Rade Terminus de Nicolas Fargues

Rade Terminus de Nicolas Fargues

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Scénarandco, le 29 juin 2006 ( Ivry sur Seine, Inscrit le 16 mai 2006, 70 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 413ème position).
Visites : 5 883  (depuis Novembre 2007)

Du bout du Monde...

"Rade Terminus" s'achève par un document brut : les notes recopiées du carnet d'un responsable d'une l'ONG en tournée d'inspection dans l'Océan Indien. Comme il est en proie à des troubles obsessionnels compulsifs et qu'il consigne toujours ses observations selon le même rituel, la dernière impression que laisse ce quatrième roman de Nicolas Fargues est celle d'un rite incantatoire... Qu’on en juge :
"ICI, le blanc marche toujours devant."
"ICI, la mémoire n'a pas d'importance mais on se souvient de toi."
"ICI, les femmes sont TOUTES féminines."
"ICI, dans les bars et les restaurants, on appelle "fruits exotiques" les fruit d'ICI (mangue, ananas, banane...)"
Où est l'ICI où est l'Ailleurs ? Le dépaysement est total, le lecteur finit par perdre ses derniers repères...

"Rade Terminus", ce n'est pas un bistrot situé au bout d'une ligne de métro, c'est la deuxième plus belle baie du Monde celle de Diego-Suarez où viennent se perdre des blancs à bout de souffle ce qui fournit à Nicolas Fargues un prétexte pour nous bâtir un récit choral.

Il y a Mathilde, jeune femme désirable, candide et éblouie par la beauté des paysages qui vit incrédule sa première confrontation à la violence du Tiers Monde...
Il y a Amaury, insupportable jeune coq hight tech, imbécile hypocondriaque et jouisseur, d'une lâcheté et d'un égoïsme à vomir...
Il y a Maurice, veuf septuagénaire, lassé de la solitude et du racisme ordinaires, qui ramène au pays sa Phidélyce de 20 ans sa cadette...
Il y a Hervé, alangui dans la touffeur tropicale qui a cédé aux sirènes d'une beauté locale, pioché dans la caisse et fait voler en éclats sa carrière et sa famille...
Il y a d'autres victimes du même mirage :
...un chauffeur de taxi qui rêve de la France...
...un étudiant boursier qui débarque à Roissy...
...un syndicaliste en retraite protecteur de l'environnement qui consomme « une petite nénette de temps en temps... »
un affairiste Malgache diplômé au Luxembourg, etc.

Il y a surtout les effluves acres des cargos rouillés, la senteur doucereuse des fruits surs, les parfums enivrants des peaux épicées, l'odeur nauséeuse des grumes en décomposition, la moiteur étouffante du béton fissuré, la poussière rouge des pistes défoncées : "Même ICI, nous sommes bel et bien en 2003" note Philippe dans son carnet, j'en suis moins sûr...
Je parierais que le lecteur voyage dans l'espace aussi bien que dans le temps, un temps qui semble s'être arrêté.
Le dépaysement est ICI mais aussi "avant" et toujours : c'est le costume de lin écru qui colle aux épaules de Francis Huster dans "Equateur" de Serge Gainsbourg, c'est la casquette douteuse de Bogart dans "African Queen" de Huston, c'est le comptoir misérable de Bardamu du «Voyage» de Céline...
C’est désespérant comme ce Sud qui regarde vers l’Europe en s’enfonçant dans un naufrage éternel. C’est atemporel comme la mauvaise conscience de ces « petits blancs » qui n’en peuvent mais pour leurs 8.000 euros mensuels.
C’est fascinant comme un conte animiste, de la jungle, de la ville, alanguie au soleil... On en sort envoûté par la magie de l’écriture.
A mettre dans la valise pour ceux qui partent...
A lire toutes affaires cessantes pour consoler ceux qui restent, je n’en suis toujours pas revenu...

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Les éditions

  • Rade Terminus [Texte imprimé], roman Nicolas Fargues
    de Fargues, Nicolas
    P.O.L. / Fiction
    ISBN : 9782846820288 ; 12,18 € ; 20/08/2004 ; 325 p. ; Broché
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Fuir de l'humanitaire

7 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 16 mars 2012

L'Occidental s'adapterait mal aux horizons tropicaux et ne se comporterait pas aux mieux avec les autochtones. Si le dernier tiers du roman comporte bien des éléments instructifs, un certain humour, voire une pointe sous-jacente d'auto-dérision, cette non-rencontre de deux mondes ne me convainc pas : le constat est assez désabusé sur l'échange culturel et l’efficacité de l'action humanitaire sur le terrain, ce qui me déçoit fatalement un tantinet. Et ces descriptions d'hommes qui se laissent mener par leurs désirs m'esvagacent un peu, bien que leur portrait soit parfois savoureux, dans la médiocrité.
Il vaut le détour, il y a bien des choses intéressantes, mais je doute qu'il me laisse grand-chose d'immémorable. J'ai lu mieux de l'auteur.

Parti dans le décor

4 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 6 septembre 2007

Les 100 premières pages on s’ennuie ferme. Ensuite un expatrié qui habite à Diego/Madagascar raconte ses aventures sexuelles, ça devient intéressant. Vacuité et brèves de comptoir. Fargues en petite forme.

Fascination

10 étoiles

Critique de Mary.nana (, Inscrite le 24 mars 2005, 74 ans) - 12 avril 2007

Je viens de lire ce roman, je ne connaissais pas Nicolas Fargues, et j'ai été fascinée par ce récit, par cette écriture qui envoûte comme l'étrange ambiance de "Diego", cette ville de Madagascar où se retrouvent quelques français, chacun à la recherche de quelque chose, ou bien arrivés là contre leur gré, mais tous vivant des moments très forts dans la moiteur et les senteurs indigènes.
Je n'ai pas lâché ce livre jusqu'au bout, et j'ai très envie de retrouver cet auteur dans une autre de ses oeuvres.

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