Juillet, juillet de Tim O'Brien
( July, July)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Mais vieillir, oh vieillir ! Jacques Brel.
Paul Auster a écrit «Le livre des illusions », Tim O’Brien semble avoir écrit «Le livre des désillusions».
Le 20 juillet 1969 Neil Amstrong marchait sur la Lune, et les Américains s’embourbaient au Vietnam. Deux évènements qui vont changer la face du monde.
« Autrefois on parlait des accords de Genève, de la résolution du Tonkin. Maintenant on ne parle plus que de liposuccion et d’ex-maris ».
En juillet 2000, la promotion de 1969 fête avec un an de retard ses trente ans. Chacun amène ses rêves brisés, son corps fatigué et ses rancœurs amassées. L’alcool aidant, les anciennes amours offrent un semblant de rémission, puis les ex-amants se déchirent de nouveau. Il y a des manquants, l’une a été assassinée Karen, l’autre Harmon s’est noyé.
Chaque participant revient sur sa vie, très loin des idéaux de l’époque. David Todd, blessé aux jambes dans une rizière au Vietnam, apprend par la radio le décollage d’Apollo, à côté de lui, des hommes meurent, dix-sept au départ, lui seul à l’arrivée. Il a épousé Marla qui lui a dit «J’ai beaucoup d’affection pour toi, mais cela ne durera peut-être pas une éternité».
Billy Mc Mann a déserté s’installant au Canada, Dorothy ne l’a jamais rejoint «J’étais catholique, fan de Nixon. Que voulais-tu que je fasse ?». Il s’est marié, sa femme a été tuée par un chauffard, il a une aventure avec une jeune femme qui lui avoue que c’est elle qui conduisait.
Spook, la passionnera pacifiste, a deux époux, divers amants, mais Marv Bertel son meilleur ami est encore l’amoureux transi, toujours bredouille.
Amy s’est mariée à cinquante ans, a gagné beaucoup d’argent dans un casino pendant sa lune de miel, mais a perdu son mari qu’elle a quitté.
Ellie Abbot a eu une aventure avec Harmon, qui s’est noyé sous ses yeux, personne ne le sait, sauf un policier et elle craint un éventuel chantage.
Paulette Haslo est pasteur, mais démissionnaire de ses fonctions pour avoir eu des relations toutes platoniques avec un vieil homme. « La profession de pasteur fait fuir les hommes ».
Certains personnages sont très attachants, comme Marv Bertel ou Ellie Abbott. Marv est propriétaire d’une usine fabriquant des balais à franges, obèse et malade du cœur, au propre comme au figuré. En suivant un régime il atteint les cent kilos et divorce, continuant sur sa lancée il descend à quatre vingt cinq kilos et se remarie, pas une riche idée. Ellie, elle hésite à avouer la vérité à son mari, pour soulager sa conscience ; elle le fera, il l’a quittera.
D’autres sont complètement paumés comme Spook ou comme Billy encore amoureux d’une partie de son passé. Dorothy, elle se débat avec son physique depuis son cancer du sein et son envie de changement, elle culpabilise parfois d’avoir abandonné Billy pour épouser son meilleur ami. Mais comme lui dit un voisin » Choisis le confort, une belle maison, des belles voitures, il y a pire »
La nuit renforcera les rancunes, créera des adultères de passage. Et la journée du lendemain n’arrangera rien, même pas les gueules de bois.
Les classes moyennes américaines dans leurs obsessions, et leurs frustrations nées de la guerre du Vietnam. Ces gens pour qui petit à petit, le sexe, l’alcool, la drogue et l’argent remplaceront leurs idéaux. Et c’est leurs fuites en avant et la petitesse de leurs préoccupations qui feront le monde d’aujourd’hui.
Ce livre me touche particulièrement faisant partie de cette génération d’idéaliste niais, avec le recul, il me semble que j’ai loupé un épisode dans la vie du monde. Pour me consoler, je me dis que je ne suis pas le seul. Que me reste t-il, une chanson de Neil Young «Ohio*» et le sentiment que nos rêves étaient trop grands pour nous, mais que l’on avait encore des rêves !
Extraits :
-Jan Huebner, quand à elle n’avait jamais été jolie, ni mignonne pas même acceptable.
-« C’est ce qui l’a tué, observa Amy.
-Pardon ?
-L’espoir c’est fatal. »
-C’est que pour l’essentiel, sa vie n’avait pas été vécue, mais uniquement tissée d’espoirs.
Il aimait Dorothy. Et Dorothy aimait ? Son miroir.
-Peut-être n’ont-ils jamais eu le temps d’abandonner leurs rêves ?
-Elle avait le corps d’un mannequin et, le système nerveux central d’un processeur du Pentagone.
*Paroles dans chanson du jour.
Les éditions
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Juillet, juillet [Texte imprimé] Tim O'Brien trad. de l'anglais (États-Unis) par Sabine Porte
de O'Brien, Tim Porte, Sabine (Traducteur)
Flammarion
ISBN : 9782080684318 ; 11,75 € ; 01/08/2004 ; 360 p. ; Broché
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Le long du fleuve des rêves
Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 17 mai 2012
C'est trente plus tard, lors d'une réunion d'anciens élèves, que chacun des personnages, les yeux embués par les souvenirs, les regrets et l'alcool, se retrouve confronté à l'abîme de son existence faite d'échecs et de renoncements. Les blessures et les failles resurgissent, exacerbant les sentiments qui animent tous ces personnages en proie au désespoir. Que signifie cette vie perdue en conjectures, alors que les idéaux qui enflammèrent leur jeunesse se consumèrent au contact d'événements facétieux et souvent terrifiants ? Aujourd'hui ils sont confinés dans une réalité faite de petits riens, leurs corps usés par le temps aux même titre que leur volonté réduite à ne penser qu'à eux-mêmes.
Si le parcours de certains personnages peut paraître pathétique, il ne faut pas pour autant si tromper, car il s'agit bien là d'un reflet de nos propres existences, qui, quoi qu'on en dise (ne serait ce que pour faire illusion auprès des autres), ne sont pas l'incarnation même de la réussite tant espérée dans la primeur de notre existence. Un très bon roman qui explore les rêves et les espoirs avortés d'individus happés par la vie et les choix qu'ils ont dû faire autrefois.
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