La fille tatouée de Joyce Carol Oates
( The tatooed girl)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Joyce Carol Oates en grande forme
En refermant ce livre, je me suis dit "Quel génie!". Parce que la fin, qui pourrait sembler banale ou facile, est en réalité une interrogation profonde et dérangeante sur le sens de la culpabilité et de la vengeance. Une réflexion qui prend tout son sens quand on sait qu'à de nombreuses reprises dans le roman, il est question de l'Holocauste, du révisionnisme et du poids de la faute à porter. Joyce Carol Oates réalise ici un coup de maître en glissant autant d'intensité dans un roman qui raconte une histoire somme toute assez simple de relation entre un professeur d'université fou de Virgile et de littérature liée à l'Holocauste et sa jeune assistance, femme brute et insensible, qui n'a qu'une idée en tête, le tuer. Parce que petite, on lui a dit qu'il fallait haïr les Juifs et que Joshua Seigl, son employeur, est Juif. Nous sommes à Mount Carmel, le récit se déroule de nos jours et aujourd'hui encore (l'actualité nous le répète hélas tous les jours), l'obscurantisme fait son sale travail.
Beaucoup de sensisibilité et de pudeur dans la plume de Oates et aussi, comme toujours chez elle, cette habileté à décrypter les sentiments humains et à les exposer via des monologues de qualité. Que ce soit Seigl sur sa maladie qui peu à peu le diminue tant physiquement que moralement. Ou Alma Bush qui se convainc tant bien que mal que son employer doit être haï et en même temps, plaint et aidé.
A mes yeux, un des meilleurs de l'auteur, d'une autre veine mais tout aussi plaisant que "Les chutes". La plume de Joyce Carol Oates, déjà de très bonne qualité, gagne en maturité et en excellence au fil des années. Les situations ou les faits qu'elle dénonce le sont avec plus de subtilité encore et leur actualité permanente n'en est que plus dérangeante.
La fin de ce livre m'a fait penser à ce que j'avais éprouvé lorsque le film Dogville s'achève: un malaise par rapport à la vengeance que l'on souhaite pourtant (ce qui n'est pas forcément le cas de tout lecteur ici, mais cette vengeance fait partie intégrante du récit), tout en sachant que ce n'est guère très moral. Et de la moralité, chez Joyce Carol Oates, il en est souvent question, mais pas toujours celle qu'on imagine...
Les éditions
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La fille tatouée [Texte imprimé], roman Joyce Carol Oates traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
Stock / La Cosmopolite (Paris)
ISBN : 9782234058767 ; 2,97 € ; 06/04/2006 ; 373 p. ; Broché -
La fille tatouée [Texte imprimé], roman Joyce Carol Oates traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
le Livre de poche / Le Livre de poche
ISBN : 9782253120919 ; 0,99 € ; 01/10/2008 ; 416 p. ; Poche -
La fille tatouée [Texte imprimé], roman Joyce Carol Oates traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
Points / Points (Paris)
ISBN : 9782757854624 ; 7,90 € ; 25/10/2018 ; 408 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (13)
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L'écrivain et la pauvre fille
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 4 septembre 2020
Ce roman est parfaitement construit et inconfortable. Les personnages principaux ne sont pas sympathiques au lecteur. La plupart des romans modernes possèdent des personnages nuancés afin d'être plus fidèles à la réalité. Dans "La Fille tatouée", les personnages possèdent un nombre de défauts suffisants qui empêchent le lecteur de s'attacher à eux. Pourtant, l'intérêt est vif et l'on souhaite vraiment voir comment la trame va se dérouler. Le personnage d'Alma est pathétique, au vrai sens du terme, au début du roman pour devenir plutôt une figure tragique à la fin du roman. Il est remarquable de constater comment Joyce Carol Oates dissémine des informations au fil du roman qui serviront à précipiter la fin. Certaines se referment sur les acteurs.
L'écriture de l'écrivaine est vraiment intéressante. Elle est moderne, nerveuse parfois, tout en plongeant le lecteur avec justesse dans la psyché de ses personnages. Parfois un personnage réalise uniquement une action brève dans tout le chapitre mais ce dernier est morcelé par de nombreux souvenirs du protagoniste. Ce procédé permet vraiment de se familiariser avec ces individus. Et ce qu'on y découvre parfois est bien sombre.
Le roman brasse de nombreux thèmes comme l'antisémitisme, le jugement d'autrui, la misère, les rapport de domination, la solitude, l'égoïsme ...Le roman questionne aussi sur la haine et cet instinct redoutable et répréhensible qui fait que parfois l'on s'en prend aux victimes, comme si la position d'infériorité possédait en germe la haine suscitée chez l'autre. Joyce Carol Oates est une boulimique de l'écriture et le lecteur sent nettement qu'elle maîtrise sa narration. Ce roman remue et interroge. On en vient parfois même à ressentir des émotions très fortes, voire même certaines que l'on ne voudrait pas ressentir, un peu à la façon des tragédies, genre peu éloigné de ce roman. Qu'il est difficile de dire ce que le lecteur ressent pour cette Alma !
Pas la J.C. Oates que j'aime
Critique de Maria-rosa (Liège, Inscrite le 18 mai 2004, 69 ans) - 13 octobre 2009
Il me semble qu'elle fait depuis quelque temps dans le sensationnel et le best seller...
C'est bien écrit, oui, mais ça manque un peu de la magie de certains de ses livres comme "Blonde" ou "Les chutes".
Un peu trop fébrile, débridé. Je n'ai pas très bien compris où elle voulait en venir. Fin pas très réussie, un peu n'importe quoi. Pas pour moi.
Joshua et Alma
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 12 octobre 2009
Pourtant Alma retient l’attention de Joshua Seigl, écrivain d’une petite quarantaine d’années, pour qui la célébrité et la réussite sont arrivées très tôt. Il est de l’autre côté du miroir américain, le côté de l’élite qui n’a pas de soucis et à qui tout sourit.
Mais tout ne sourit pas pour autant à Joshua puisque son état de santé évolue de manière inquiétante, diagnostiqué de manière laborieuse et tardive ; une dégénérescence nerveuse qui affecte son équilibre, aussi bien physique que mental. Joshua commet l’erreur bizarre, à défaut d’être fatale, d’engager Alma comme assistante. L’assister dans la frappe de ses manuscrits, ranger ses dossiers épars, classer et répondre à son courrier, telles devraient être les tâches d’Alma.
Pratiquement analphabète, celle-ci finira par se cantonner, par force, dans la gestion de la maison ; linge, ménage, entretien … C’est dire qu’elle ne correspond pas vraiment au profil. Mais une relation psychique intense lie Joshua à Alma qui l’empêche de s’en séparer et il la défendra contre vents et marées.
Elle n’a d’abord de cesse que de haïr Joshua qu’elle considère comme juif. Or, mal entourée, peu éduquée, elle s’est laissée dire qu’il fallait haïr les juifs. Donc elle hait. Elle nuit tant que faire se peut, avant d’évoluer progressivement. De la même manière que la maladie nerveuse de Joshua progresse.
Joyce Carol Oates fait son miel de tout ceci et intègre moultes personnages secondaires aux personnalités marquées. Ca en fait un roman vivant, avec rebondissements, aux études psychologiques justes. Pas une totale réussite en terme d’intérêt à mes yeux pourtant. A quoi tient la magie qui fait qu’un roman vous impressionnera davantage qu’un autre ? Heureusement qu’on ne sait pas répondre à cette question !
« Je hais le Juif »
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 13 septembre 2009
Je suis déçue!
Critique de Gabri (, Inscrite le 28 juillet 2006, 38 ans) - 1 septembre 2009
« Je hais hais hais »
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 30 juillet 2009
L’écrivain, fils d’un juif mort à Dachau, décide d’engager un assistant pour faire face au désordre que sa notoriété a généré dans sa maison mais tous les candidats qui se présentent ont un petit défaut qui déplait à l’employeur. Et, c’est dans son bar habituel qu’il croise cette fille paumée, avec un vilain tatouage sur la joue, qu’il embauche surtout par pitié et peut-être aussi pour se donner bonne conscience. Ainsi, se trouvent réunis, sous un même toit, deux personnages que tout oppose, un écrivain juif, ou presque, cultivé, raffiné, talentueux et plutôt doux et aimable et cette fille surgie comme de nulle part mais en fait du fond du pays minier où végète une maigre population qui a refusé d’évacuer le village quand les mines ont pris feu et pollué l’atmosphère. C’est l’opposition de deux cultures, de deux histoires, lourdes toutes les deux mais infiniment différentes, de l'instruction et de l’ignorance, du raffinement et de la rusticité, de la suffisance et de la rancœur.
Ce huis clos se déroule sur fond d’Eneide et d’Odyssée pour l’écrivain et sur fond de violence et de haine pour la fille qui est antisémite parce que son amant l’est et qu’il faut bien que quelqu’un endosse la responsabilité de la misère qu’elle a connue avant d’échoir dans cette maison. La situation ainsi créée aurait pu donner naissance à un beau roman mais Oates est restée dans le domaine narratif, racontant cette histoire avec force détails en nous entrainant dans le passé des protagonistes mais en ne sachant pas expliquer les mécanismes de la haine qui est le principal ressort de ce roman. Elle ouvre le discours sur de nombreux thèmes, l’holocauste, l’antisémitisme primaire, la culpabilité, le rôle de la famille, le devoir de mémoire, l’incommunicabilité, la rédemption mais ne les explore pas, laissant le lecteur sur sa faim.
Ce fait divers à l’américaine où le pauvre veut se venger du riche par la violence est d’une grande banalité mais la fin de l’histoire, même si elle est un brin filandreuse, peut laisser entrevoir une autre façon de considérer la vie de ces deux êtres réunis par le hasard. Mais pour que cette histoire devienne un grand roman, il aurait fallu qu’Oates dessine des personnages plus cohérents, son écrivain semble avoir le double de son âge dès les premières lignes du livre et la fille navigue entre un portrait bovin et des allures aguicheuses. Il aurait surtout fallu qu’elle maitrise mieux les ressorts de son histoire, La haine qui anime l’intrigue, semble trop gratuite, on ne voit pas bien comment elle se nourrit, comment elle enfle et comment elle peut aussi, parfois, se rétracter et même s’inverser. Tout comme l’antisémitisme semble un acquis et ne pas s’expliquer, ne pas vivre, ne pas croître et surtout ne pas mourir. Certes, l’auteur nous immerge totalement dans ce huis clos qui semble finalement plutôt banal avec ses sentiments contradictoires assez convenus mais on n’arrive pas à en bien comprendre les ressorts qui sont apparemment un peu fatigués.
Et, si une fois de plus un auteur va chercher des arguments, et l’inspiration, dans la shoah, Oates, en l’occurrence, n’apporte rien de nouveau à cette question et aurait pu éviter de ressasser ce problème pour en dire de telles banalités. Les victimes méritent peut-être mieux que cette évocation bien banale après tout ce qui a été dit et écrit depuis plus de cinquante ans.
Un autre essai peut-être?
Critique de Mallollo (, Inscrite le 16 janvier 2006, 42 ans) - 1 juin 2009
Agacée aussi par le thème de l'écrivain. J'ai l'impression ces derniers temps de ne lire que des livres sur l'écrit, l'écriture, les écrivains. J'imagine qu'on parle bien de ce qu'on connait bien, mais je commence à trouver ça un peu mono-maniaque.
En cherchant les points positifs à ce roman, un des seuls que je trouve, c'est "je l'ai lu jusqu'au bout". Pas sûr que je l'aurais fait si je n'avais pas lu ce livre dans le cadre du Prix CL, en réalité...
Je n'ai pas dit mon dernier mot; je serais curieuse de goûter un jour à un autre roman de Oates, en espérant y trouver davantage que cette fois-ci.
Beaux portraits
Critique de Shan_Ze (Lyon, Inscrite le 23 juillet 2004, 41 ans) - 29 mai 2009
Un livre étrange où deux personnages nous sont présentés. Deux personnages que j’ai eu du mal à aimer malgré les beaux portraits détaillés que nous fait Oates. Oates a tendance à noircir les traits de chaque personnage. On imagine bien Alma Busch une fille pas très belle avec beaucoup de haine pour son employeur mais qui cherche de l’amour et de la reconnaissance. Ou Joshua Seigl, un écrivain tourmenté par sa maladie, qui repousse toute compagnie. Les descriptions de Dmitri ou Jet sont aussi saisissantes. L’opposition de ces deux personnes très poignante, même si un peu floue. Un bon livre cependant sur l’antisémitisme et l’opposition des classes à travers 2 portraits remarquables.
Les tares américaines...
Critique de Pendragon (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 54 ans) - 7 mai 2009
Quant à notre ami l’écrivain, docteur, professeur… je veux bien qu’être totalement à l’abri du besoin nous éloigne de la société, mais lui, il est carrément sur une autre planète. Il n’est même pas capable de se comprendre lui-même, de s’analyser, de se remettre en question, de se soigner, tout simplement… à moins, bien sûr, que l’auteur n’ait voulu nous décrire une forme de folie ?
Le revirement de sentiment de la fille tatouée pour son patron n’est pas bien décrit pour moi, il me semble trop brusque, trop « fou » une fois de plus… « Quoi, vous n’êtes pas juif ? », « Non, ma mère ne l’était pas, donc, techniquement, je ne suis pas juif », « Ah bon », et hop, du coup tout va bien… non, même avec les prémisses supposées d’une Amérique tarée (sens premier), cela ne colle pas.
Alors oui, c’est une Amérique décalée qui s’exprime par ce bouquin, au travers de cette incompréhension infranchissable entre les classes sociales, mais un peu plus de subtilité, un peu moins de disproportion et de démesure aurait été appréciable et aurait rendu ce roman plus réaliste et donc plus captivant.
Ajoutons à cela un style qui, s’il n’est pas désagréable n’en est pas pour autant mirifique et tempérons malgré tout nos propos avec le fait que certaines réflexions ne sont pas dénuées de philosophie… et bon, 3,5/5 me semble bien coté.
Un peu glauque
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 12 mars 2009
Il reste que l'auteur capte notre attention et qu'on lâche difficilement le livre. Et puis le personnage prend une autre dimension à la fin du roman, mais trop tard, et finalement cela reste très sombre.
La nature du mal
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 12 mars 2009
Un roman fidèle au style de l’auteur, malsain, sans pudeur et absolument fascinant.
Pauvre fille...
Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 4 août 2008
On retrouve quelques défauts agaçants de la romancières, comme la lenteur de l'exposé ou la répétition de scènes sans nécessité.
Malgré tout un livre attachant !
A Philip Roth
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 1 août 2006
Deux mondes qui ne savent pas se comprendre, un crescendo de violence larvée, de haine, d’amour, une douleur constante. Ce roman est vite bouleversant, écrit brillamment, sans condescendance et encore moins complaisance, la plume de Oates est formidable de franchise, de pudique impudeur. Dépeindre l’Amérique au vitriol est très à la mode parmi son cercle d’intellectuels, certes. Wolfe, Roth, Oates sont là pour mettre un point d’honneur à ce sujet. Mais s’y prendre sans rictus méprisant, seulement avec un sourire triste ou un regard sincère donne toute sa qualité à un livre. Un livre comme « La fille tatouée ».
Première rencontre avec Oates : blessures et fascination. Un excellent roman.
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