle qui pour une grande part creuse autour de toi cette solitude dans laquelle tu t'enfonces chaque jour un peu plus. »
Elle rencontre un jeune homme de la ville et en tombe éperdument amoureuse. Mais elle se rend compte à quel point elle est démunie : « Il a lu tant de livres, connaît tant de choses. »
Mais rien n’ira comme elle l'espère, au contraire !… Elle va s'enfermer de plus en plus dans un mutisme désespéré ! Celui de quelqu’un qui ne trouve pas à qui parler !…
Dans le second récit, Charles Juliet, dernier enfant de sa mère, né avant son internement, nous raconte qu'il a d’abord été confié à des voisins, puis à une famille de paysans vivants un peu plus loin. Malgré qu’il hurlait à longueur de temps, Madame R. et ses cinq filles décidèrent de le garder. Son père ayant oublié de leur indiquer son prénom, elle l’appelèrent Jean.
Toute son enfance sera ravagée par la peur : celle des adultes, du noir, de disparaître, d'être enlevé. Pas question d'aller à l'école quand il y a du travail à la ferme. Il manquera sept mois par an et c'est une des grandes « soeurs » qui, le soir, l'aidera à ne pas oublier ce qu'il a appris.
A l'âge de sept ans, il apprend qu’il avait une autre mère et qu’elle vient de mourir dans l’établissement où elle était… Il fait enfin la connaissance de son vrai père et de ses frères.
Enfin la guerre se termine et Charles Juliet est accepté dans une école d'enfants de troupe à Aix-en-Provence. Il devient un petit militaire avec toutes les rigueurs et la discipline que cela suppose. L’ennui, la routine, mais il deviendra capitaine de l’équipe de rugby. Un jour arrive un nouvel adjudant, passionné de boxe. Ils deviendront amis et il l’emmènera chez lui lors des permissions.
Mais, entre-temps, il découvre la lecture et délaisse ses études pour lire et écrire avec avidité. Il ne vivra plus que pour cela !
Est-ce parce que « Ni l’une ni l'autre de tes deux mères n'a eu accès à la parole. Du moins à cette parole qui permet de se dire, se délivrer, se faire exister dans les mots. » ?.
Deux merveilleux récits, d’une écriture superbe, tout en finesse et en sensibilité.
Les éditions
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Lambeaux [Texte imprimé] Charles Juliet
de Juliet, Charles
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070400867 ; 6,90 € ; 11/04/1997 ; 154 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (13)
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Emouvant
Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans) - 24 octobre 2015
Toutefois, cet usage de ce "tu" a été une barrière virtuelle de mise à distance entre ces "personnages", certes très touchants, et le lecteur et ne m'a certainement pas permis d'en apprécier toutes les "valeurs" tant humaines que littéraires.
Lambeaux de vies
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 16 octobre 2015
une vie ratée
Critique de Mine2 (, Inscrite le 11 octobre 2013, 64 ans) - 4 janvier 2015
et pourtant ce fut le sort de beaucoup de femmes qui ont eu la malchance de naître à la campagne dans une famille très pauvre et illettrée.
Au plus profond des entrailles de la terre et des mots
Critique de Matthias1992 (, Inscrit le 27 août 2007, 32 ans) - 9 octobre 2009
Une vieille Bible poussiéreuse et rencognée, abimée par la poussière des années, cachée derrière une rangée de patates dans l'étagère d'une tout aussi vieille armoire, est le premier vrai lien vers le pays des mots pour la mère du narrateur, et celui-ci en personne. C'est le premier pont vers le monde des lettres, le monde qui permet de revoir, de relire, de redécrypter, de recomprendre, de reregarder le monde. Dans le contexte âpre, brut et simple de la campagne, pas le temps de vaquer à des rêveries éthérées. Le parcours de la gente masculine comme de la gent féminine est fixé dès le départ. Chaque sexe est voué à un même destin.
Le côté implacable de cette destinée est restituée par Juliet avec une justesse et une force de suggestion proprement stupéfiantes - ici pour les femmes, ou plus précisément la mère du narrateur, qui a épousé avec précipitation un fermier dont elle ne savait pas si elle l'aimait ou non: "Le repas vite avalé. Le lit. L'assaut fatal. Son halètement (...)"
Le verbe est toujours juste, saisissant, percutant, sans la moindre fioriture. A travers ses mots, ses phrases, ses points, ses virgules, qui chacun vaut son pesant d'or, qui chacun est beaucoup plus qu'une anodine ornementation, Juliet nous parle de choses concrètes, tangibles, réelles. C'est la vie. C'est l'attente. C'est la déception. C'est l'avenir. C'est le passé. C'est le temps. C'est l'envie. C'est la tristesse. C'est l'écriture.
Magnifique.
Concentré d'émotions
Critique de Nouillade (, Inscrite le 13 mars 2008, 33 ans) - 12 juin 2008
En lisant la première partie (l'histoire de la mère), j'avais en permanence une boule dans la gorge. C'est en ce sens que je peux dire que c'est un livre magnifiquement triste, qui pourtant laisse entrevoir une lueur d'espoir à la fin.
La deuxième partie m'a moins plu, parce qu'elle m'a moins émue. Mais ça reste quand même une belle découverte...
...NIOUF! =)
Envoûtant
Critique de Yanice (, Inscrit le 11 septembre 2005, 39 ans) - 24 juillet 2006
Merci beaucoup!
J'ai lu ce livre car il était dans le programme quand j'étais en 1re L et je remercie du coup l'enseignement national d'avoir choisi ce roman.
Etant un aspirant écrivain, Juliet restera à coup sûr parmi mes inspirations.
Captivant
Critique de Lileene (, Inscrite le 5 mai 2004, 40 ans) - 19 octobre 2005
un livre original
Critique de Morganedetoi (, Inscrite le 8 septembre 2005, 37 ans) - 9 septembre 2005
Un livre à lire donc pour ceux qui apprécient les romans sensibles et profonds
Lambeaux
Critique de Bergamote (, Inscrite le 15 août 2005, 69 ans) - 23 août 2005
Peut-être faut-il avoir eu soi-même des souffrances d'enfance pour en apprécier encore davantage l'essence...
Je le relirai... je le sais, dans 3 ou 4 ans, ou avant...
Quand on aime on ne compte pas... N'est-ce pas ?...
Balbutiements
Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 25 avril 2005
Après, il y a le contenu des "Lambeaux" : d'abord le portrait d'une maman, une Cosette sans la rencontre salvatrice de Jean Valjean, fille de paysans, privée du droit aux études, coincée dans sa ferme, les travaux de la terre, entre les quatre murs d'une maison. Cette maman fait pitié, franchement : son mal de vivre se tapit depuis la petite enfance, exacerbé par les malheurs d'une existence de plus en plus sinistre, catapulté par une énième grossesse, laquelle sera révélatrice d'une déprime postnatale, qu'on ne décrypte pas en ces temps-là (fin des années 30) mais qui conduira la jeune maman à l'asile !
En petite deuxième partie du récit, le narrateur s'interpelle lui-même en racontant son parcours (enfance, adolescence, adulte débutant...). Lui-même souffre de mélancolie, de traumatismes mais d'une franche envie de s'en sortir également. Egalement il a une vraie passion pour les mots, pour les livres et souhaite devenir un orfèvre littéraire, pour pouvoir enfin se délivrer, dire les choses qu'il couve en lui depuis longtemps.
Bref, "Lambeaux" n'est pas rose. C'est une page de l'histoire des paysans de la France du début du 20ème siècle, si commune, si courante et terriblement si dure ! Charles Juliet dépose son barda, devenu trop lourd, trop pesant. Au lecteur de le porter, mais c'est écrasant !
Les mots sont tellement importants
Critique de Cuné (, Inscrite le 16 février 2004, 57 ans) - 14 avril 2005
En seconde partie, on survole la vie de Charles Juliet jusqu'à l'acceptation chèrement acquise de sa vocation, l'écriture.
On ne peut qu'avoir envie de lire la suite !
Un très beau récit
Critique de Athanais (Paris, Inscrite le 1 décembre 2004, 44 ans) - 7 janvier 2005
L'écriture est très belle, à fleur de peau. Au fil du récit, l'auteur se dévoile, et on a l'impression qu'il écrit enfin tout ce qu'il n'a jamais pu dire à ses 2 mères, et qu'on est le témoin indiscret de cette confidence qui témoigne d'une blessure profonde.
Je me suis identifiée tour à tour aux 3 personnes auxquelles il s'adresse, c'est-à-dire sa mère biologique, sa mère adoptive et lui-même. Finalement ce livre m'a laissé une sensation étrange : celle qu'il a été écrit pour moi (!), et qu'en même temps, je n'avais pas le droit de le lire un peu comme si c'était un journal intime...
Procédé d'écriture à part et super bon récit
Critique de Plum01 (Lyon, Inscrit le 30 août 2004, 36 ans) - 19 octobre 2004
Je conseille ce livre à tous ceux qui aiment l'écriture fine dont l'auteur ici nous en fait un bel exemple. L'histoire est très intéressante et vous verrez, vous ne regretterez pas votre choix.
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