Eve de ses décombres de Ananda Devi Nirsimloo

Eve de ses décombres de Ananda Devi Nirsimloo

Catégorie(s) : Littérature => Africaine

Critiqué par FROISSART, le 20 février 2006 (St Paul, Inscrit le 20 février 2006, 77 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 351ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 7 697  (depuis Novembre 2007)

La lecture de Patryck Froissart

Eve de ses décombres
Auteur: Ananda Devi
NRF-Gallimard
Dans ce roman à quatre voix, quatre jeunes, Clélio, Eve, Sad, Savita, de l'écart de Troumaron, un quartier « défavorisé » pas aussi imaginaire qu’on pourrait le penser, racontent in vivo leur quartier, une "banlieue", une "zone" de Port-Louis, très loin et tout près des plages de sable fin, des lagons et des plus beaux hôtels du monde. C'est fort, c'est cru, c'est vif, à vif, et ça sonne, hélas, très vrai, pour qui connaît toutes les facettes de ces îles des Mascareignes, paradis sur cartes postales et dans les hôtels des plus luxueux au monde, fermés hermétiquement sur les réalités du pays.
A la lecture poignante de ce livre, écrit par une immigrée (Ananda Devi est née à Maurice et vit en France), on ne peut s'empêcher de faire un parallèle saisissant entre ces adolescents d'un quartier de transit de Maurice et ceux qui, lors des événements récents qui ont allumé les banlieues françaises, ont exprimé à leur façon tout ce qu'ils ressentent d'injustice à comparer leur situation avec celle de certains de leurs compatriotes, dont les automobiles rutilantes n’ont pas, elles, été incendiées, bien à l’abri dans leurs garages.
L’amitié, l’amour, la poésie sont présents, mais n’empêchent pas la violence aveugle de frapper, de violer, de tuer.
Les quatre jeunes personnages sont émouvants, et dégagent une aura de pureté au milieu des hideurs des lieux. Les adultes, et en particulier ceux qui représentent l'autorité, et ceux qui ont le devoir d'éduquer, sont sales, comme l'est le professeur qui viole Eve, tous les soirs après les cours, sur les paillasses de la salle de sciences, et dispose d'elle comme d'une souris de laboratoire à disséquer, avec une froide cruauté mêlée, de façon trouble, à un sentiment de culpabilité qui ne fait qu'exacerber son désir d'humilier, d'abîmer, et de détruire...
A lire en urgence, pour se modifier le regard à porter sur une jeunesse de plus en plus démoralisée (au sens étymologique, soit de plus en plus amoralisée) par l'exclusion sociale et la ghettoïsation.
Patryck Froissart, le 3 janvier 2006

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Je ne sais pas

4 étoiles

Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 4 juillet 2008

L’écriture est subtile, poétique. C’est touchant, mais il a manqué quelque chose. Je n’ai pas accroché aux personnages, peut-être parce qu’ils sont si différents de moi, je ne pourrais le dire. Pour ce qui est de l’histoire, c’est une histoire dur et sombre.

L'île de tous les désespoirs

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 22 novembre 2006

Eve, Sad, Clélio, Savita... autant de destins désabusés dans la misère de Troumaron, quartier défavorisé de Maurice, près de Port Louis, où le ciel a beau afficher son plus beau bleu, il ne fait que refléter le gris. Au milieu de la résignation, les jeunes survivent comme ils peuvent dans l'enfer de la violence et d'un sentiment de plus en plus fort d'abandon. Ce n'est pas l'Ile Maurice des cartes postales qui est ici exposée.
Eve pense trouver un exutoire en livrant son corps aux mains de tout le monde, en espérant recueillir un peu d'amour ou d'affection, en affirmant, certes illusoirement, réussir à scinder le corps de l'esprit, l'âme de la chair. Tout cela n'est que façade et poudre aux yeux, le malheur n'abandonne pas si facilement ses proies.

Ananda Devi nous propose un récit sombre et grave, dans lequel l'espoir périt par étouffement. On a pourtant confiance, on se dit qu'après tout, quand on y croit, rien ne paraît impossible. Le titre illustre à mes yeux cette bataille permanente entre la beauté de l'espoir et la force de la désillusion. Tout comme le nom du quartier, Troumaron, un trou où tout est noir et sordide, d'où l'on pense jamais ne pouvoir fuir.
"... le dernier goulet où viennent se déverser les eaux usées de tout un pays. Ici, on recase les réfugiés des cyclones, ceux qui n’ont pas trouvé à se loger après une tempête tropicale et qui, deux ou cinq ou dix ou vingt ans après, ont toujours les orteils à l’eau et les yeux pâles de pluie."

Tragédie contemporaine évoquée par quatre voix, quatre destins qui se décrivent avec des mots durs et des émotions brutes. Ananda Devi conserve une certaine sobriété dans l'écriture qui donne d'autant plus de puissance aux lignes de ses protagonistes, qui se racontent et nous exposent leur vie. Celle de toute une société. Le croisement des mots et des récits permet la mise en abîme des souffrances des uns et des autres, de quoi ajouter, si besoin en était, une couche supplémentaire de noirceur à un parcours morose.
Il est étonnant - et intéressant- de confronter la vision optimiste de Sad, qui se jure de réussir et de sauver avec lui cette Eve dont il est amoureux, au discours destructeur de la jeune fille qui fait don de soi pour mieux s'anéantir. Mais le corps a beau se briser, l'âme résiste encore et toujours; et lorsque la chair capitule, à l'image de Savita, l'esprit découvre de nouvelles substances pour abreuver sa soif de souffrance. Est-ce une chaîne sans fin? Cette descente serait-elle sans limites? Ananda Devi n'apporte pas de réponse mais livre des pistes de réflexion, ses silences se font bruit et en refermant le livre, on ne peut s'empêcher de mener une réflexion intense sur ces avenirs si noirs et la fin de tous les rêves.

J'ai apprécié l'intensité que l'auteur a placée dans ses mots à travers un vocabulaire subtil et souvent poétique. Tout comme les personnages qu'elle a créés, êtres dans lesquels chacun de nous retrouvera un peu de lui-même, dessinant une identification qui ne rend que plus fort le désarroi ressenti face à ces jeunes allant au bout de leurs limites.

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  Prix TSR du roman 2007 11 Sahkti 5 avril 2007 @ 21:45

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