Fin de partie de Samuel Beckett
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre
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Posthume avant la mort
En attendant Godot fait de l’ombre à Fin de partie. Cette deuxième pièce de Beckett a pourtant été jouée presque aussi souvent. Alfred Simon, grand spécialiste de Beckett, lui reproche de manquer de la spontanéité de Godot. Ce n’est de sa part qu’un bémol discret dans une critique par ailleurs élogieuse, bémol auquel cependant, personnellement, je ne souscris pas – peut-être simplement parce que, contrairement à une bonne partie du public, j’ai découvert Fin de partie avant Godot, en livre comme sur scène (Pierre Dux dans le rôle de Hamm, au TEP, au tout début des années 80, m’a laissé un grand souvenir), et que l’on reste attaché au souvenir d’une première rencontre. Beckett lui-même toutefois, après avoir terminé cette deuxième pièce, la jugeait plus aboutie que celle qui venait de le rendre célèbre.
La comparaison entre les deux pièces reste cependant pertinente, car elles présentent des parentés de forme et de thème qu’on ne retrouvera plus dans les pièces suivantes : même nombre de rôles (quatre, si l’on veut bien oublier les interventions du garçon messager de Godot à la fin de chaque acte) pareillement distribués par couple. On retrouve un couple maître-valet : c’était Pozzo et Lucky dans Godot, c’est Hamm et Clov dans Fin de partie, qui jouent cette fois les premiers rôles. (Il est à noter que ce couple maître-valet est une tradition ancienne au théâtre, aussi bien dans la comédie que dans la tragédie. Cela tombe bien : les pièces de Beckett sont les deux à la fois.) L’autre couple en est un vrai, homme et femme, Nagg et Nell, dont on ne verra que la tête émergeant sous le couvercle d’une poubelle, et qui seront reconnus comme les parents de Hamm. Comme dans Godot, on retrouve l’attachement au lieu, dont les personnages sont incapables de s’arracher : outre Nagg et Nell qui perdirent leurs « guiboles » lors d’un accident de « tandem » (le choix du véhicule est évidemment significatif) et qui, malgré la promiscuité dans laquelle ils survivent (leurs poubelles respectives sont à côté l’une de l’autre), ne parviennent même pas à s’embrasser ; Hamm lui-même est impotent, incapable de se lever de son fauteuil roulant, et exige de Clov avec une précision tyrannique et angoissée qu’il le place exactement au centre de la pièce (ce souci de la position centrale fait écho aux préoccupations du narrateur de l’Innommable). Quant à Clov, symétrique exact de Hamm, il est incapable de s’asseoir ; et tandis que Hamm prend son plaisir dans la parole, allant jusqu’à improviser oralement ce qu’il appelle son « roman » (ayant pris soin au préalable d’acheter l’attention médiocre de Nagg en lui promettant un biscuit) ; Clov, beaucoup moins loquace, est le seul personnage mobile de la pièce, incapable cependant de quitter le despotique Hamm, et de sortir de la pièce où la pièce se joue.
Car, contrairement, à Godot, Fin de partie se joue dans un espace clos (comme l’échiquier, auquel le titre anglais Endgame fait référence d’une manière plus explicite encore que le titre français). La scène est un intérieur, éclairé par deux fenêtres très petites et très hautes (Clov y grimpe au moyen d’une échelle pour regarder dehors), se faisant face. Il n’est clairement pas question de sortir. Le monde extérieur, décrit par Clov à la demande de Hamm, se limite à du gris. Il n’y a rien dehors, sinon, à un moment donné, un « gosse », dont la présence panique Hamm, qui voit en lui un « procréateur en puissance » (comme la puce dont les piqûres démangent Clov). Cependant l’impression donnée est bien celle d’un monde posthume, dont il n’a plus rien à espérer. C’est sans doute la raison pour laquelle, après avoir été d’abord tenté par une composition en deux actes, comme dans En attendant Godot, Beckett a finalement rassemblé sa pièce en un acte unique (il reviendra aux deux actes dans Oh les beaux jours). Malgré les parentés avec En attendant Godot, on sent que Beckett, après cette pièce ouverte en terme d’espace et de temps (Godot est une pièce à récurrences cycliques) ; a cherché une forme close. Le « vieux linge » que Hamm met sur son visage à la fin de la pièce est aussi bien une synecdoque du rideau théâtral que l’image sans retour possible du linceul.
Les éditions
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Fin de partie [Texte imprimé] Samuel Beckett
de Beckett, Samuel
les Éditions de Minuit / Théâtre
ISBN : 9782707300706 ; 6,80 € ; 01/07/1978 ; 112 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (10)
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Ca y est, c'est fini, ça va finir, ça va peut être finir....
Critique de Kian996 (, Inscrit le 30 juin 2012, 28 ans) - 27 janvier 2013
Les personnages, Clov et Hamm attendent dès le début de la pièce un rebondissement qui n'arrivera jamais jusqu'à la fin. Hamm est immobile au centre de la pièce, il parle pour que le silence ne prenne pas le dessus, il se plaint de sa santé de sa vie. Clov son présumé fils et ses parents Nagg et Neil sont autour de lui et tentent de fuir cette atmosphère chaotique. Mais la vie est une attente permanente, Hamm tente d'écrire un roman pour s'évader se rattacher à un monde intellectuel. Beckett disait que Rien n'est plus drôle que le malheur, je crois qu'au fond il a raison. La dérision avec laquelle il décrit les personnages est telle que le lecteur se prend au jeu. L'intrigue est mince, on peut se demander si Clov va quitter Hamm à la fin de la pièce et on voudrait aussi connaître la fin du roman de Hamm. Sinon rien, les personnages sont condamnés dans cette pièce vide où les fenêtre sont haut perchées à tuer le silence, le temps qui passe et même la vie. L'art est inaccessible:
Le tableau est retourné. Beckett fait donc une belle mise en abîme du théâtre, les personnages se voient comme des acteurs qui doivent incarner un rôle. Clov symbolise le serviteur, et Hamm le procréateur en puissance et le tyran. C'est une belle pièce qu'il faut lire pour comprendre que le théâtre ne repose pas seulement sur une intrigue et des personnages. Le temps est figé et Clov regarde de temps à temps le dehors pour voir se refléter sa propre vie.
Le lecteur est en proie à l'attente cette attente interminable qui fait néanmoins la beauté de la pièce. Une pièce sombre mais indispensable.
Ennuyant
Critique de Marinebds (, Inscrite le 24 décembre 2010, 31 ans) - 13 février 2011
Le but de l'auteur a été merveilleusement atteint : ENNUYER LES LECTEURS. Il l'a dit clairement lors d'une Interview, et je le rassure : dès les premières pages j'ai trouvé ça ennuyant.
J'ai dit ennuyant pas inintéressant. C'est du Beckett, c'est de la grande littérature. Enfin de la littérature mêlée aux mathématiques.
La façon dont Beckett traite les relations, qu'elles soient entre Hamm et Clov ou Hamm et Nell/Nagg est vraiment intéressante. Personnellement j'y vois un lien avec sa propre vie familiale ( les relations tendues avec sa mère ), mais ce n'est que mon avis.
ce livre m'a ennuyée à la lecture, et je pense que si j'ai la chance de le voir au théâtre, je m'ennuierai aussi. Mais c'est un CHEF D'OEUVRE
Une page, puis une autre, puis ... déjà la fin ?
Critique de Tochinette (, Inscrite le 8 mai 2010, 30 ans) - 25 octobre 2010
Mais qu'est-ce que ça fait du bien de lire un livre comme ça !
Totalement absurde. Le lecteur cherche à tout prix à comprendre ce qui se trame dans cette pièce, à saisir les évènements, à les extraire et les assembler, à en faire une histoire qui n'en est pas. Enfin, c'est ce que j'ai cherché à faire.
J'étais suspendue à chaque fin de phrase dans l'attente de ce que je trouverais après, une attente qui est toujours présente, même une fois le livre terminé.
Une pièce bien trop courte, qui mérite que l'on s'intéresse à son humour noir et son absurdité.
La fin est dans le commencement, et cependant on continue...
Critique de Ianf (, Inscrit le 30 août 2010, 30 ans) - 8 septembre 2010
Fin de partie, c'est aussi la mise en évidence de la misère de la condition humaine dans tout ce qu'elle a de plus ignoble, de plus inutile. Oui, l'homme est inutile, la vie est un fardeau (Hamm dira à son père : "Salopard ! Pourquoi m'as-tu fait ?"), et l'attente d'une mort qui semble refuser de se montrer : Hamm prie pour que ça ne "rebondisse pas", et si "quelque chose suit son cours", si "ça avance", les personnages continuent d'attendre, mais en vain : la fin de la pièce est un écho au début, et si quelques éléments peuvent faire penser qu'en effet, ça va finir, l'impression de boucle et d'éternel recommencement nous fait réaliser que ce n'est pas fini. Clov l'annonce lui-même, dès la première (et somptueuse) réplique de Fin de partie : "Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir." Fin de partie nous raconte une fin qui n'en finit pas de finir, et qui au fond, semble ne jamais vouloir s'achever.
Mais, plus que tout encore, Fin de partie est l'éloge du théâtre le plus fascinant qui existe. Cette pièce, si elle s'éloigne du théâtre traditionnel comme le théâtre shakespearien (d'ailleurs, Beckett y fait de multiples allusions : "Mon royaume pour un boueux", dira Hamm), est en fait au plus proche du théâtre, car c'est dans cet art qu'elle puise toute sa force. Les personnages sont des acteurs en train de jouer (Clov sert "à donner la réplique" à Hamm, qui se demande : "Pourquoi cette comédie, tous les jours ?"), comme le suggère la première pantomime de Clov ; ils dialoguent dans cet espace exigu qu'est la scène de théâtre. Les objets, le décor, les mouvements comptent davantage que les paroles et que l'intrigue, preuve évidente que c'est au coeur de l'essence théâtrale que Beckett puise toute la force de son oeuvre.
Fin de partie, pièce en un acte emplie de métathéâtralité (théâtre dans le théâtre), combine tous les thèmes chers à Beckett : la condition humaine faible et misérable (on n'est pas sans penser à Pascal en lisant la pièce), les relations entre individus, le langage qui perd sa splendeur et se déconstruit ("tout est a - (bâillements) - bsolu"...), et surtout le théâtre. Car Fin de partie, en tant que pièce qui va à l'encontre du modèle théâtral ordinaire (personnages vides, absence de scène d'exposition et de fin, langage déconstruit, aucune intrigue, références classiques détournées tel le couple maître-valet qui devient le couple parodique Hamm-Clov, etc.), est en fait le théâtre en lui-même. C'est ça qui en fait un chef-d'oeuvre, et même très certainement supérieur à En attendant Godot.
Chers a-littéraires...
Critique de Jad Alain Geoffroy de Seif de la Montagn (, Inscrit le 18 août 2010, 33 ans) - 18 août 2010
On s'est tué, on se tue, et rien ne changera dans le futur, à ne voir que la surface d'une oeuvre, sans chercher à creuser plus bas. Une oeuvre, est-ce une histoire? Non, il y a un sens, parfois caché, d'où la présence dans notre monde de commentateurs littéraires. Cette oeuvre, ce n'est pas l'histoire de deux hommes qui s'emmerdent. A mon avis, c'est l'histoire d'un mensonge. On y voit un monde post apocalyptique. Mais c'est ce que prétend Hamm. D'où viennent alors les rats, puce ou l'enfant à la fin de la pièce? On m'a dit que Hamm ne pouvait pas vivre sans Clav et que Clov ne peut pas vivre sans Hamm. Cela est vrai en ce qui concerne Hamm, mais Clov peut vivre sans Hamm. On prétend que Hamm est le seul qui a la combinaison du garde-manger. Très drôle! Il est aveugle, il ne peut pas se lever, donc même s'il l'avait, ce code, il ne pourrait l'utiliser. Il a l'habitude de raconter des histoires mélangeant réalité et imaginaire. Et s'il ne faisait que mentir? Si le monde à l'horizon était peuplé, vert?
L'essentiel, quand on juge d'une oeuvre, c'est de voir toutes ses constructions. On n'a pas dit par hasard que c'était un hasard. Beckett sait écrire, il sait laisser en nous le sentiment d'ennui, mais aussi sait-il dissimuler les choses, en faire des éléments latents de son oeuvre.
Que dire ?
Critique de Simplicité (, Inscrit le 6 août 2010, 31 ans) - 7 août 2010
Mots à retenir, pour lire ce livre. Il faut une certaine maturité pour l'apprécier. Autant que des livres aux longues descriptions. Ce livre est court, très court (trop court) il est absurde. On pourrait même dire de lui qu'il est surréaliste.
Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu une pièce comme ça !!!
Critique de Florian Bouillon (, Inscrit le 30 juin 2010, 32 ans) - 1 juillet 2010
Nihilisme clownesque
Critique de Matthias1992 (, Inscrit le 27 août 2007, 32 ans) - 14 mars 2009
Ils restent en vie, certes, ils vivent, ils respirent, mais sans but, sans motivation, sans ne croire à rien, ni même à l'amour ou au bonheur (HAMM- As-tu jamais eu un instant de bonheur? CLOV- Pas à ma connaissance.)
La seule preuve tangible de leur existence, est cette parole, cette parole destructurée et aussi absurde que leur vie, ces mots qu'ils profèrent sans avoir l'air de se soucier de leur sens, sans avoir l'ambition d'aller vers une communication ou un échange, une conversation. Cette parole totalement vaine, totalement dérisoire, qui ne change rien, qui ne fait rien évoluer, par laquelle rien n'est décidée, qui est tout simplement articulée pour rien, pour faire passer le temps, en entraînant pas la moindre conséquence, pas le moindre changement, mais qui semble être en même temps la seule fonction des personnages représentés (CLOV- A quoi est-ce que je sers? HAMM- A me donner la réplique.). Cette parole qui fourmit de contradictions, de paradoxes, qui ne veut rien dire, sans aucun message, qui exprime avec un incroyable brio tout le tragique teinté de grotesque qui est la marque de fabrique de Beckett, cette absurdité témoignant à la fois d'un désespoir existentiel absolu, mais la mascarade pitoyable que la pièce met en scène renvoie aussi à un ineffable esprit grotesque et clownesque. Un tour de force.
Absurde, vous avez dit absurde
Critique de Nomade (, Inscrite le 14 février 2005, 12 ans) - 31 décembre 2007
J'imagine à chaque fois cette pièce et ses protagonistes en noir et blanc. Comme les fameux épisodes de la Quatrième dimension. Tout est absurde et on est toujours surpris par la fin.
Noir, c'est noir...
Critique de Albireo (Issy-les-Moulineaux, Inscrit le 14 janvier 2006, 47 ans) - 17 mai 2007
"Hamm : Salopard ! Pourquoi m'as-tu fait ?
Nagg : Je ne pouvais pas savoir !
Hamm : Quoi ? Qu'est-ce que tu ne pouvais pas savoir ?
Nagg : Que ce serait-toi."
Ce huis-clos en un acte laisse une impression dérangeante et amère par une conception totalement pessimiste et nihiliste de la destinée humaine.
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