Les gardiens de la vérité de Michael Collins

Les gardiens de la vérité de Michael Collins
( The keepers of truth)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 15 juin 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 422ème position).
Visites : 7 000  (depuis Novembre 2007)

Une certaine Amérique passée au scanner...

Le narrateur de cette histoire est un jeune journaliste dans un trou du Midwest à quelques heures de voitures de Chicago.
Le journal pour lequel il travaille est au bord de mettre la clef sous le paillasson.
Il a quelques obsessions. Tout d’abord le suicide de son père, homme désespéré de n'avoir pu maintenir en vie l'outil de production que lui a laissé son père à lui. Celui-ci, l’immigré self-made man parfait, est resté un dictateur jusqu’au-delà de la tombe.
Vient ensuite la fermeture de toutes les industries de cette région, laissant les gens sans travail, sans dignité et abandonnés à eux-mêmes. Seule la culture du maïs marche encore un peu, mais il y a les sécheresses.
Il y a aussi le fait qu'il n’a pas été foutu de réussir ses examens de droit à Chicago. Dans son esprit, c’est ce qui le force à rester dans ce trou perdu.
Enfin, il nous faut parler de Linda Carter, la belle et distinguée speakerine de la TV locale. C'est elle qui va les tuer en allant toujours plus vite chez les citoyens que le journal qui ne sait paraître que le lendemain. Tout acharné qu'il soit, les nouvelles qu'il sert ne sont plus que du réchauffé qu’il lui faut tenter d'assaisonner.
Voilà que l'on signale le meurtre du père - personnage peu sympathique - de Ronny Lawton. Celui-ci n’est pas plus sympathique d'ailleurs. Toute la petite ville est en effervescence, et Sam, le patron de Bill, et Ed, le photographe du journal, vont tomber sur Bill pour qu'il se secoue au maximum et trouve des scoops à en doubler Linda Carter. Il en fera tellement qu'il sentira venir le moment où il serait lui-même dans la purée et arrêté.
Qui a tué le père de Ronny Lawton ? Et est-il vraiment mort, ou a-t-il simplement disparu ?…
Toute cette histoire, très bien ficelée par ailleurs, est prétexte à Michael Collins pour décrire ce qu’il estime être les grands maux de l’Amérique d'aujourd'hui. Il le fait avec brio et lucidité. Son style est sec et nerveux. Il va là où cela fait mal, sans détours, sans embarras. Que reste-t-il de la grande Amérique des pionniers ?. Que sont devenues les valeurs morales des ancêtres ?.
«
C’était cette nouvelle destinée de centres commerciaux et de fast-foods qui me foutait une trouille bleue, qui me faisait grimacer de dégoût et comprendre pourquoi les gens s'entretuaient. »
Un seul petit reproche : le mot « Merde » figure à tout bout de champs. Il est vrai que cela est très américain, mais cela devient par trop répétitif…
Je voudrais encore citer cette phrase: "Notre cauchemar orwellien avait eu lieu, la langue de bois de la société post-industrielle. Qui parmi nous avait les moyens de comprendre que le serf et le prolo étaient maintenant un directeur ou un directeur stagiaire dans ce monde?"
Un très bon bouquin à lire. Un livre passionnant et intelligent, comme le précédent du même auteur « la Filière émeraude » (voir la critique sur le site).

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démoralisant !

7 étoiles

Critique de Livrophage (Pessoulens, Inscrite le 28 février 2007, 64 ans) - 28 février 2007

Mais tellement prenant,après cette plongée glauque dans cette région des USA en déclin ,mon petit coin du Gers fait figure de paradis ! Je partage tout à fait l'analyse d'heyrike .Ce livre a le mérite de nous faire découvrir avec beaucoup de finesse la face sombre de l' industrialisation sauvage dans un pays soit disant civilisé .Cela fait réfléchir.

Peste! défense d'entrer!

8 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 16 juin 2006

Noir, c’est noir… Et pour certains, il n’y a plus d’espoir.

Un choc des mondes dans lequel certains se vautrent avec une perverse délectation... Un livre lourd, extrême, loin de dégourdir nos mauvaises humeurs. Mais quelle extraordinaire façon d'aborder le triste sort humain, cette misère trouble et glauque dans laquelle sont plongés des personnages stupéfiants.

Le roman s’image souvent, alourdissant sa noirceur par ces visions d’angoisse, d’usines désaffectées, de restaurants où l’événement principal est la nomination de l’employé du mois, ces fast-foods tristes rassasiant les masses, ce petit journal aux trois employés dépassés par la télévision qui se renferment sur leur routine foireuse, ce salon de coiffure pour ménagère en mal de passion, qui préparent des plans « vol de voiture » pour réanimer leurs maris, ces manucures de l’âme, cette petitesse de l’homme face aux champs de maïs à perte de vue… Tout contribue à passer le désespoir au filtre et en tirer toute la sombre lie.

Michael Collins écrit avec une intelligence remarquable, ne s’empêtrant jamais dans la facilité, il décortique, assène ses mots avec une dure compassion. Et j’en suis tout aussi séduite que lors de ma première lecture avec « La Filière Emeraude ». Un grand auteur.

Un monde qui va mal

7 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 14 juin 2005

Inutile de résumer une nouvelle fois ce roman de Michael Collins, cela a déjà été fait et plutôt bien.

J'ai trouvé ce récit plus lourd et plus pensant que "Les Profanateurs". L'Amérique décrite y est aussi sombre, ses habitants toujours aussi paumés et le système se révèle défaillant à tous points de vue. Mais il y a ici l'impression que l'espoir n'est guère permis ou qu'il s'agit alors d'un leurre. Illusion pour ces gamins qui s'illustrent dans l'équipe locale de foot, poudre aux yeux de Teri Lawton que ce catalogue de vente par correspondance devant lequel elle salive comme une petite fille devant un marchand de glaces, utopie de la résidence pour vieux en Floride que Sam admire chaque soir au point d'en mourir de dépit.
Une Amérique grave et désillusionnée, dont Michael Collins accentue le caractère dramatique en s'étendant longuement sur la chaleur, la sécheresse, les usines qui ferment, les fast-food qui deviennent les uniques repères et la télé qui rend fou. C'est triste et désabusé, ça ferait presque peur. D'ailleurs, ça fait peur car on sait que tout cela existe, est bien réel et que des Ronny Lawton, il y en a bien plus qu'on ne croit. Des types qui ont perdu leur âme tout en donnant l'essentiel de leur vie au service d'un pays. Un pays amorphe qui vit dans la gloire de l'éphémère et de l'illusion.
Michael Collins ne fait pas de compromis, il raconte les détresses et les malheurs sans nuances. Son héros n'est pas attachant, Bill serait même franchement agaçant par moments et le fait de savoir qu'il a connu l'asile à cause du suide de son père ne suffit pas à l'excuser. Cet homme est enfermé dans un système qui n'épargne rien ni personne. Beaux morceaux que ceux dans lesquels l'auteur revient sur le diplome universitaire et tout ce qu'il devrait apporter... illusions et amertume une fois de plus!
C'est un roman noir et dur, qui laisse peu de répit et d'espoir, même si la fin est ouverte. Légèrement ouverte. J'y vois une fuite vers d'autres illusions, d'autres chagrins et un héritage pourri qu'on remettra un jour dans les mains d'un bébé fast-food qui n'a rien demandé et regarde le monde avec de grands yeux curieux.

Pas mal!

7 étoiles

Critique de Bishop (, Inscrite le 13 avril 2005, 53 ans) - 18 avril 2005

Un bon polar où les personnages sont nonchalants mais surtout désabusés dans une petite ville qui périclite doucement mais surement. Le train-train, une copine qui semble avoir coupé les ponts et puis un meurtre et bien entendu un bouc émissaire. Mais c'est surtout un passé que l'on porte comme une croix et dont on a du mal à se défaire, un passé qui détermine ce que l'on est et ce que l'on va devenir. Un livre, de surcroît, très bien écrit.

Un roman très sombre

8 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 7 décembre 2004

Dans une petite ville perdue du Middle West cernée par les ruines industrielles, témoins d'une prospérité anéantie par les lois démentielles de la concurrence sauvage, un crime horrible est commis.

Aussitôt, Sam, le patron du journal local "Le quotidien de la vérité" envoie Bill faire le scoop avant la belle journaliste du journal télévisé. Sam espère finir sur un coup d'éclat avant la vente du journal à un grand éditorialiste de Chicago. Sur le déclin depuis plusieurs années, le "Quotidien de la Vérité" en est réduit à rédiger des articles insipides sur les ventes de charité du comté ou sur la promotion de l'équipe de sport local que tout le monde sait incapable de gagner un match.

Bill s'investit totalement dans cette sombre histoire au point de se retrouver impliquer dans le déroulement des événements au risque d'être accusé de complicité. Si pour la population il ne fait aucun doute que la victime a été assassinée par son fils, pour Bill les choses ne se sont pas passées exactement comme tout le monde le croit ou plutôt aime à le croire. Très vite il prend conscience que la vérité n'est pas tant ce qui intéresse son patron et encore moins la petite communauté.

Profondément accablé par un passé familial aussi terrible que douloureux, Bill vit depuis toujours sur la brèche. Petit à petit il sombre dans une léthargie oppressante attisée par la chaleur terrible qui règne en cette saison et met en fusion ses neurones, et l'attraction fatale qu'exerce sur lui l'ex-femme du présumé coupable ne va faire que précipiter sa chute.

Un roman très sombre qui prend prétexte d'un fait divers relativement banal dans ce pays de tous les contrastes pour décrypter les comportements, souvent grégaires, d'une société qui se refuse à l'introspection de peur de voir jaillir au grand jour tous les maux sortis du fin fond des cales des navires de conquête qui déferlèrent avec fracas sur cette terra incognita. Tous ces maux, qui continuent de gangrener la société en expédiant par-dessus bord tous les malheureux fatigué de s'être agripper en vain au bastingage de l'arche capitaliste, sont exacerbés par le réalisme d'une économie implacable, qui une fois engrangé le maximum de profit s'enfuie vers d'autres contrées exploitables, ne laissant derrière elle que désolation et détresse.

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