Un garçon convenable de Vikram Seth
( A suitable boy)
Catégorie(s) : Littérature => Asiatique
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La lecture de Patryck Froissart
Auteur : Vikram Seth
Titre : Un garçon convenable
Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain
Genre : roman
Editeur : Bernard Grasset (Paris)
Ce roman foisonnant de 1200 pages entraîne le lecteur dans l’Inde du milieu du XXe siècle, quelques années après l’indépendance. Le récit commence par un mariage, et se termine par un autre.
La plupart des personnages entrent en scène au cours de la première soirée de noces. Les caractères, très fortement campés, s’esquissent d’emblée, par le biais des discours, des gestes, des comportements, des réactions des uns et des autres. Quatre familles s’y croisent, s’y allient, y font connaissance ou s’y retrouvent : les Khans, les Chatterjis, les Mehras, les Kapoors.
Les faits, gestes et petits incidents de la soirée annoncent en réduction le ballet, d’amours et de haines, d’estime et de jalousie, de tolérance et de racisme, d’actes héroïques et d’intrigues sordides, qui se déroule ensuite sur quelques années.
L’histoire de chacun, à partir de cette scène, va connaître joies, disputes, drames, deuils, sur fond de luttes politiques nationales et régionales, et au fil des cérémonies religieuses musulmanes et hindoues, dont l’auteur dresse une chronique précise, sans complaisance. Les personnages initiaux, de religions, de partis, de régions et de castes différents, participent, certains au plus haut niveau, aux événements politiques et sociaux de l’Inde de Nehru, et les événements de leur vie privée, en retour, sont étroitement liés à l’Histoire, souvent troublée, de cette période.
Le lecteur se laisse très vite prendre dans le courant qui charrie les êtres et les âmes, les individus et les masses, de Brahmpur à Calcutta, de Bombay à Delhi, des villages des campagnes aux mégapoles.
Le fleuve qui l’emporte est tantôt calme, empli de poésie, tantôt tumultueux et dévastateur. La paix, la violence, le raffinement, la barbarie, l’amitié, la trahison, le chant des poètes et le discours politique, la joie et la souffrance, tout y est, et l’alternance des rythmes narratifs fait de l’ensemble un voyage dans l’Inde profonde qui ne peut que plaire à ceux qui aiment, à travers l’histoire romanesque, s’immerger dans la culture (en l’occurrence dans les cultures) d’autrui.
Parcourir ce livre procure étourdissement, émotion, attachement, attirance, répulsion. On ne peut qu’être amoureux de Lata et partager son indécision, pardonner à Meenakshi ses adultères, plaindre Kabir, se sentir proche de Maan, admirer et détester Saeeda Bai…
L’auteur tient son lecteur par son art de la narration et de la mise en scène, mais, en outre, par son souci du détail (cuisine, séances parlementaires, cérémonies religieuses, procédés de fabrication de tel produit, fonctionnement des institutions publiques et privées) lui fait connaître tout de ce pays fascinant.
Tout lecteur sincère sortira de cette saga un peu plus sage sur l'état de l'homme et un peu plus savant sur celui de l'Inde.
Les éditions
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Un garçon convenable [Texte imprimé], roman Vikram Seth trad. de l'anglais par Françoise Adelstain
de Seth, Vikram Adelstain, Françoise (Traducteur)
B. Grasset
ISBN : 9782246482611 ; 2,50 € ; 12/04/1995 ; 1223 p. ; Broché -
Un garçon convenable, 1ère partie
de Seth, Vikram Adelstain, Françoise (Traducteur)
le Livre de poche
ISBN : 9782253143277 ; EUR 8,90 ; 01/01/1997 ; 922 p. ; Poche -
Un garçon convenable, 2ème partie
de Seth, Vikram Adelstain, Françoise (Traducteur)
le Livre de poche
ISBN : 9782253143284 ; EUR 8,90 ; 01/10/2012 ; 858 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (4)
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Un chef-d'oeuvre indien
Critique de ARL (Montréal, Inscrit le 6 septembre 2014, 38 ans) - 28 avril 2017
Depuis trois mois et demi, j'ai l'impression de voyager chaque jour dans l'Inde des années 50, de mieux comprendre ses traditions, la complexité de sa mosaïque sociale, les méandres de son système politique... "Un garçon convenable" est si riche, si foisonnant, si entier qu'on en sort transformé. On s'attache aux personnages comme à de bons amis qu'on ne veut jamais quitter. Même les plus détestables d'entre eux. Personne dans ce livre n'est banal ou inintéressant.
Il y a certainement ce que l'on pourrait appeler des longueurs; des pages et des pages de politique indienne post-séparation qui testeront la patience de bien des lecteurs. Mais au final ces quelques moments de relatif ennui n'ont aucun poids dans la balance. On quitte le roman de Vikram Seth avec la certitude d'avoir lu un chef-d'oeuvre intemporel.
L'Inde des transitions
Critique de Chouyo (, Inscrite le 25 janvier 2008, 44 ans) - 27 mars 2008
Transition tout d'abord, parce que l'on suit une étudiante, Lata Mehra, dans son lent et difficile passage au monde adulte. Transition féminine, de la jeune fille qui devient femme et découvre les difficultés de lire dans son coeur et dans celui des autres, de la fille revêche à la fille compréhensive quand il s'agit pour elle d'entendre sa mère qui veut lui imposer un "garçon convenable" pour son mariage, de l'étudiante à l'épouse enfin. Nuance encore dans les amitiés et les amours : la caste n'importe plus théoriquement, mais elle reste le référent intellectuel de tous, et progressivement la religion apparaît comme un critère. Lata se débat alors entre son amour pour un jeune musulman et des réticences qui ne seront jamais révélées par l'auteur parce que son personnage ne se les avoue jamais. On regrettera toutefois que la jeune fille retombe dans les conventions sociales, mais difficile de faire autrement. Alors, comme aujourd'hui. Se conformer malgré tous ses idéaux au attentes de la famille et des autres...
L'autre union est celle de l'Inde, dont la transition est tout aussi difficile et passionnelle. Cette Inde de l'année scolaire 1951-1952, juste émergée d'une indépendance encore mal assurée dans les esprits et ressentie d'autant plus vivement que la Partition vient de consacrer avec force sang et terreur la naissance du Pakistan. L'union affirmée reste à faire naître dans les esprits alors que les dissensions politiques émergent entre le Parti du Congrès, les socialistes, les communistes et les différents partis communautaristes hindous ou musulmans, et que les crispations religieuses paraissent au grand jour. Parce que certains, puissants et influents, suivis par la foule frivole et frileuse, veulent que tout conflit, de quelque nature qu'il soit, devienne religieux. Et en Inde, les émeutes anti-musulmans, anti-hindous, anti-sikhs, que sais-je encore, se sont succédé de manière sporadique jusqu'à il y a peu...
Il aurait été facile pour Vikram Seth de donner de la population indienne une image manichéenne. Mais dans Un garçon convenable, rien n'est tout noir ou tout blanc : ni la couleur de la peau, ni les choix de vie, ni les esprits. Tout comme ces familles, qui témoignent bien de cette époque de transition où l'on n'est plus soumis aux Britanniques mais on n'est pas encore vraiment Indiens : des hommes politiques qui ne parlent ni ne lisent l'hindi, l'élite pailletée de Calcutta anglophone et anglophile qui pousse ses jeunes dans les internats à la britannique... Ce qui compte, c'est d'avoir passé quelque temps en Angleterre, ou de faire semblant, de ne pas laisser contaminer sa parole par un accent local, de ne pas trop frayer avec des familles trop... indiennes. Parmi tous les portraits dressés dans ce roman, au milieu de nombreux personnages attachants, quelques-uns sont méprisables et d'autres détestables... mais ils sont rapidement écartés. L'optimisme est chevillé à la plume de Vikram Seth.
Vikram Seth, qui est un auteur discret, n'intervenant que peu et ne laissant aucun fil rouge pour expliciter son oeuvre. Mais le lecteur comprend bien, au final, qu'en choisissant des familles différant les unes des autres par leur origine, leur richesse ou leur religion, il dresse un portrait vivant et crédible de Brahmpur, la ville de Brahma créée de toutes pièces par l'auteur sur les bords du Gange mythique, comme microcosme de l'Inde. On s'insinue alors lentement dans cette nation en pleine gestation, dans ses cercles familiaux et amicaux, ses partis et ses clans, ses amours et ses méfiances. Autant d'étapes de ces transitions nécessaires qui permettent le "vivre ensemble".
Chatoiement de la culture indienne décrite au travers du rire perlé de Meenakshi Chatterji ou des bouts rimés de ses frères et de sa délicieuse soeur Kakoli. Larmes tonitruantes du Dr K. C. Seth devant les premiers succès de Bollywood. Multiplicité des fêtes hindouistes, dévotion collective au linga tout-puissant... En complément et non en contrepoint s'expose la richesse de la culture musulmane indienne : les ghazals imprègnent de leur mélancolie la passion de Maan Kapoor, le purda (claustration des femmes musulmanes) et le burqa masquent une société méconnue dont on ne devine les trésors que dans les traits de la begum-prostituée Saeeda Bai. Un hymne à l'ourdou aussi, qu'il faut préserver certes mais pas seulement : il ne doit pas tomber en désuétude comme les livres du Nawab tombent en poussière. C'est en peignant cette double culture d'un même geste que Vikram Seth pose la question fondamentale de son récit : où est la nation ?
Une fresque enivrante donc, par laquelle il fait bon se laisser bercer comme certains se laissent dériver sur le Gange pour admirer les reflets de la lune sur le Barsaat Mahal rêvé par Vikram Seth...
livre très bien mais trop lourd
Critique de Livrophage (Pessoulens, Inscrite le 28 février 2007, 64 ans) - 8 novembre 2007
Tissu narratif, tissu social
Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 27 mai 2006
Le moment historique choisi : l'Inde au lendemain de l'Indépendance se débattant contre ses démons. Un des personnages porte des cicatrices sur ses mains. Lors de la partition de l'Inde et du Pakistan il a été victime des émeutes. La jeune nation, elle aussi, elle porte des cicatrices. C'est un moment de fragilité où tout peut basculer dans la violence et le chaos. Pour moi, ce binôme, la mosaïque sociale et le moment historique font l'intérêt du roman.
Il lui manque pourtant quelque chose pour être un vrai coup de cœur. C'est peut-être le manque de rigueur dans la construction. Une cinquantaine de personnages épisodiques, ou plutôt des figurants qui sont là uniquement pour illustrer la mosaïque sociale. Comment les faire vivre, les intégrer dans le tissu narratif sans affaiblir le souffle épique, sans fragiliser l’ensemble ?
Et puis le parti pris de la traduction, garder tels quels les mots hindi, obligeant le lecteur à faire constamment appel au glossaire. Cela donne des phrases comme : "Ei, va chez le bania m'acheter du supari, je n'en ai plus pour mon paan".
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