Un peu de désir sinon je meurs de Marie Billetdoux

Un peu de désir sinon je meurs de Marie Billetdoux

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Reginalda, le 19 juin 2006 (lyon, Inscrite le 6 juin 2006, 57 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 671ème position).
Visites : 3 658  (depuis Novembre 2007)

A propos d'un attachement durable

Si vous avez déjà une indigestion rien qu’en voyant la quatrième de couverture d’un livre d’autofiction (l’énième), je vous invite quand même à lire Un peu de désir sinon je meurs, malgré votre réticence et son titre lamentable. A la différence de tant d’autres ouvrages où l’on se raconte, il donne tout sauf l’impression de déjà lu : même les procédés banals qu’il contient (dont le choix de s’adresser à son éditeur) n’arrivent pas à réduire sa bizarrerie essentielle. Là où Christine Angot a dû s’attribuer un père incestueux et des amantes pour avoir de quoi mériter l’attention publique, Raphaëlle Billetdoux (qui ne s’appelait pas encore Marie) et Paul Guilbert se sont contentés de vivre en toute discrétion une histoire d’amour tissée d’inédit au quotidien, et qui a pu donner lieu (puisque la mort de P.G. y a mis fin) à un récit restituant de façon on ne peut plus vivante l’originalité de ces deux personnages.
Leur idiolexie, leurs petits rites (reproduits à l’aide de fac-similés), leurs points communs et jusqu’à leurs incompatibilités, tels que l’auteur a su les rendre, font l’effet de l’histoire d’une espèce rare qu’on découvre juste après sa disparition – avec la tristesse de savoir qu’on ne croisera jamais ce couple, et avec l’étrange impression qu’il demeure dans le texte mieux qu’il n’a pu trouver sa place dans la réalité. De fait, la liaison des protagonistes semble avoir été perçue (pendant les trente-deux ans qu’elle a duré) comme quasi scandaleuse d’abord parce qu’elle ne correspondait à aucun modèle social, puis en raison de la ténacité de leurs liens – ce qui nous amène à noter que s’il peut être avantageux de se dire échangiste ou sado-masochiste, les vraies affinités et les attachements durables ont fini par devenir tabou. Marie Billetdoux résume cet état de choses ainsi : « On était un hors-la-loi pour tout le monde, on était un roi à l’intérieur. » Son livre donne une idée très exacte du « royaume » en question, comme du désastre qu’est sa perte : votre pair disparaît, vous n’êtes plus vous-même ; la survie n’est plus guère qu’un constat de l’impuissance humaine. Raphaëlle a trouvé le moyen de se distancier de la sienne en décidant de s’appeler Marie. Récemment, on lui a attribué le (premier) Prix de l’Héroïne, ce qui en fait au moins un dont la lauréate le mérite bel et bien. Si son livre n’est pas de la grande littérature, c’est un document d’une qualité peu courante, d’une belle écriture et dont la lecture est bouleversante.

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cher disparu

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 12 septembre 2020

Un roman qui n’en est pas un, écrit par une romancière célèbre qui n’a pas osé signer du nom qui a fait sa renommée, Raphaële Billetdoux. Des bouts de papier, portant l’écriture en pattes de mouche de Paul Guilbert, son cher disparu, de longues citations des articles qu’il écrivait régulièrement pour le Quotidien de Paris (1974-1994), le tout entrelardé des petites touches apportées par l’auteure et de quelques-uns de ses propres articles parus dans le Figaro. Un portait en flou, comme la photographie qui orne la jaquette, d’un homme qu’elle a aimé, mais on devine aussi haï, depuis ses débuts précoces de romancière jusqu’à la toute fin de sa vie à lui, homme "à femmes" et pygmalion de la belle Raphaële. En guise d’épitaphe, des portraits, Juliette Drouet et Victor Hugo, Milena Jesenka et Franz Kafka, Georges Simenon, comme pour nous montrer la façon dont, aujourd’hui, elle évalue cette liaison ardente qu’elle a abondamment décrite dans ses romans les plus célèbres. Un roman impressionniste, que l’auteure de "Mes nuits sont plus belles que vos jours" n’avait sans doute pas très envie d’écrire mais qui éclaire d’un jour étrange sa personnalité. À lire, pour le plaisir que procure une écriture raffinée, à la limite du maniérisme, à l’exact opposé d’une Annie Ernaux avec qui elle partage pourtant une même inspiration : l’amour, dans toutes ses acceptions…

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