Les voix de la liberté : Les écrivains engagés au XIXe siècle de Michel Winock
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire
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Un XIXe siècle qui annonce le XXe
Le XIXe siècle vu par Michel Winock est celui des écrivains engagés, à la plume souvent vengeresse: ils s'efforcent de déchiffrer l'avenir, assistent aux bouleversements des progrès techniques, de l'industrialisation.
Ils exposent les théories les plus audacieuses et aident à la montée du républicanisme qui va de pair avec le travail de sape du catholicisme.
L’auteur fait commencer son siècle par la chute de Napoléon(1815) et le fait terminer par les funérailles grandioses de Victor Hugo (1885). Se succèdent de multiples révolutions ou changements (9 régimes en 80 ans),abdication ou retour de rois, dissolutions des Chambres suivies d'élections législatives à répétition, atteintes à la liberté de la presse, rétablissement de la censure faisant place à une libération sporadique de celle-ci, surtout vers la fin du siècle, après la proclamation de la République.
Les écrivains-utopistes foisonnent de même que les ingénieurs du social, les inventeurs de mondes nouveaux, les doctrinaires, hommes de pensée et de polémique qui participent tous à cette religion de l'avenir qu’ils s’échinent à prophétiser: Auguste Comte, Saint Simon , Louis Blanc,Fourier, Proudhon ( en prison de juin 1849 à juin 1852), Michelet, Taine, Louise Michel, Marx qui dans une certaine mesure, va rafler toute la mise. Pendant tout ce siècle, la France deviendra un "immense chaudron de sorcières où bouillonnent toutes les révolutions européennes à venir." L’audace de ces précurseurs plaît diversement selon les régimes en place : la prison de Sainte Pélagie, maison d’arrêt, les accueille généralement. Cette ancienne maison de correction pour filles de mauvaise vie est devenue le refuge obligé des prisonniers politiques, des appréhendés pour dettes ou délits de presse. (Sainte Pélagie sera démolie en 1895). Les conditions de détention y étaient beaucoup moins strictes que celles d'aujourd'hui, les nantis pouvaient y faire venir des victuailles, recevoir leurs amis, poursuivre une certaine forme d’action politique. Emprisonnés fréquemment, ils étaient souvent relâchés à la faveur de fréquentes amnisties.
Tous les écrivains et penseurs ne préparent pas inconsciemment le Grand Soir ou l’avènement du communisme, sous la poussée des masses exploitées et misérables, mais ces écrivains exercent néanmoins une grande influence sur leur époque. Michel Winock, excellent historien qui ne dédaigne pas la petite histoire, si instructive, s'attarde à Chateaubriand, Benjamin Constant, Madame de Staël, Lamennais et Lamartine, Sainte Beuve, Michelet, Georges Sand, Tocqueville, Veuillot, Barbey d’Aurevilly Flaubert, Zola. Winock nous rafraîchit la mémoire en ce qui concerne Béranger et Renan, un peu oubliés aujourd’hui mais dont l’influence, le succès, furent énormes en leur temps.
Chacun connaît l’extraordinaire longévité de Victor Hugo qui batailla pendant 20 ans contre Napoléon III, plaida efficacement et inlassablement pour l’amnistie en faveur des Communards et multiplia les messages prophétiques et humanitaires. Il est le premier à défendre l'abolition de la peine de mort. "L'illustre poète est devenu à la fin de sa vie la voix de la conscience républicaine, le héraut de la liberté, le prophète de l'humanité, le défenseur des opprimés, et lui aussi le champion des Etats-Unis d’Europe."
Quant à Jules Vallès, l’insurgé, dont le style fut admiré plus tard par Barrés, qui le considérait comme un des maîtres de la prose française, il participa à la tragédie de la Commune de 1871 (la première dictature du prolétariat, écrivait Engels), s’échappa de la féroce répression des Versaillais en se faisant passer pour un ambulancier chargé de ramasser les cadavres et parvint ensuite à gagner la Belgique ( terre de transit) puis l’Angleterre. Il ne cessait de célébrer l'avenir socialiste, d'appeler à la République sociale et universelle. " Si les damnés du travail peuvent former une légion, s'organiser en armée au lieu de rester des victimes, ils deviendront les dirigeants de toute cette mécanique de fer qui est la mère de la production moderne. " Indifférent en matière de religion, Vallès pratiquait pourtant peu l'anticléricalisme. Il discernait dans le thème anticlérical un moyen commode pour les républicains conservateurs de se classer à gauche en s’épargnant le souci d'une politique sociale.
Revenons à la presse. En amplifiant son audience, nous explique Michel Winock, cette presse libérée (juste avant la chute de Napoléon III), devient un vaste champ de bataille où écrivains de droite et écrivains de gauche, socialistes et libéraux, républicains et catholiques ferraillent les uns contre les autres “se sentant appartenir à une même communauté où la fulgurance des mots et la force des formules rendent les tranchées attrayantes." (...) Le public de plus en plus large aura tendance à préférer les sons de la grosse caisse à la musique douce."Instrument chéri des démagogues autant qu’arme de combat des penseurs, la presse est devenue un quatrième pouvoir, trop souvent acheté, vendu , corrompu. (affaire de Panama, etc.).
Le XXe siècle verra les sirènes des utopies finir par prendre forme, communisme, socialisme, libéralisme, etc., se succéder ou s’entre-détruire avec les dérapages sanglants que l’on sait pour aboutir aujourd'hui à la victoire totale d'un capitalisme quasiment sauvage.
Les éditions
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Les voix de la liberté [Texte imprimé], les écrivains engagés au XIXe siècle Michel Winock
de Winock, Michel
Seuil
ISBN : 9782020350372 ; 4,85 € ; 12/01/2001 ; 756 p. ; Relié
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