Viol : Une histoire d'amour de Joyce Carol Oates
( Rape : a love story)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Ce que maîtriser son sujet veut dire
L’histoire du viol collectif commis sur Tina Maguire, trentenaire pétillante, en présence de sa fille dans un hangar à bateaux n’a rien de très réjouissant. Sujet délicat donc, mais traité avec quelle maestria par la très grande Joyce Carol Oates.
La victime n’a pratiquement pas la parole , comme pour mieux montrer que la douleur peut être indicible, surtout lorsque les violeurs, conseillés par un as du barreau, invoquent contre l’évidence des actes consentis ( après tout, comme le souligne si bien l’auteur, « la vérité n’est qu’une attirance parmi d’autres. »).
C’est bien là que se situe la grande force du roman : ce qui est suggéré est plus fort et plus parlant que ce qui est dit explicitement; utilisé pour dévoiler les sentiments et les douleurs les plus intimes des personnages, mais aussi pour renforcer l’intrigue ( c’est là qu’on se souvient que J. C. Oates a écrit des polars sous le pseudo de Rosamond Smith), le non-dit s’inscrit comme la clef de voûte de cette belle et subtile construction.
Et puis, il y a Béthel, la fille de Tina. Personnage central du roman, elle est le lien, l’intermédiaire entre Dromoor, moitié ange gardien, moitié justicier , et sa mère qui ne croit plus en grand chose, à commencer par la justice de son pays. Elle est aussi le point d’appui d’une narratrice qui l’interpelle, elle, la victime collatérale du viol de sa mère. Ainsi le lecteur comprend vite que, pour Béthel, il y a désormais un « avant » et « un après » et que la vie et ses problèmes s’affrontent seul(e) : « Tu apprenais que, lorsqu’on ne parle pas de quelque chose, même les gens qui vous sont proches, les gens qui vous aiment, supposent qu’elle n’existe pas ».
Trop de romans au titre abscons, ou trop beau, cachent une histoire étique, mal ficelée, quand il y en a une ; celui-ci, au contraire, s’il propose un titre qui va droit au but, donne la mesure du talent et de la maîtrise de J.C. Oates à piloter une histoire, à dérouler une intrigue.
La science de cette romancière est impressionnante, et, quand elle trouve pareille concrétisation, nous aurions vraiment tort de bouder notre plaisir.
Les éditions
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Viol [Texte imprimé], une histoire d'amour Joyce Carol Oates traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
Philippe Rey / ROMAN ETRANGER
ISBN : 9782848760544 ; 3,37 € ; 23/03/2006 ; 176 p. ; Broché -
Viol [Texte imprimé] Joyce Carol Oates traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
Points
ISBN : 9782757802090 ; EUR 6,30 ; 04/10/2007 ; 182 p. ; Poche -
Viol : une histoire d'amour
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
Philippe Rey
ISBN : 9782848763965 ; EUR 7,49 ; 23/01/2014 ; 182 p. ; Format Kindle
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que justice soit faite…
Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 9 février 2020
Superbe
Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 28 août 2011
Peu à peu, plusieurs des agresseurs sont arrêtés, reconnus par Bethie derrière une glace sans tain. Bethie est recueillie par sa grand-mère. Mais voilà que sournoisement, la rumeur enfle : "La parole de cette femme contre la leur. Tout le monde peut crier au viol". Avant même que Tina sorte du coma. Quelle idée aussi, à son âge, de s'habiller comme une adolescente aguicheuse, d'habituer sa fille à sortir la nuit ; on la dit volage, au fond, elle a bien cherché ce qui lui est arrivé. Après la sortie du coma, des séquelles neurologiques graves sont apparues : difficultés à trouver des mots, amnésie partielle, Tina ne se souvient de rien tout d'abord. Et voilà que les violeurs prennent pour avocat Kirkpatrick, un habitué des causes indéfendables, qui pense que pour les membres d'un jury, "la vérité n’est qu’une attirance parmi d’autres" et que "un doute raisonnable, c'est ce qu'il faut à un jury". D'ailleurs, il "ne suffit pas que ce soit arrivé. Que Tina Maguire ait failli mourir. Il faut aussi que ce soit prouvé". Il est de plus certain qu'il suffit d'un "bon contre-interrogatoire, et elle [la victime] serait discréditée". Et malgré les preuves matérielles indéniables de l'agression (ADN, sperme des suspects) que la procureure énonce lors de l'audience préliminaire, l'avocat retourne la situation en faveur des accusés en prétendant qu'ils ont tenté d'obtenir les faveurs de la jeune femme contre paiement, que l'acte était donc consenti, que Tina réclamait plus qu'ils ne voulaient donner, qu'ils sont partis en colère après l'avoir seulement légèrement frappée, et que c'est un autre groupe de jeunes qui a commis les violences qui ont failli la tuer.
Tina, très diminuée, est estomaquée, incapable de prendre la parole, tant sa douleur morale est indicible ; c'est une femme brisée. Après cette audience, elle s'alite, refuse tout contact, même avec la procureure chargée de l'accusation, et refuse d'en dire plus, désespérée de la justice. Dans la ville, les rumeurs enflent, les mères des accusés défendent avec acharnement leurs chérubins. Seul Dromoor pense qu'il faut agir, que la justice ne sera pas correctement rendue, car il a bien vu à l'audience la connivence entre le juge et l'avocat de la défense, "le regard qu'ils échangeaient, un regard indiquant une entente subtile, du respect. Il se dit Les salopards. Ils sont sûrement membres du même yacht-club". Devant le risque d'un acquittement scandaleux, c'est Dromoor qui va se charger d'une justice à sa façon.
Tout ça ne vous rappelle rien ? Cherchez bien ! Non ? Eh bien, à moi, ça me rappelle plein de choses, beaucoup même, énormément ! Je suis bouleversé de cette lecture, j'ai été scotché par ce court roman de Joyce Carol Oates, intitulé Viol, une histoire d'amour (Seuil. Points, 2007). Totalement ému par ces personnages dévastés, tandis que les violeurs plastronnent, sûrs d'être acquittés. Par cette petite Bethel, deuxième victime, harcelée par ses camarades de collège, tous plus ou moins parents ou amis des familles des violeurs, et qui n'ose pas parler de ce harcèlement à sa grand-mère ni à sa mère : elle ne dit rien même, plus tard, à son mari. Elle comprend qu'il faut épargner "les adultes de ta famille". En effet, "lorsqu'on ne parle pas de quelque chose, même les gens qui vous sont le plus proches, les gens qui vous aiment, supposent qu'elle n'existe pas".
Et puis, je lis ceci : "Kirkpatrick a chargé une équipe d'enquêteurs juridiques d'essayer de salir les victimes de ses clients. Sa stratégie consiste à attaquer les victimes, Martine Maguire en l'occurrence, à donner l'impression qu'elle a cherché ce qui lui est arrivé. Kirkpatrick pense que si les jurés ont le sentiment qu'une victime mérite sa punition, ils n'ont pas envie de punir l'accusé, mais s'identifient à lui". Ce passage ne vous rappelle-t-il pas des événements récents ?
En fin de compte, tous les viols ou les tentatives de viol, se ressemblent. Les victimes sont salies de toute façon. Deviennent coupables, en quelque façon, comme on le voit dans une affaire actuelle. On comprend pourquoi, au final, la plupart ne portent jamais plainte.
Un titre banal pour un livre qui ne l'est pas
Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 28 mai 2010
Ce fut le cas ; une écriture fluide, une atmosphère pesante, l'aperçu d'un espoir tout au fond de l'histoire, des personnages sincères envers le lecteur, qui décrivent leurs émotions sans jamais tomber dans les banalités ou l'extravagance.
Le fait que le narrateur s'exprime essentiellement au travers de la fille de la victime, témoin passive du viol, rajoute de l'intérêt et de la douleur à l'histoire.
Il ne se passe pas grand chose ici, mais le livre n'est pas trop long, ce qui nous laisse juste le temps d'admirer les diverses facettes du talent de JC Oates.
Dur, mais magnifique !
Critique de Laurent63 (AMBERT, Inscrit le 15 avril 2005, 50 ans) - 18 mai 2007
L'amour sera plus fort
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 26 juillet 2006
Un 4 juillet comme tant d'autres à Niagara Falls, un viol collectif, une enfance qui prend subitement fin et le commencement d'atroces rumeurs disant "Elle l'a bien cherché". Face au poids des accusations et du doute qu'elle lit partout dans le regard des autres, Tina Maguire préfère se taire, renoncer au procès et s'enfermer dans une semi-démence éthylique. Sa fille Bethel veille, aidée par Dromoor, un flic qui exerce la justice de manière très particulière.
Pas de voyeurisme chez Joyce Carol Oates, ce n'est pas son truc et c'est très bien. Ses mots pour dire ce qu'il y a autour d'un fait sont bien plus percutants que toutes les images qu'elle voudrait nous livrer. Très tôt la révolte s'installe face à cette injustice hélas encore trop fréquente de la victime devenue coupable. On ne sort pas indemne de cette lecture, il y a de la colère mais aussi énormément d'attachement ressenti pour les protagonistes, tant Tina que Bethel.
Oates n'a pas son pareil pour raconter la noirceur et la souffrance en les conservant vivantes, palpables, presque remplies d'espoir. Parce que même quand tout est noir, il y a de la vie. Encore et toujours.
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