Critique d'art de Charles Baudelaire
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire
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Baudelaire, un critique d'art novateur.
Cher monsieur Baudelaire,
A la mesure du pathos agressif qui abonde dans vos textes, votre public semble délaisser et oublier la verve, parfois (souvent!!!) acerbe, de votre jeunesse qui inonde vos critiques d'art, le plus souvent face à une oeuvre qui vous déplaît. Car n'est-ce pas de cette façon que vos critiques se construisent : la subjectivité au dépend de l'objectivité chère à Diderot? En effet, contrairement à lui, vous refusez de décrire simplement les oeuvres sous toutes leurs lignes de constructions les plus complexes soient-elles. Vous, monsieur, arpentez les salons d'expositions à la manière du public, sans prendre de notes, ne retranscrivant vos impressions sur le papier qu'une fois chez vous, à l'aide de la plaquette de l'exposition, quitte à oublier certaines oeuvres, les médiocres selon vous, ne restent que les émotions vives. Vous attribuez à la critique d'art l'émotion, là où d'autres s'évertuent à la froideur de l'objectivité, c'est là que se situe la touche novatrice de monsieur Baudelaire!
Vos salons de 1845, 1846 et 1859 regorgent de remarques des plus provocantes et anti-académiques face à des œuvres qui ne rentrent pas dans votre conception de l’esthétique, du beau ou du moderne. La beauté, subjective à souhait se retrouve peut-être dans la capacité qu’un artiste a de produire une œuvre qui ne copie pas la réalité, et l’imagination (« la reine des facultés ») devient alors la qualité primordiale d’un artiste qui ne copie pas la réalité. Pour vous, monsieur, c’est l’insatisfaction de l’artiste face à son environnement qui lui permet d’être imaginatif. Par conséquent, les peuples du Nord sont beaucoup plus enclins à l’imagination que les peuples du sud satisfait des paysages qui les entourent et qui se contentent alors de copier leur environnement, vous irez même jusqu’à les considérer comme des coloristes. Le peintre doit alors brosser sa propre vision de son modèle et non pas la réalité de ce qu’il voit. L’œuvre devient alors une production emprunt de la sensibilité de l’artiste. Une position moderne et controversée qu’useront et abuseront vos successeurs. La réalité ne serait alors pas de l’art. C’est ce que vous reprochez à la photographie : copie conforme à la réalité vue et ne laissant aucune place à l’imagination, vous oubliez alors que le photographe peut aussi construire sa photo au même titre que le peintre construit son tableau.
Admirateur de la peinture, vous dénigrez la sculpture, lui reprochant ses angles multiples. Contrairement à la peinture qui donne un point de vue unique et laisse place à l’imagination (encore elle !!) du spectateur quant à ce qui n’est pas représenté sur la toile, la sculpture donne tout à voir, sans laisser la possibilité de place à la créativité du public, et vous ne vous lassez pas de l’exprimer avec acidité.
Il n’y a que la médiocrité qui vous laisse de marbre. Ces œuvres dont vous ne vous souvenez pas, sont jugées indignes d’intérêt : ni assez bonnes pour s’attirer vos faveurs, ni assez mauvaises pour s’attirer vos foudres, elles sont effacées de votre esprit dès la visite et donc de vos critiques, laissant certaines œuvres et artistes aux abonnés absents.
Je dois vous avouer que cette volonté de dévoilement émotionnel de l’œuvre me séduit bien plus encore que le mal-être et l'évasion, chers à votre âme, que vous mettez en scène dans vos écrits poétiques. En effet, Les Petits Poèmes en Proses, Les Fleurs du Mal, et Les Paradis Artificiels sont une forme de concrétisation de vos conceptions de l'esthétique, du beau et du moderne. Dès votre plus jeune âge (21 ans pour le salon de 1845) lors des expositions que vous visitez, vous faites de vos critiques d’art une forme de laboratoire expérimental où vos théories sont testées et mises en pratique dans vos écrits poétiques. Et par-là vous essayez de vous hisser à la hauteur de l'estime que vous portez aux artistes que vous adorez (vénérez!?!) tels que Delacroix ou Wagner ("Le Delacroix de la musique.") et pour y réussir vous sublimez votre art.
Les critiques d'art existent pour cette raison, et c'est précisément pour cette raison que vos oeuvres poétiques ne peuvent être lues et ne peuvent probablement pas être totalement comprises si le lecteur ne s'intéresse pas à vos critiques, tout simplement parce que la majeure partie de vos poèmes sont une application de vos théories du beau, de l'esthétique, et du moderne.
Comment comprendre l’œuvre finale si on ne suit pas le cheminement de l’artiste ? C’est pour tout ce cheminement et ce que vous en avez créé que vous recevez, monsieur, toute mon admiration.
Jessie chevin
Les éditions
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Critique d'art [Texte imprimé] Charles Baudelaire édition établie par Claude Pichois présentation de Claire Brunet
de Baudelaire, Charles Brunet, Claire (Préfacier) Pichois, Claude (Editeur scientifique)
Gallimard / Folio. Essais.
ISBN : 9782070326730 ; 14,60 € ; 03/03/1992 ; 753 p. ; Poche
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