Indépendance de Richard Ford

Indépendance de Richard Ford
( Independence day)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jlc, le 19 février 2006 (Inscrit le 6 décembre 2004, 81 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 014ème position).
Visites : 5 449  (depuis Novembre 2007)

Faire face

Vous vous souvenez peut-être de Franck Bascombe, héros d’ « Un week-end dans le Michigan ». Il habite toujours Haddam, dans la grande banlieue « aisée » de New York. Il n’est plus journaliste sportif mais agent commercial dans l’immobilier. Il a renoncé à écrire, même s’il éprouve la joie ineffable, avant la désillusion, de découvrir dans un motel un exemplaire du recueil de nouvelles publié il y a quelques années. Vicky, son amie, a disparu de sa vie, son ex femme Ann, appelée X dans le précédent livre, vit avec leurs deux enfants et son second mari dans le Connecticut et s’il voit et aime de loin en loin Sally, il reste seul.

Indépendance se passe aussi pendant un week-end, celui de la fête de l’Indépendance en 1988 et c’est un autre voyage que Franck va faire avec son fils Paul, adolescent à problèmes, dont le père va essayer de se rapprocher pour enfin ( ?) le comprendre et l’aider.

Franck nous raconte, par le menu, ces quatre jours qu’il commence en essayant de vendre une maison à un couple bien curieux et ceci avec une patience infinie ( personnellement je les aurais envoyés «paître » depuis longtemps…mais j’aurais perdu un client…et je ne suis pas américain), puis en cherchant à encaisser en vain un loyer, en réconfortant son associé qui tient une gargote en bord de route. Il est très consciencieux, Franck, comme ces gens qui n’attendent plus grand chose et c’est ce vide de l’attente qui les conduit à se concentrer si fort sur ce qui fait leur vie quotidienne. Car on le sait depuis « Un week-end dans le Michigan », Franck a perdu ce sentiment d’attente, d’anticipation et donc du goût de l’écriture. Comme le lui dira son fils, il fait trop d’effort pour tout maîtriser et finalement ne maîtrise plus grand chose.
Il va rejoindre Sally mais leur rencontre, faite de non-dits trop explicites, tournera court. Séparation douce mais définitive ?

Franck repart dans la nuit, passant une partie de son temps à écouter ses messages téléphoniques (nous sommes dans ce temps antique d’avant le téléphone portable), à passer des appels (toujours ce côté consciencieux voire terre à terre et ce sens de l’immédiat) avant d’essayer de dormir dans un motel où un meurtre vient d’être commis, ce qui nous vaut une superbe conversation avec un camionneur déménageur, Mr Tanks, moment de rencontre inattendue entre deux êtres plus déboussolés qu’il n’y paraît.

Au matin, c’est la rencontre avec son ex femme pour qui il a des sentiments pour le moins ambigus. Il a d’ailleurs voulu habiter, à Haddam, la maison qu’elle occupait, après leur divorce. Et commence le périple avec son fils parsemé de coups de fil à Sally, au couple acheteur, à son associé, à Ann, avant la séduction inaboutie d’une jeune cuisinière et la fin imprévue du voyage.

Franck est quelqu’un de « bien » chez qui « les gentillesses de surface recouvrent des meurtrissures » et pour qui Richard Ford a de l’estime, de la compassion parfois, de la distance toujours et nous de l’attachement. Le personnage « n’avale » pas l’écrivain qui reste maître de son récit.

On retrouve dans ce livre les qualités de Ford, son écriture, son sens du détail, son attention aux êtres, son humour. Il est à la fois, et Franck avec lui, fondamentalement américain, décrivant des moments, des lieux, des gens typiquement américains mais aussi avec ce goût de l’introspection qui me paraît être une caractéristique davantage européenne. C’est peut-être ce qui explique son succès chez nous. Bien sûr, au final, c’est cet ascendant américain qui l’emporte quand il reprend à son compte la devise de Davy Crockett : « Assure toi de ne pas te tromper complètement et vas de l’avant. »

Ce roman a toutefois un défaut : il est beaucoup trop long, notamment dans son côté introspectif. Ce n’est que mon avis, et je sais que certains CLiens ne le partagent pas, mais Ford aurait pu écrire un grand livre s’il l’avait davantage ramassé, plus centré sur l’essentiel, comme il l’avait réussi dans « Un week-end dans le Michigan ».

Ne restons pas sur cette impression négative car il y a des moments superbes, la conversation avec Mr Tanks, la re-connaissance de son fils pour ce qu’il est : « la première conversation adulte qu’un homme puisse avoir avec son fils est celle où il admet qu’il ignore ce qui est bon pour lui et qu’il n’a qu’une idée dépassée de ce qui est mauvais. » Et peut-être est-ce moi qui suis passé un peu à côté de ce roman que je recommande quand même.

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Un road movie littéraire

7 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 17 juillet 2008

D’accord avec Jlc pour regretter la longueur du roman ,due non seulement à l’énumération des lieux que traverse Franck lors de ce road-movie littéraire mais aussi aux nombreux passages d’introspection . Certains, toutefois, recèlent des perles : des aphorismes d’une drôlerie plutôt désabusée .
Richard Ford trace ici le portrait sensible, entre tendresse et ironie, d’un homme ordinaire, une sorte d’antihéros en proie à de multiples problèmes d’ordre professionnel et intime,(les relations délicates avec son fils et avec son ex-épouse donnent lieu à des passages très justes) Il se trouve confronté à des personnages secondaires bien campés, souvent pittoresques, présentant comme lui, des failles .
Les conversations qu’il entretient avec certains d’entre eux sont particulièrement savoureuses et Richard Ford, qui se révèle un observateur avisé de ces rencontres, excelle dans l’art de traduire les non-dits, les approximations , les repentirs, qui les ponctuent .
Un roman riche, plein d'humanité, non dénué d’humour, mais qui me laisse malgré tout sur ma faim .

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