Un enfant du pays de Richard Wright

Un enfant du pays de Richard Wright
( Native son)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Gringo, le 9 mars 2006 (Toulouse, Inscrit le 28 mai 2005, 36 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 061ème position).
Visites : 5 225  (depuis Novembre 2007)

Excellent cours de philosophie de races, d'existentialisme et de Phénoménologie

Ce livre fournit une excellente manière de parler de la race. La race est-elle une construction ou un dispositif essentiel avec des significations pour l'être humain ? Le livre refuse de répondre à cette question comme simple relativisation.Mais plutôt, le livre met avant que l'évidence de lecteur qui est phénoménologique -- à quoi ressemble il pour d'experimenter la race, pour que Bigger éprouve-t-il des blancs dans son "estomac", dans l'architecture du South Side de Chicago, dans les visages des blancs et des noirs ? Il y a beaucoup de présentations de race -- des 'singes', des masses blanches craintives, jusqu'au dégout de soi-meme des jeunes hommes afro-américains sans emploi, au Daltons et aux communistes (chacun avec une vue essentiellement limitée de ce qui constitue l'expérience raciale de Bigger Thomas). L'unique expérience n'est suffisante par elle-même, puisque Bigger Thomas les rejette au moins partiellement, sinon tous. La race est une structure particulière de ce que les existentialistes ont appelé facticité, et il n'est pas aussi important de le classifier "métaphysique" car il doit l'interroger avec experience. Les étudiants dans des cours de philosophie pourraient bénéficier beaucoup de voir comment le peuple américain a gagné de terrain dans le domaine des droits civiques depuis que ce livre a été écrit. La race est une question éternelle parce que nous tendons à ne pas laisser une expérience humaine se dévoiler comme source de vérité humaine. Comment casser le cycle de la violence contre soi et de la violence à l'encontre des autres ? Peut-être en évitant des pièges métaphysiques et en se concentrant sur se mettre mieux à décrire ce qu'est implicite dans la douleur des autres en général et de la douleur de l'individu en particulier.

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la négritude

9 étoiles

Critique de Dudule (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans) - 13 mars 2012

Que dire de plus alors que Débézed et Gringo ont bien cerné le livre, un livre qui parle de l'injustice, de la condition des noirs dans les années 30…
Bigger, jeune afro-américain d'un ghetto de Chicago, est obligé de postuler chez les Dalton comme chauffeur. Le soir même de son embauche il doit conduire la fille des Dalton, Mary à l’université, mais en fait, elle lui ordonne d’aller prendre son petit ami Jan qui est communiste. Durant la soirée, Mary et Jan lui demandent de leur faire découvrir son quartier, ils l’invitent à dîner. A la fin de la soirée, Jan prend le tram et Bigger raccompagne Mary totalement ivre dans sa chambre, c’est à ce moment que la tragédie commence, Mme Dalton qui est aveugle entre dans la chambre de sa fille, Bigger pour ne pas être surpris en tant que noir dans la chambre d’une jeune fille blanche, empêche Mary de parler en lui mettant un oreiller sur la tête, elle meurt par étouffement. Il met en place un alibi qui ne tiendra pas très longtemps, alors commence la chasse à l’homme, un autre meurtre, un procès qui mènera Bigger à la chaise électrique.
Un roman qui nous interpelle, vraiment à découvrir.

« La peur, la haine et le sentiment de culpabilité … »

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 9 février 2010

Publié huit ans avant « Pleure, ô mon pays bien aimé », ce livre pourrait-être, lui aussi, un grand roman sur la négritude. Mais, à mon avis, c’est avant tout, et surtout, une très longue dissertation sur la condition des noirs aux USA dans les années trente.

En s’appuyant sur un fait divers réel, Wright construit une histoire qui pourrait être l’argument d’un opéra ou la trame d’une tragédie grecque, une histoire relativement simple et banale qui lui sert à démonter la mécanique de la ségrégation raciale et de l’exploitation des noirs aux Etats-Unis jusqu’à l’abolition de la séparation des races, pour ce qui concerne les apparences au moins.

Bigger Thomas, jeune noir semblable à la plupart des jeunes noirs qui rodent dans le South Side de Chicago pour occuper un temps qu’ils ont bien du mal à meubler sans laisser exploser la violence qu’ils accumulent quotidiennement, décide d’accepter un job de chauffeur dans une richissime famille blanche pour aider sa mère, son frère et sa sœur avec lesquels il vit dans une seule pièce infestée de rats. Cette famille cherche à aider des jeunes noirs pour leur donner une autre chance dans la vie et peut-être, aussi, pour se donner un brin de bonne conscience. Leur fille unique, jolie, adulée et idéaliste, fréquente les communistes en espérant pouvoir agir contre cette ségrégation qu’elle ne comprend pas et ne tolère pas plus.

Le premier jour où Bigger travaille à la maison, elle lui demande de l’emmener sur le campus à l’occasion d’une manifestation culturelle mais, en fait, la jeune fille veut retrouver son petit ami communiste et profiter de la présence du jeune noir pour découvrir le quartier où il habite car elle n’a jamais mis les pieds dans un ghetto noir. Après une soirée bien arrosée en compagnie de son petit ami et son chauffeur la jeune fille regagne la maison familiale mais, sous l’effet de l’alcool, ne peut pas rejoindre sa chambre par ses propres moyens. Le chauffeur la porte donc jusqu’à son lit pour ne pas alerter les parents qui ne sont pas au courant des escapades de leur progéniture. Et, c’est à ce moment que le grain de sable qui transforme une banale escapade en tragédie, se glisse dans les rouages de la machine. Surpris par l’intrusion de la mère aveugle dans la chambre, le jeune noir empêche la fille de parler avec un oreiller pour ne pas qu’elle avertisse sa mère car un noir dans la chambre d’une blanche, à la fin des années trente à Chicago, ça fait très désordre et ça peut conduire jusques sur le fauteuil électrique. Mais le fameux grain de sable grippe bien la machine et Bigger étouffe la jeune fille.

La tragédie entre alors de plain pied dans la vie du jeune noir qui improvise les pires scénarios pour échapper à la suspicion, à la police, etc… mais le problème de Wright n’est pas de raconter les aléas de cette histoire, même s’il le fait bien, son objectif est plutôt de nous expliquer pourquoi cette tragédie a pu se nouer, comment ce jeune homme n’est en fait que le produit des méthodes utilisées par les blancs pour contenir les noirs dans un espace réduit et les soumettre à la spéculation locative, pour leur interdire l’accès à une réelle instruction, pour les faire travailler pour une poignée de menues monnaies qu’ils consommeront dans les magasins qui leur sont réservés et qui ne vendent que des produits médiocres. Bref, une longue dissection à la précision chirurgicale pour expliquer que la ségrégation ne peut accoucher que de tels individus et que de tels événements sont inéluctables dans de telles conditions.

Un réquisitoire implacable contre toute forme de ségrégation sociale qui ne concerne hélas pas que les noirs aux Etats-Unis mais aussi les juifs en Allemagne, à cette époque, et les pauvres en Russie, avant la révolution. Ce réquisitoire est sans faille, mais il faut le lire avec une certaine prudence et ne pas l’adopter sans connaissance de tous les éléments qui ont présidé à l’élaboration de ce livre. Il faut notamment bien comprendre que Wright a passé son argumentaire au sas du léninisme et qu’il faut en tirer les conclusions qui s’imposent. Ceci simplement pour dire que les arguments avancés par Wright, s’ils sont parfaitement crédibles et justifiés, ne sont pas forcément exhaustifs et que la haine qui est l’un des principaux moteurs de cette tragédie, n’est pas née de ce côté de l’Atlantique mais qu’elle était déjà bien ancrée dans les gènes des esclaves avant qu’ils quittent l’Afrique. Ibrahima Ly l’explique tellement bien dans « Les noctuelles vivent de larmes ». L’histoire s’accommode mal des schémas préfabriqués.

Cette dissertation, même si elle est un peu technique, parfois, clinique, souvent, et sociologique, toujours, n’en comporte pas moins une forte dose d’émotion car Wright a fait le choix de mettre le lecteur dans la peau de celui qui pourrait être considéré comme le méchant en rapportant les faits tels qu’ils sont vus par celui-ci sans rien ajouter d’autre ou juste ce qui est nécessaire à la bonne compréhension de l’histoire. Le lecteur devient ainsi le principal protagoniste de l’intrigue et vit au rythme de celui-ci partageant ses états d’âme et sentiments qui sont fort complexes, la haine y occupe la place principale et nourrit un fort désir de vengeance mais n’exclut pas cependant un filet d’humanité et quelques élans de tendresse.

Et Wright nous laisse avec le problème entier, le blanc, même s’il est le mieux intentionné, ne comprendra jamais le noir, « … je suis un blanc et ce serait trop te demander de ne pas me haïr, alors que tous les blancs que tu vois te haïssent, toi. » Et, le noir ne pourra jamais fréquenter les blancs sans ressentir un profond sentiment de honte et de haine. « … Elle était belle, gracile, avec quelque chose dans les yeux qui lui faisait penser qu’elle n’avait pas pour lui les sentiments de haine des autres blancs. Mais, malgré tout elle était blanche et il la détestait. » Ce livre ne comporte aucune solution possible, que des constats à méditer et des pistes quelque peu prémonitoires :

- « Il avait l’impression qu’un jour un noir ferait l’union du peuple noir et que ce jour-là ils agiraient mettant un terme à la peur et à la honte. » Et, un jour l’Amérique élut un président noir !

- « Qui sait si quelque choc léger, rompant l’équilibre délicat entre l’ordre social et les aspirations déchaînées ne causera pas l’écroulement de nos gratte-ciel ? »

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