Jude l'obscur de Thomas Hardy
( Jude the obscure)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Un roman bouleversant et engagé.
Petit garçon, Jude Fawley est fasciné par le savoir et rêve de réussir à Christminster, la grande ville qu'il aperçoit au loin, par temps clair, du haut d'un toit. Il apprend en autodidacte le latin et le grec, pendant les longues heures où, juché sur sa carriole, il livre le pain à tous les environs.
Ce livre est le récit de ses espoirs déçus, entre mauvais mariage et ascension ratée.
Son amour avec sa cousine Sue sera contrarié par les mœurs rigides de l'Angleterre puritaine.
Il y a de la tragédie antique dans ce roman publié en 1895, et on sent tout le poids de l'ère Victorienne dans le lourd destin des personnages.
Les figures féminines ne sont guère flatteuses, on pourrait reprocher à Thomas Hardy de présenter des femmes vénales ou hystériques, mais c'est davantage une société figée par une morale envahissante qu'il dénonce, une société qui broie ceux qui de condition modeste veulent s'élever et vivre différemment.
Roman qui fit scandale, tout comme son Tess d'Uberville, il rappelle par son ton libre Maupassant dont Hardy fut contemporain. Plus noir encore peut-être, plus désespéré, Jude l'obscur est une grande œuvre avec un souffle épique et une écriture sans fioritures.
La traduction respecte assez bien le style dépouillé de l'original, même si elle prend des libertés avec quelques détails et parfois aussi avec le découpage des phrases.
Haletant.
Les éditions
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Jude l'obscur [Texte imprimé], roman Thomas Hardy trad. de l'anglais par F. W. Laparra préf. d'Edmond Jaloux,...
de Hardy, Thomas Jaloux, Edmond (Préfacier) Laparra, Fanny William (Traducteur)
le Livre de poche / Le Livre de poche.
ISBN : 9782253098324 ; 7,90 € ; 01/01/1997 ; 480 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (4)
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D’une puissance noire mais magnifique
Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 11 septembre 2019
D’une puissance noire mais magnifique qui touche en plein cœur, Jude l’Obscur est sans aucun doute un alter ego masculin de Tess d’Uberville, en plus lucide. Thomas Hardy à nouveau y pourfend, en entonnant le chant de révolte des soumis, la rigidité d’une société où les castes sont jalouses de leur savoir et où les conventions sociales pèsent sur le destin des individus. Tenter de s’affranchir de ces conventions c’est bien souvent y brûler ses ailes. Le romancier anglais à ce titre tente de régler leur compte à plusieurs institutions. Au mariage d’abord, en tant qu’union artificielle qu’on ne peut défaire qu’au prix de difficultés de toutes sortes ; au clergé ensuite à qui il reproche le dévoiement du message initiale de la religion ; aux collèges enfin, qui resteront, malgré ses effort, inaccessibles à Jude.
L’écriture de Thomas Hardy est superbe, en tout cas le travail de traduction la rend ainsi. Moins lyrique que dans Tess peut-être, il nous montre son immense maîtrise de compositeur dans certains passages que je ne serai pas près d’oublier. Ainsi dans la scène de la tuerie du cochon par exemple, pleine de tension, chaque élément prend une teinte mystique, métaphorique, comme un avertissement aux futures tragédies auxquelles sera confrontées Jude. Pourtant celui-ci, comme Tess, sa sœur littéraire, se battra, presque jusqu’au bout, pour ceux qu’il aime, pour son rêve, narguant le malheur tant qu’il le peut, dans une sorte de courage qui ne dit pas son nom.
Si Jude Fawley compose un personnage tragique, les autres ne sont pas en reste, et participent à la force du roman : l’extraordinaire Sue joue le rôle de la jolie cousine, aux sentiments ambigus, tiraillés entre les carcans sociaux et ses aspirations à la liberté ; Phillotson est un étrange double de Jude, dont la magnanimité va lui être fatale ; Arabella, fille de ferme à la sensualité animale, est aussi impulsive que Sue est velléitaire, représente un certain « bon sens » populaire mais s’avère aussi victime des carcans sociaux.
Ces trois figures qui, en compagnie de Jude, structurent profondément le livre, lui donnent une chair d’une grande humanité. Le récit, dense, se révèle d’une incroyable richesse que ce soit sur les thématiques ou sur la construction narrative. Jude l’Obscur est souvent considéré comme l’un des tous meilleurs romans de Thomas Hardy. Après sa lecture, je comprends mieux pourquoi.
Hardy, maître du pessimisme, et le thème du fatum
Critique de Francois Sarindar (, Inscrit le 9 août 2011, 66 ans) - 18 juin 2013
Sue et Jude, dont les amours peu classiques ne sont guère reconnues par la société puritaine anglaise du XIXeme siècle, me font penser aux parents de T.E. Lawrence (Lawrence d'Arabie), qui, à l'égal de ces héros de roman, n'étaient pas mariés eux non plus. Il n'est pas étonnant pour moi que Lawrence ait voulu devenir l'un des habitués de Max Gate, demeure de Thomas Hardy, car il avait dû voir cette parenté entre ses propres parents et les jeunes concubins décrits par Thomas Hardy dans Jude l'Obscur.
On pleurerait presque en arrivant aux pages ultimes de ce roman, et c'est bien ce qui a failli m'arriver lorsque je l'ai lu durant mes années d'adolescence, tant l'on sent la tristesse nous envahir et notre incapacité à pouvoir modifier le cours de cette histoire et sa triste conclusion.
François Sarindar
Le roman de l'échec
Critique de Pierrequiroule (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans) - 17 septembre 2012
Avis aux amateurs: ceci n'est pas un roman réjouissant, mais plutôt un chef d'oeuvre d'une lucidité sans concessions.
Le fouet du destin
Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans) - 29 août 2010
Votre humeur est sereine et le monde étant ce qu’il est, la littérature est toujours pour vous un plaisir indispensable et constamment renouvelé, alors précipitez vous sur ce roman exceptionnel.
« Jude l’obscur » est en effet un des livres les plus désespérés et désespérants que j’ai pu lire. Il n’y a presque jamais un coin de ciel pur, un moment de sérénité. Pourtant les deux personnages principaux, Jude et Sue, bien que très différents, s’aiment profondément, l’un plus que l’autre comme toujours dans les histoires d’amour. Ils sont décrits comme la moitié d’une même personne et Thomas Hardy sait subtilement introduire des indices pour nous montrer cette connivence. Ainsi des oiseaux que Jude, enfant, nourrit au lieu de les épouvanter comme il doit le faire ; ainsi des pigeons que Sue, forcée, vend aux enchères avant de les faire échapper.
Pourtant ces deux êtres vont continuellement se déchirer, s’aimer mais toujours à contretemps. Jude avait « des rêves aussi gigantesques que ce qui l’entourait était petit ». Autodidacte, il échoue dans sa quête sociale et intellectuelle. Elle, voltairienne dont « l‘intelligence étincelle comme un diamant » ne voit d’abord dans le mariage qu’un « contrat sordide » avant de devenir " esclave des formes " et d'en accepter les humiliations et le dégoût. Il épousera par erreur une fille belle comme le désir car chez lui « l’humain est plus puissant que le divin ». Sue, hystérique de caractère et probablement frigide de tempérament ne voit dans « la chair » que « la malédiction d’Adam ». Elle « inflige la souffrance avec une certaine perversité et une volupté d’être émue de la souffrance qu’elle fait partager ».
Victimes de leur personnalité et du monde qui les rejette, leur destin est scellé. Cette fatalité explique que Jude soit désespéré mais pas révolté. Si l’économie de l’Angleterre victorienne connaît un développement considérable, la société reste engoncée dans ses dogmes, sociaux et religieux, C’est un désespoir de résignation, le pire de tous. « Quelqu’un aurait pu passer. Mais personne ne vint parce que personne ne vient jamais ».
Thomas Hardy a parfaitement construit son roman autour de quatre personnages principaux dont la complexité n’emporte pas nécessairement notre adhésion. Il sait utiliser les coïncidences, les rencontres inattendues, les ressorts dramatiques pour nous captiver, bien sûr, mais plus encore pour nous montrer comment tous ces préjugés brisent des existences. On sent le malheur à chaque ligne, la désespérance à chaque page. C’est ce que le fin critique de la première moitié du vingtième siècle Edmond Jaloux appelle dans sa préface « le fouet du destin » qui lacère les vies.
On comprend que ce livre généreux, critique impitoyable du mariage subi, du puritanisme et du conservatisme intellectuel et social ait choqué l’opinion de son époque, à un point tel que Thomas Hardy renonça à écrire d’autres romans. La preuve une fois encore que l’opinion est souvent injuste, castratrice et réactionnaire. Ceci n’a pas forcément beaucoup changé depuis.
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