La Pharisienne de François Mauriac

La Pharisienne de François Mauriac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 26 mars 2006 (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 201ème position).
Visites : 7 984  (depuis Novembre 2007)

Les sépulcres blanchis n’ont qu’à bien se tenir !

Même un cran au-dessous de ce qu’il écrit habituellement (mais c’est un jugement subjectif), Mauriac reste Mauriac : avec de petits détails de la vie quotidienne, il aborde intelligemment de grands thèmes. La religion est envisagée sous l’angle des comportements des croyants, les relations familiales sont allègrement brocardées et l’image de la femme/mère en prend un coup.

Le narrateur, Louis, est un adolescent qui, à défaut de s’intéresser aux filles, réclame l’exclusivité dans ses amitiés. Ainsi, lorsque sa sœur et son meilleur ami, Jean de Mirbel, tombent amoureux, Louis n’en peut plus de jalousie. En ce qui concerne Jean, la réputation correspond à la réalité : c’est un sale gamin ! Retors, impertinent, fort en gueule, limite voleur et tout le toutim. Oui, mais… car avec Mauriac, même les caractères les plus noirs, voire néfastes, ont leur part de circonstances atténuantes, de clarté, et même pour eux, la rédemption n’est pas inaccessible. Donc, Jean de Mirbel dont le père est décédé, est sous la responsabilité de son oncle, rustre, dont les principes d’éducation ne vont pas au-delà de la répression et des humiliations. Le dernier espoir de Jean, sa mère, s’envole lorsqu’il se rend compte, de manière traumatisante, que c’est une femme de petite vertu… Et on s’étonne qu’il soit rebelle ! Lorsqu’il rencontre la sœur de Louis, on se dit que c’est le destin qui lui tend une dernière perche. Mais est-il en mesure de la saisir ou la colère et le désenchantement ont-ils déjà gangrené trop profondément son esprit et son cœur…

Je n’ai encore rien dit du personnage qui doit son titre au livre : Brigitte Pian, seconde femme du père (qui ne tarde pas à décéder) de Louis et Michèle. Grenouille de bénitier, sous des dehors de sainte elle se révèle manipulatrice. Elle dirige ainsi la vie de quelques esprits faibles et les mènera à leur perte, tout en étant persuadée de travailler à leur salut. Confrontée au désastre qu’elle a créé de ses propres mains, comment va-t-elle réagir ?

Pour terminer, voici un extrait dans lequel un curé s’adresse à un incrédule :
« Pourquoi donc serais-je étonné ? dit le curé. Ce qui est étonnant, c’est de croire… L’étonnant, c’est que ce que nous croyons soit la vérité ; l’étonnant, c’est que la vérité existe, qu’elle se soit incarnée et que je la tienne prisonnière, là, sous ces vieilles voûtes qui ne t’intéressent pas (…) oui, mon drôle, je n’en reviens pas, moi qui te parle, tant c’est absurde, tant c’est fou, ce que nous croyons ; et pourtant c’est vrai ! »

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Les éditions

  • La Pharisienne [Texte imprimé] François Mauriac
    de Mauriac, François
    B. Grasset / Les Cahiers rouges (Paris. 1983)
    ISBN : 9782246144533 ; EUR 8,60 ; 06/02/1985 ; 279 p. ; Poche
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Roman polyphonique

10 étoiles

Critique de JEANLEBLEU (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans) - 25 juin 2013

Dans ce roman, écrit pendant l'occupation depuis son domaine familial girondin de Malagar, Mauriac use de la polyphonie de façon plus importante que dans ses autres romans. Certes le héros narrateur, Louis, tient la plus grande partie de l'expression mais Mauriac donne aussi la parole et les points de vue de plusieurs autres personnages importants (Jean, Michèle, Brigitte Pian, l'abbé Calou, ...) grâce à un montage savant (flashbacks, extraits de lettres et de mémoires, ...). Cette polyphonie donne encore plus de richesse à ce roman profondément psychologique.

Ce qui est également remarquable, c'est que François Mauriac ait réussi à écrire une satyre si féroce (et parfois si drôle dans sa férocité) d'une certaine bourgeoisie bordelaise, et notamment de Brigitte Pian (qui a donné son titre à ce roman), sans verser dans la caricature ou le manichéisme. Tous ses personnages sont profondément humains et nous touchent même dans leurs petitesses.

Enfin, comme toujours avec Mauriac, nous retrouvons les descriptions poétiques, à petites touches mais d'une précision bouleversante, de Bordeaux et de la campagne girondine.
Cet aspect-là me parle particulièrement en tant que Bordelais ("expatrié" en Provence).

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