L'infortunée de Wesley Stace

L'infortunée de Wesley Stace
( Misfortune)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Bluewitch, le 14 avril 2006 (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (26 911ème position).
Visites : 6 400  (depuis Novembre 2007)

Miss Fortune

Ce roman a une genèse étonnante. Son auteur, Welsey Stace, davantage connu sous son pseudonyme de John Wesley Harding, est un gentleman anglais sorti de Cambridge ayant décidé de se livrer à sa passion pour la musique folk en s’exilant aux Etats-Unis. La réussite sur le chemin, il a laissé son empreinte dans le monde musical, en accompagnant, entre autres, Bruce Springsteen.
De concert en concert, une chanson, surtout, suit Harding de manière de plus en plus obsédante : « Miss Fortune ». Cette chanson demande d’être développée, écrite, racontée, et de briser la limite des quelques vers accordés.
Wesley Stace décide d’en faire un livre. Misfortune. L’infortunée. Après six ans de recherches et d’écriture, le livre parait…

Début du XIXe siècle. Dans des circonstances scabreuses, un nourrisson est abandonné sur un tas d’ordures. Découvert par un richissime Lord anglais, Geoffroy Loveall, le bébé est recueilli et sauvé d’une mort certaine. Geoffroy Loveall est un homme malheureux, perturbé, en deuil éternel depuis le décès de sa jeune sœur Dolores. Cloîtré depuis des années, incapable de nouer des liens sociaux, Geoffroy était voué à n’avoir aucune descendance. Ce nourrisson est une aubaine : enfin, une petite fille, une nouvelle Dolores pour égayer ses jours, une enfant à qui transmettre tout cet amour resté en berne.
Sauf que… le bébé est un garçon. Incapable d’accepter cette réalité, le fragile Geoffroy Loveall élèvera l’enfant comme une fille. Rose.
Même si l’amour ne manquera jamais à son enfance, Rose finira par s’apercevoir que quelque chose la rend différente. La conscience grandit, la vérité finit toujours par être révélée.

Ceci est un réel résumé d’un roman long et fourni qui, de questionnements en souffrances, d’exil en acceptation, a encore bien des choses à offrir et à révéler au-delà de ces quelques lignes de présentation.
Le sujet a un côté romanesque, l’histoire se déroule dans une Angleterre victorienne un peu décalée, aux allures dickensiennes (parce qu’un malheur survient toujours pour éparpiller les jolis tableaux). Mais ce même sujet a également pour lui son originalité, ce prétexte à la métamorphose, à la recherche d’identité. Cette double identité. Découvrir ce qui nous définit, faire les bons choix, s’assumer.
Le style en lui-même est ancré dans la narration, mais il se veut riche, parfois même trop, enclin à la digression par forcément introspective. Un roman long, qui s’écoule en années sur 450 pages.
J’ai trouvé sur le fond une certaine finesse, une envie d’écarter les clichés logiques, comme cette féminité collée en étiquette à l’homosexualité, qui généralement détermine plus une image toute faite qu’un vrai sens de l’individu. Ici, féminité n’entraîne pas homosexualité, mais une sorte de métrosexualité d’époque, une envie d’être selon ses choix, ses besoins, ses fondements, accepter sa féminité ou sa masculinité sans entrer dans les clivages. Mais évidemment, toute identité se crée sur des bases parfois bien douloureuses.
Si pour moi la principale faiblesse de ce livre est justement cet aspect un peu trop romanesque, qui hélas entraîne à certains moments (mais pas trop), l’histoire dans les circonstances tragiques propres à l’époque, il faut aussi tenir compte qu’il tourne autour de la musique, de ces vieilles ballades dramatiques aux héros malheureux, ce qui donne au roman un ton très plaisant, et une envie indéniable d’y revenir.
Je ne fais donc peut-être pas partie des fans absolus de ce livre accueilli avec un énorme succès à sa sortie, mais j’ai néanmoins passé un très agréable moment. On est baladé, on se laissé raconter, on y trouve qualité, intelligence, écriture fluide et excellente construction.

Un extrait :

« Tandis que j’étais dans ses bras, elle songea à une foule de passages de la Maison des Morts, où Mary Day expliquait que Dieu, n’ayant pas de sexe, créait l’esprit sans sexe à la naissance. Qu’étais-je, sinon la tabula rasa que le destin lui offrait ? »

Wesley Stace a également, suite à ce roman, créé un groupe de chanteurs a capella, The Love Hall Tryst, avec lequel il a conçu un album de vieilles ballades folks. Pour les amateurs du genre…

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Dérangeant du début à la fin !

9 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 67 ans) - 4 novembre 2011

La perfide Albion nous a habitué aux personnages excentriques : là, nous vivons l'anti conformisme total et sans limite géographique ou culturelle et le côté incroyablement hors norme des anglais ...
Tout est déconcertant et construit pour nous donner envie d'aller plus loin pour comprendre ...
Pauvre môme ! On se couche fille, on se réveille garçon !
Quel terrible responsabilité de ceux qui ont pu imposer un tel destin à un bébé, qui en grandissant doit apprendre puis réapprendre!
Mais est-ce encore possible ?
Entre le rejet physique et les sombres intrications financières, le héros (héroïne) va devoir se construire : une re naissance douloureuse et décriée !

Un regard intéressant sur une époque, des épisodes pas toujours crédibles, mais c'est sans importance tant les personnages habitent l'oeuvre.

Un humour finement ciselé en prime(so british) : vous avez en mains de quoi passer un moment de plaisir, de découverte et d'introspection : et moi, à cette place et dans ce contexte ?

"Sans contrefaçon, je suis..."

6 étoiles

Critique de Miss teigne (, Inscrite le 6 mars 2008, 42 ans) - 23 septembre 2008

Bluewitch a tout dit dans sa critique principale ou presque. La première partie, consacrée aux premiers pas du héros, est particulièrement plaisante. La candeur de l’enfance offre de beaux moments de cocasseries et de tendresse. Cet être humain, encore asexué, qui constate au gré du hasard qu’il existe des différences physiques entre les filles et les garçons.

Plus on avance dans l'histoire et plus la quête d’identité se fait pesante et parfois ennuyeuse. Les questionnements perpétuels tels que "que suis-je", "où vais-je" alourdissent considérablement le récit. Mais cette quête d'identité fait le roman, me direz-vous. Certes, mais il m’a semblé que certains passages n’étaient que divagations superflues. La plupart des personnages sont extravagants, loufoques et même franchement déséquilibrés, à commencer par le père adoptif du héros – Geoffroy Loveall – qui indépendamment de ses moeurs singulières, dénie farouchement toute masculinité à son enfant, pourtant bel et bien un petit garçon.

Un roman ambigu, parfois dérangeant mais c’est aussi ce qui lui donne tout son intérêt et sa saveur. Outre sa plume bien taillée, Stace a le mérite de mettre en lumière toute l’importance de l’éducation dans les clivages sexuels, l’intolérance qui peut en découler ainsi qu'une certaine curiosité malsaine vis-à-vis de toute anomalie sociale, ici l'éonisme particulièrement.

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