Howl et autres poèmes (Edition bilingue français-anglais) de Allen Ginsberg

Howl et autres poèmes (Edition bilingue français-anglais) de Allen Ginsberg

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Kinbote, le 4 janvier 2006 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 668ème position).
Visites : 7 471  (depuis Novembre 2007)

Hurlement

« C’est le poète, en Allen Ginsberg, qui a traversé, dans sa propre chair, des expériences horribles, décrites sur le vif dans ces pages.(..) On peut en penser ce qu’on veut, mais il nous donne la preuve que, malgré les expériences les plus dégradantes proposées par la vie à l’homme, l’esprit de l’amour survit pour ennoblir nos vies, si nous avons l’énergie, le courage, la foi – et l’art – de persévérer. » C’est William Carlos Williams qui, de la sorte, salue l’entrée en littérature, à 29 ans (nous sommes en 1955), de Allen Ginsberg, Juif new-yorkais, écrivain beat, homosexuel et communiste. Ce qui ressort de cette lecture, c’est le côté panthéiste et spirituel : récurrence du mot « âme » mais appliqué à des choses qui ordinairement n’en sont pas investies.
« Le monde est sacré ! L’âme est sacrée ! La peau est sacrée ! Le nez est sacré ! La langue et la queue et la main et l’anus sacrés ! Tout est sacré ! Tout le monde est sacré ! Partout est sacré ! Toute journée est dans l’éternité ! Tout homme est un ange ! » (PS à Howl.)
Mais aussi une poésie d’inspiration zen qui doit beaucoup à Kerouac et à Walt Whitman (« la forme de W. Whitman avait été rarement explorée – et encore moins améliorée - aux Etats-Unis. Whitman, c’est une montagne trop vaste pour en faire le tour en une fois » déclare Ginsberg ). Elle m’a aussi fait penser à Jean Genet.
A la fin du volume, Ginsberg revient sur l’écriture de ce poème en trois chants et qui s’appuie, pour marquer le rythme de ses longs vers libes formant des « unités de respiration », sur des points d’appuis comme le pronom relatif « qui », le nom "Moloch" issu d’une hallucination survenue sous l’emprise de l’alcool.
Ginsberg affirme avoir eu une vision du peintre Blake, qui a changé sa vie.

Il s’interroge sur les rapports de la poésie et de la prose au sein du vers « long ».
« Mais comment soutenir un long vers (sans le laisser retomber dans le prosaïque)? C’est l’inspiration naturelle du moment qui lui conserve son mouvement ; choses disparates assemblées, notes steno d’impressions visuelles,... des haïkus abstraits soutiennent le mystère et réinsufflent une armature dans le vers. L’Esprit utilisé spontanément invente des formes à son image ; il atteint les Dernières pensées. »
L’ouvrage contient aussi d’autres poèmes de la même époque comme le très beau America et des soi-disants poèmes de jeunesse (certains datant de 1953, Ginsberg avait 27 ans !) dans lesquels on ressent la même ferveur que dans les poèmes de la maturité.

Howl est un de ces textes fameux qui ont eu affaire à la justice. Le recueil a été saisi par les services de douane américains et la police de San Francisco, puis fut, nous dit-on, l’objet d’un long procès. Ginsberg se demande si finalement ce n’est pas pour la Joie qui ressort de ses lignes qu’il a été attaqué.

C’est une édition bilingue, la photo de couverture représente Ginsberg tapant son texte à la machine, le tout constituant une beau travail éditorial qui met bien en valeur cet incontournable de la poésie du XXème siècle.

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la "troisième patte" du "trépied-beat generation"

8 étoiles

Critique de PedrOld bull lee (, Inscrit le 9 juin 2008, 34 ans) - 14 juin 2008

Vous avez vaguement entendu parler de la "beat generation" ? Quand vous en avez parlé à vos profs de français-littérature ceux-ci ont froncé le sourcil -"euh de qui?quoi?"-?
Eh bien vous êtes en présence d'une oeuvre phare de ce mouvement, portant à la fois les évocations du voyage, du plaisir dans le moment présent, des "clochards célestes" à la "Sur la route" de Kerouac et les fulgurantes vision morbides -visions tout court même- du Burrougs du "Festin nu". Le tout porté par une rythmique incantatoire, hypnotique particulièrement frappante à la lecture "dans le texte" comme le propose cette édition.

L'incipit annonce la couleur : "I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked," soit en français (d'après la traduction de cette édition) "J'ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus,".

Puis, le poète va s'appuyer sur la répétition du pronom "qui" ("who") pour rythmer, marteler ses longs vers libres
"[...]qui se sont esseulés le long des rues de l'Idaho, cherchant des anges indiens visionnaires qui étaient des anges indiens visionnaires
qui ont pensé qu'ils étaient seulement fous quand Baltimore luisait en extase surnaturelle,"

La ponctuation est inexistante au sein des vers et seules des virgules marquent le fin de ceux-ci.
L'effet est surprenant et les mots ainsi accolés sont autant d'images qui font de chaque vers un flash mental
"qui traversèrent le pays en voiture pendant soixante-douze heures pour savoir si j'avais une vision ou si tu avais une vision ou s'il avait une vision pour savoir l'éternité,"

On peut parfois penser à du gros n'importe quoi incohérent, les hallucinations d'un drogué et rien de plus. Mais ce serait ô combien réducteur de s'arrêter là car en butant sur des vers crus ("qui se laissèrent enculer par des saints motocyclistes et hurlèrent de joie,") ou déroutants ("qui toussèrent au sixième étage de Harlem couronnés de feu sous le ciel tuberculeux entourés par des caisses d'oranges de la théologie,") on passerait à côté de la magnifique peinture d'une époque que constitue ce poème. Si le chaos règne dans les mots, Ginsberg donne une cohérence interne à son poème. Ainsi, les thématiques chères au mouvement sont évoquées les unes après les autres sans "faire catalogue" mais plutôt comme un tour de train fantôme : nous commençons avec la drogue puis glissons vers le sexe, le voyage la politique, etc.
On peut aisément se rendre compte de l'impact que put avoir ce livre à sa sortie en 1956 (!). Ces jeunes n'écoutaient pas encore de rock mais du be-bop et ils n'en étaient pas moins rebelles. La musique était en phase avec leurs écrits, et ce livre - comme les deux autres cités plus haut - ouvrit grand les yeux à toute une génération.

Un grand moment de poésie américaine (très juste les évocations de Whitman, Kinbote), de poésie tout court serais-je tenté de dire, doublé d'un important témoignage historique.
Un texte qui surprend par son radicalisme verbal autant que par l'originalité de structure. Essayez aussi de le lire à voix haute, en anglais sur ce vers par exemple :
"yacketayakking screaming vomiting whispering facts and memories and anecdotes and eyeball kicks and shocks of hospitals and jails and wars,"

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